• Au Musée d’Archéologie Nationale

    La reine Arégonde

    Présent du 29 août 09

    Coincés entre un Empire romain qui, même finissant, gardera son prestige, et un Empire carolingien qui se plut à les noircir, les temps mérovingiens ne se débarrassent que peu à peu de leur mauvaise réputation.

    Malgré les invasions sporadiques, la vie continue aux VIe-VIIIe siècles : le commerce avec l’Orient décline mais ne s’interrompt pas, celui avec la Méditerranée est florissant. Les voies romaines sont à jamais inscrites sur le sol européen et au-delà. Les rois bâtissent. L’Eglise édifie, on n’y pense pas car il ne reste debout que le baptistère de Poitiers ; mais sous la plupart des églises et des cathédrales romanes, des fondations mérovingiennes attestent la santé de l’époque.

    La basilique de Saint-Denis n’a pas d’autre histoire : le mausolée du martyr, édifié en 313, est transformé en édifice par sainte Geneviève vers l’an 500, puis agrandi au VIe, au VIIe, avant de disparaître sous la vaste basilique médiévale. Les fouilles entreprises à l’époque moderne ont permis l’étude de quatre-vingts tombes mérovingiennes. Ce n’était pas encore une nécropole royale : seuls Dagobert Ier et son fils Clovis II y furent enterrés, mais déjà un lieu privilégié : des membres des familles royales, des notables ont souhaité être placés au plus près des saintes reliques.

    L’exposition commémore particulièrement l’invention de la tombe de la reine Arégonde, en 1959 par Michel Fleury, grand archéologue et défenseur du Vieux Paris, auquel il faut associer Edouard Salin et Albert France-Lanord. La tombe d’Arégonde est une cuve de grès à couvercle, oblongue et trapézoïdale. Elle est modestement décorée de lignes dans le sens de la longueur, travaillées à la pointerolle. Aux petits côtés, les lignes sont obliques. La nécropole de Saint-Denis recelait des cuves en pierre, d’autres en plâtre qui étaient moulées en série : les artisans exploitaient le gypse local, de même qu’en Anjou ils privilégiaient l’ardoise régionale pour les inhumations (collégiale Saint-Martin). Le contenu de la cuve, étudié dans les années soixante, l’a été à nouveau avec les moyens modernes. Désormais Grégoire de Tours et AGLAE collaborent. (1)

    Arégonde est une bru de Clovis. Elle fut l’épouse de Clotaire Ier (511-561 : roi de Soisson, roi de Reims, roi des Francs), et la mère de Chilpéric Ier, roi de Soisson et de Neustrie (561-584). Ecrivant dans la seconde moitié du siècle, Grégoire de Tours raconte qu’Ingonde, première épouse de Clotaire, demanda à son royal époux pour sa propre sœur Arégonde, un mari digne d’elle, à savoir le plus parfait possible. Le roi estima qu’il était le seul homme qui répondît à de telles exigences et sans barguigner épousa la sœur de sa femme qui accepta ce mariage avec soumission. Mais on dit qu’en fait Ingonde était morte quand Clotaire épousa sa sœur ; il s’agit de lévirat puisqu’il épousa par la suite la veuve de son frère Clodomir puis celle de son petit-neveu Theodebald. Il fut également marié à Radegonde, la sainte que l’on sait.

    Au physique, la science le dit, Arégonde mesurait dans les 1m 50, était gracile. Elle boitait de la jambe droite, suite d’une poliomyélite contractée à cinq ans ; handicap qui lui provoqua une méchante entorse. Elle souffrait d’arthrose cervicale et lombaire, peut-être de diabète. Elle est morte dans les années 570, âgée d’une soixantaine d’années.

    Les résidus de tissus, de cuir, dégagés du magma tombal, passés au crible électronique, permettent de reconstituer le costume d’apparat dans lequel elle fut ensevelie. Son manteau était teint de pourpre, privilège royal hérité de Rome et en usage à Byzance. Elle portait un voile de samit, étoffe orientale damassée. On sait que, avec ces étoffes luxueuses et parées du prestige de l’Orient, l’Eglise enveloppa souvent des reliques. Un beau-fils d’Arégonde, Sigebert roi d’Austrasie et de Reims, déroba d’ailleurs dans la basilique Saint-Denis, à ce que rapporte Grégoire, le voile précieux qui couvrait le saint tombeau.

    Les bijoux, les plaques-boucles et contre-boucles de ceinture, les fibules, les épingles sont métalliques, cloisonnés et souvent garnis de grenats et pâtes de verre (illustration) : Saint Eloi  excellera quelques décennies plus tard dans cette technique, réalisant par exemple ainsi la croix de Saint-Denis, dont, vandalisée à la Révolution, il reste un minuscule fragment (BnF, Cabinet des Médailles). Le décor est géométrique, zoomorphique, à entrelacs : c’est le décor typiquement « barbare » d’une communauté qui affirme ses origines franques.

    Samuel

    (1) AGLAE est l’accélérateur de particules du C2RMF, Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France.

     

    Tombes mérovingiennes de la basilique Saint-Denis, La science au service de l’archéologie.

    Jusqu’au 4 octobre 2009, Musée d’Archéologie Nationale, Château de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines).

    illustration : Bijoux de la reine Arégonde (vers 570) ©RMN/ Jean-Gilles Berizzi


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  • Au musée de l’Ile-de-France

    Les marbres de Letourneur

    Présent du 22 août 09

    René Letourneur (1898-1990), entré aux Beaux Arts de Paris en 1916, obtient le Prix de Rome en 1926. Il regarde de près, lors de son séjour italien, les marbres antiques et Renaissance, ceux de Michel-Ange surtout.

    Les commandes publiques le sollicitent régulièrement tout au long de sa carrière : bas-reliefs et médaillons du théâtre Jean-Vilar de Suresnes (1934) ; monuments aux morts d’Alençon (une Victoire au sommet d’un glaive de dix mètres, 1953-1954) ; rondes bosses pour le pont du Pecq (La Seine, l’Oise, 1962-1964) ; et tant d’autres choses, à Lille, Lorient, Albi, etc., sur des façades, des places publiques, dans des écoles – ces dernières favorisées par le 1% institué en 1951 exclusivement pour les bâtiments de l’Education nationale.

    A partir des années soixante-dix, l’Etat se détourne des Prix de Rome et s’ouvre à des artistes plus révolutionnaires – effet de Mai 68. L’extension, en 1978, du 1% à toutes les commandes publiques, le choix exclusif de plasticiens ont installé çà et là dans le paysage urbain des poutrelles tordues et des crottes bétonneuses, au détriment de cette figure humaine que R. Letourneur aimait tant, qu’il a toujours choisie pour répondre aux commandes, publiques comme privées : souvent des allégories, des hommes politiques parfois : le monument à Jaurès (Albi), l’exotique monument à Simon Bolivar (Quito, Equateur). Au total, peu d’art religieux, on compte un haut relief (Notre-Dame des Victoires, Lorient), un tympan (chapelle de l