• Au musée des Années Trente<o:p></o:p>

    Un figuratif au XXe siècle<o:p></o:p>

    Présent du 27 décembre 2008<o:p></o:p>

    La rétrospective Brayer du musée des Années Trente coïncide avec la parution du second tome du catalogue raisonné de son œuvre peint, couvrant la période 1961-1989. Il a déjà été souligné que, né l’année où Picasso peignait Les Demoiselles d’Avignon (1907), tableau avec lequel on fait naître l’art moderne, Yves Brayer est resté insensible au prétendu sens de l’Histoire de l’art et s’en est tenu à une conception traditionnelle de la peinture. Comme le notait son aîné André Dunoyer de Segonzac, « il a ignoré instinctivement l’art d’étonner et de scandaliser. »<o:p></o:p>

    Brayer fut non un cérébral mais un oculaire. « Peindre est prendre possession de ce qui arrête mon regard. » Son art est nourri de réminiscences de l’art de ses prédécesseurs. Pas à la manière de Picasso, intéressé par les maîtres comme le gui par le chêne : Brayer est toujours lui-même, mais la persistance rétinienne est au service de sa fidélité. Il en va de même d’un écrivain chez qui se devinent de ferventes lectures, d’un compositeur dont la manière est marquée par l’écoute admirative d’un maître (je pense ici à des pages de Poulenc, où les Pièces froides de Satie apparaissent en filigrane). Ces intérieurs, Vuillard y a séjourné ; les quais de Seine ont une façon de filer à la Marquet ; le canard pend au clou comme chez Chardin ; ces gardians à cheval se tiennent dans le paysage comme les cavaliers de Degas sur le champ de course, comme les cavaliers de Gauguin sur le sable rose. Telle Arlésienne à la mantille est la petite-nièce de Mme Ginoux par Van Gogh. <o:p></o:p>

    Elève de Lucien Simon dans une académie de Montparnasse à l’heure de l’Ecole de Paris, Yves Brayer suit son maître aux Beaux Arts lorsque celui-ci y est engagé comme professeur. Une bourse permet à Brayer de peindre en Espagne (1927), puis un prix créé par le Maréchal Lyautey, au Maroc. Il obtient le Prix de Rome en 1930 et croque ses années italiennes avec appétit. Vues romaines, vies aussi : des séminaristes devant la Trinité des Monts ou sur le Pont Saint-Ange, une volumineuse vendeuse de pastèques, une matrone nourricière. Ce sont aussi les soirées du monde élégant, les jeunes femmes qui sortent des voitures devant des palais illuminés : Paul Morand n’est pas loin. Sur une pochade, Mussolini harangue la foule depuis un balcon (1933). (Qui dénoncera la responsabilité des balcons dans la montée des Extrêmes ? A Klaipeda, ex-Memel, en Lituanie, on indique encore aux touristes le balcon d’où Hitler s’exprima.)<o:p></o:p>

    Peu de portraits en tant que tel : Brayer partage avec Soutine le goût du vêtement professionnel, du costume, dont les couleurs, les ornements et la coupe offrent des motifs nouveaux. Peu importe qu’un individu le revête : le costume en lui-même, sur le cintre ou au porte-manteau, a pour l’artiste la valeur des dépouilles opimes. L’habit seul, ou le corps dénudé : les nus féminins, nombreux, sont à la fois saisissables, et distanciés.<o:p></o:p>

    Sa découverte de la Provence, au milieu du siècle, fut un choc. Les Baux, les Alpilles... Fatalement, ses paysages provençaux doivent à Van Gogh, mais d’une part, à bien y regarder, les couleurs sont celles du Vincent d’Auvers-sur-Oise, harmonies post-provençales en verts et bleus, auxquelles s’ajoute l’humidité qui baigne les paysages post-fauvistes de Vlaminck, et d’autre part c’est une vision absolument paisible, peut-être trop ? L’inquiétude sied aux cyprès. <o:p></o:p>

    Cette tranquillité d’âme et une facilité à produire (le catalogue raisonné dépasse les quatre mille entrées) constituèrent un motif de reproches en un temps où paraître mettre bas aux forceps constituait un brevet d’authenticité. Sans reprendre ces griefs, il reste l’impression, devant nombre de ses toiles, que manquent quelques coups de brosse judicieux qui auraient çà et là affermi la forme. Dans l’ensemble la rigueur d’un Maurice Brianchon fait défaut. On le déplore car quand Brayer pousse son travail, le résultat est marquant : c’est par exemple sa femme Hermione « à la robe rouge » (illustration).<o:p></o:p>

    Y. Brayer a également été illustrateur (gravures, monotypes) pour des éditions bibliophiliques de Montherlant (Le Bestiaire), de Claudel (Le Soulier de satin), de Baudelaire (les pièces condamnées), etc. Des écrivains ont écrit sur son œuvre, André Chamson, Pierre Mac Orlan, Jean Giono. Par ailleurs il fut professeur à la Grande Chaumière pendant cinquante ans, directeur du Salon d’Automne, conservateur du Musée Marmottant. Mort en 1990 après une vie toute dédiée à la peinture, il a son musée aux Baux-de-Provence.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Yves Brayer, La passion de peindre,

    jusqu’au 25 janvier 2009, Musée des Années Trente, Boulogne-Billancourt.<o:p></o:p>

    Yves Brayer, Catalogue raisonné, tome II (1961-1990), par L. Harambourg, H. Brayer, O. Brayer et C. Brayer, La Bibliothèque des Arts, septembre 2008, 424 pages (149 euros).<o:p></o:p>

    Illustration : Portrait d'Hermione à la robe rouge, 1955 (Photo Serge Veignant)<o:p></o:p>


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  • Au musée Jacquemart-André<o:p></o:p>

    Van Dyck

    noble brosse<o:p></o:p>

    Présent du 20 décembre 2008<o:p></o:p>

    Antoine Van Dyck (1599-1641) est parrainé par deux noms sur les fonts de la postérité : celui du Titien, avec qui il forme le binôme des grands portraitistes de cour, celui de Rubens (1577-1640), dont il fut l’assistant à l’âge de dix-huit ans et dont il partagea le goût pour la virtuosité dans le maniement de la peinture à l’huile. <o:p></o:p>

    Les premiers portraits (années 1617-1620) témoignent de son assimilation des principes rubéniens. Le rideau rouge qui occupe systématiquement un coin du tableau est une chute de l’étoffe qu’on voit derrière le portrait de l’Infante Isabelle par Rubens (1610). L’intérêt porté au rendu du costume, à la matière, est un autre trait. Déjà, malgré certaines raideurs, malgré un traitement trop séparé des différentes parties (Portrait d’un homme de la famille Vincque), une tête de vieillard ascétique ou de vieil homme apoplectique, un portrait d’homme sur fond de colonnade (illustration) ou le portrait d’une famille prouvent que la maîtrise est imminente. Avec le portrait du comte d’Arundel, réalisé lors d’un premier et bref séjour en Angleterre, Van Dyck passe avec aisance des bourgeois aux aristocrates.<o:p></o:p>

    Mais l’heure n’est pas encore anglaise : Van Dyck part pour l’Italie (1621-1627), quinze ans après Rubens. Il parcourt le pays et se fixe à Gênes où il travaille pour le patriciat. Les progrès accomplis apparaissent dans la robe blanche de la fille de Porzia Imperiale (vers 1626) : glacis, frottis, broderies d’or, Van Dyck se joue de tout. Jeune, ambitieux, mêlé au meilleur monde, il mène une vie fastueuse qui rompt avec l’image du peintre enfermé dans son monde, ombrageux voire asocial. L’autoportrait de 1822 montre un jeune homme à la chevelure romantique, vêtu d’un haut à manches à crevés, dans une pose pleine d’assurance comme lançant un défi ; nulle palette, nulle brosse n’occupe des mains que le peintre veut avant tout d’une blancheur et d’une oisiveté aristocratiques.<o:p></o:p>

    Rien cependant de superficiel. Rentré à Anvers, il ne dédaigne pas ses confrères peintres et graveurs dont il laisse des images fortes : Lucas Vosterman l’Ancien en personnage lunaire et exalté, Karel Van Mallery en sage, à la façon dont son contemporain Vélasquez représente Esope. La contingence est dépassée, son autoportrait et ces toiles définissent autant de manières d’être artiste. Tableaux liés aux gravures de l’Iconographie, « livre contenant des portraits d’hommes célèbres » divisés en trois catégories : les Princes, les Hommes d’Etat & Savants, les Artistes & Amateurs. En associant les artistes à l’élite, Van Dyck se soucie de leur reconnaissance sociale. Dans les portraits de Jacob de Witte, d’Anna Wake, etc., derrière les éléments psychologiques communs à l’humanité se lit la plus précieuse présence intérieure propre à chaque âme. Ce qui rend cette période anversoise très attachante (1627-1632), sans que cela ne déprécie les portraits anglais à venir.<o:p></o:p>

    Les dix dernières années de Van Dyck sont en effet anglaises, avec quelques parenthèses continentales : en 1634 il reçoit à Anvers le titre de doyen honoraire de la guilde Saint-Luc, honneur qu’il partage avec Rubens seul ; en 1641 il est à Paris, officiellement en voyage d’agrément, mais peut-être afin d’obtenir la décoration de la Grande Galerie du Louvre, qui échoit à Poussin. Quatre ans plus tard, Ch. Perrault l’emporte face au Bernin, autre signe d’une « préférence nationale » jusque là peu pratiquée en Europe. <o:p></o:p>

    Charles Ier quant à lui nomme Van Dyck peintre ordinaire du roi et le fait chevalier. Son activité est grande à la cour. Les portraits du roi, de la reine, se multiplient. Lorsque Charles 1er envisage de commander son buste au Bernin, c’est Van Dyck qui est chargé de réaliser les peintures d’après lesquelles le sculpteur pourrait travailler à Rome. D’une manière générale, Van Dyck achève de « déguinder » le portrait, en substituant à la hauteur la grâce bien-née. Le roi, sa famille, ses courtisans, sont gentilshommes jusqu’au bout des ongles. Les costumes variés et colorés permettent plus d’effets que les austères tenues anversoises.<o:p></o:p>

    Peintre religieux rarement probant – la Vierge à l’Enfant destinée à l’oratoire de l’abbé Scaglia ne présente aucun caractère sacré –, c’est en portraitiste que Van Dyck demeure. Au-delà de la virtuosité, son regard est toujours élévateur : il prend ce qu’il y a de meilleur de son modèle, met en évidence la personnalité ; il anoblit le bourgeois. <o:p></o:p>

    Van Dyck mourut précocement près de Londres en 1641, d’un mal de poitrine, scellant son destin de « peintre anglais ». Charles Ier lui organisa de grandioses funérailles. Van Dyck ne connut pas les premiers troubles qui allaient mener à la décapitation de son monarque huit ans plus tard. <o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Van Dyck,<o:p></o:p>

     jusqu’au 25 janvier 2009. Musée Jacquemart-André<o:p></o:p>

    Portrait d’homme © Catarina Gomes Ferreira, Musée Calouste Gulbenkian, Lisbonne<o:p></o:p>


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  • Au musée d’Orsay<o:p></o:p>

    Haut les masques<o:p></o:p>

    Présent du 13 décembre 2008<o:p></o:p>

    Il n’y a pas de culture primitive sans masques, et pas de passage à une organisation supérieure sans leur abandon. Ils se replient alors dans le théâtre (souvent d’extraction religieuse) et dans la salle de jeux. Profanes, ludiques, les masques continuent d’accompagner l’homme qui ne parvient jamais à vraiment s’en débarrasser, tenu qu’il reste par une fascination originelle liée à la jettatura – titre et sujet d’un conte de Th. Gautier.<o:p></o:p>

    Le masque mène une vie également artistique. Il est un parallèle du portrait, plus présent qu’on ne croie. Le foisonnement de masques entre 1860 et 1910 témoigne de la vitalité du thème. La découverte des masques japonais puis africains contribue ces années-là à relancer l’intérêt pour lui. Les masques pénètrent jusqu’à la littérature : Remy de Gourmont intitule ses portraits d’écrivains contemporains Le livre des masques (1896 et 1898), illustrés des masques de chacun dessiné par Félix Valloton ; Marcel Schwob publie un recueil de contes, Le Roi au masque d’or (1892), dans lequel, souligne-t-il, « il y a des masques et des figures couvertes… »<o:p></o:p>

    En guise d’introduction, une belle tête feuillue gothique (prêtée par le musée de Cluny), l’Allégorie de la Simulation par Lorenzo Lippi (musée des Beaux-Arts d’Angers) illustrent les rôles que peut endosser le masque, ornement architectural sous le nom de mascaron, ou accessoire symbolique. <o:p></o:p>

    Le masque de Méduse a connu dans l’art occidental un succès qui ne se dément pas. Il exprime à lui seul le summum de l’œil magique conduisant à la paralysie. Interprété de façon classique et puissante par Arnold Böcklin (papier mâché et doré), il a donné lieu à des adaptations plus ou moins heureuses : J.-B. Amy réalise un Masque de femme tirant la langue, entouré d’éponges (1899), où à l’image antique s’ajoute l’apport de l’étude des rictus faciaux menée par J.-B. Charcot ; G. Dumontet conçoit un bronze électrifié : la chevelure est parsemée de loupiottes, ça date de 1906 et c’est un avertissement à ceux qui s’empressent de mêler les nouvelles technologies à l’art.<o:p></o:p>

    Zacharie Astruc (1835-1907) sculpta une Méduse qui inspira un texte lyrique à Léon Bloy (« La Méduse Astruc », 1875) : l’écrivain espérait la pétrification définitive du bourgeois. Ici le sculpteur est représenté par des masques de célébrités (en plâtre), études pour Le Marchand de Masques (1886), bronze réalisé pour le Jardin du Luxembourg. Celui de Victor Hugo est brandi, ceux que le jeune homme tenait à la main ont été volés (le poète Banville, le comédien Coquelin cadet et Gambetta) ; les autres garnissent le socle. Ce n’est pas de la grande sculpture : la roche carpéienne n’est pas loin. <o:p></o:p>

    Ce marchand de masques illustre la passion pour l’image des grands hommes, artistes en tête, héritée du siècle précédent. Les bustes, les monuments, quand ils étaient posthumes, exigeaient une documentation, souvent fournie par les masques mortuaires. Opération délicate pour le praticien, pénible pour la famille, la réalisation d’un masque est jugée obligatoire en proportion de la gloire du défunt, ce qui n’écarte par l’intention filiale. Antérieurs à l’intervention artistique et à la résurrection, les masques mortuaires ont leur étrangeté propre, l’image qu’ils donnent de la personne est, du fait de la passivité du procédé, relativement fausse.<o:p></o:p>

    Dans l’atelier du sculpteur, le masque naît parfois d’un accident survenu lors du moulage, il est ce qu’on sauve en priorité d’une terre abîmée. L’homme au nez cassé de Rodin est la partie rescapée d’une terre victime du gel et de l’éclatement. Rodin pour le projet du monument Balzac poussa les études sur la voie du masque de l’écrivain, de même qu’il s’acharna à modeler le « masque » typé de l’actrice Hanako.<o:p></o:p>

    Le masque, héritier du mascaron, fut une des préoccupations de Jean-Joseph Carriès, masque « grotesque », « de rire », « d’horreur ». Il adapta également le masque à l’autoportrait, ou plutôt l’autoportrait au masque, objet de déformation, d’aplatissement, de rictus, auto-dérision répétée qui révèle un mal-être qui imprègne son œuvre les années passant. Moins attendu, un grand vase en grès émaillé est orné de deux masques qui font corps avec le récipient, le transformant en un vase Janus. Minuscule en comparaison, le Double vase au masque de femme par Gauguin, pot en grès (émaillé hormis le visage), a plus de présence.<o:p></o:p>

    « De Carpeaux à Picasso » : les termes sont médiocres, ce qu’ils enclosent l’est moins. Le mascaron de Charles Cordier (illustration), Le Silence d’Auguste Préault (étude pour un monument funéraire du Père-Lachaise), les Apollon de Bourdelle… chacun dans leur matière et à leur manière, exprime la fascination exercé par notre faciès.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Masques, de Carpeaux à Picasso,

    jusqu’au 1er février 2009, Musée d’Orsay.

    Illustration : Ch. Cordier, Mascaron décoratif, 1867 © Musée d'Orsay, Patrice Schmidt<o:p></o:p>


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  • A la galerie Tarantino<o:p></o:p>

    Pour l’amour de Rome<o:p></o:p>

    Présent du 6 décembre 08<o:p></o:p>

    Expert en vases grecs et en toiles italiennes, M. Antoine Tarantino présente dans sa galerie du bas de la rue Saint-Georges peintures et dessins de la Rome baroque qu’il a un à une, et avec amour, chinés, dégotés, puis identifiés lorsque les œuvres étaient frappées d’anonymat.

    Le visage de Rome garde de chacun de ses vingt-sept siècles d’augustes rides et de précieuses ridules ; mais, ainsi que l’écrivaient les auteurs des Itinéraires romains, « c’est le Baroque qui définit de façon prépondérante la physionomie de la Ville. » L’époque baroque fut, toujours selon ces auteurs (J. Maury et R. Percheron, que le titre de leur ouvrage a cachés aux yeux du public), l’expression d’un humanisme catholique basé sur l’accord de l’intelligence, de la volonté et de la sensibilité, un période bénie où la certitude s’affirma, servie par des artistes de haut savoir : c’est « cette réciprocité féconde entre l’assurance de la pensée et l’assurance de la facture qu’il importe de ressentir pour rendre justice à la chaleureuse sincérité de la production baroque. »<o:p></o:p>

    L’homme de la situation fut Le Bernin (1598-1680). On le croise à chaque travée, on le rencontre sur toutes les places. Il réalise la colonnade de Saint-Pierre sans dédaigner ajouter, à une fontaine Renaissance, quatre petites tortues qui désormais lui donneront leur nom ; il sculpte ici un saint extatique, là un Triton qui s’abreuve à une conque ; dessine des façades d’églises à tour de bras, assume la charge, plus lourde que la coupole elle-même, d’architecte en chef de la basilique Saint-Pierre. Et quand il ne tient pas la brosse ou le ciseau, c’est d’après ses projets et dessins que d’autres travaillent, pour la Fontaine des Fleuves place Navone, pour un éléphant porteur d’un obélisque place de la Minerve, tandis que son atelier taille la douzaine d’anges du pont Saint-Ange, qui créent au-dessus de l’eau une passerelle ailée. Le Bernin était si organiquement romain que la tentative de le transplanter à Versailles aboutit à un rejet réciproque.<o:p></o:p>

    Cependant nulle époque ne se résume à une star, et – une des visées de l’exposition est de le montrer – mieux comprendre une période passe par la connaissance des artistes trop rapidement qualifiés de secondaires ou que la Renommée n’a pas pris soin de couronner, mais qui n’ont pas été moins actifs ni moins soucieux de l’épanouissement des dons reçus.<o:p></o:p>

    Sont rassemblées plusieurs œuvres d’un élève du Bernin, le Baciccia (1639-1709) : un portrait de son maître à la sanguine, une esquisse à l’huile (Pluton enlevant Proserpine), et surtout deux travaux préparatoires pour la voûte de l’église du Gesù qui célèbre le Triomphe du Nom de Jésus. L’esquisse à l’huile, toute en fluidité, le projet d’ensemble à l’encre témoignent de la maturation de l’idée, une contre-plongée audacieuse, un tourbillon ascendant, « décor illusionniste accompagnant l’architecture vers le ciel », écrit M. Tarantino, et de souligner le destin de cette composition : « Les nombreux artistes de passage à Rome et le formidable rayonnement des jésuites contribueront à en exporter le modèle partout en Europe et jusqu’en Amérique Latine. »<o:p></o:p>

    Un remarquable dessin de Pierre de Cortone, véritable document de travail avec reprises, repentirs, variantes (Louis XIV entouré de Minerve, de la Victoire et de Saturne écrasant l’Ignorance), avoisine avec les esquisses d’un de ses disciples, Ciro Ferri, pour une mosaïque de Saint-Pierre (Le Prophète Zacharie), ou pour un tableau destiné à une église siennoise. L’Ange gardien est la réplique, par le même, d’une œuvre de maître sur le mode de l’interprétation libre.<o:p></o:p>

    D’un autre élève de Cortone, Guillaume Courtois, natif du Doubs (en 1628), romanisé en Guglielmo Cortese, dit Il Borgognone, qui fut aussi élève du Bernin, notre galeriste a trouvé in extremis, deux jours avant le vernissage, ce tableau venu couronner son labeur : une insigne Vierge à l’Enfant.<o:p></o:p>

    La Vierge à l’Enfant est par ailleurs médiatrice dans d’autres tableaux : elle apparaît à saint Pierre d’Alcantara (toile de Lazzaro Baldi, collaborateur de Cortone) ; elle remet le Rosaire à saint Dominique (attribué à Girolamo Troppa). <o:p></o:p>

    Côté sculpture, deux terres cuites : une bout d’esquisse de Melchiore Cafa pour le bas-relief du martyre de saint Eustache, émouvant puisqu’il reste peu d’œuvres de la main de l’artiste mort à 31 ans (le marbre de l’église Sainte-Agnès a été réalisé par un praticien) ; un Saint Pie V haut de 50 cm (illustration), de Pietro Papaleo. Travail abouti, où la spiritualité émane moins du visage du pontife que des jeux de drapés, jamais vains, bel exemple de mystique du pli, leçon de sculpture donnée à trois cents ans de distance.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Rome 1660, L’explosion baroque, du 18 novembre au 20 décembre 2008 et du 5 au 31 janvier 2009. Galerie Tarantino, 38 rue Saint-Georges, Paris 9e.<o:p></o:p>

    Illustration : Pietro Papaleo, Saint Pie V, terre cuite (1712)<o:p></o:p>


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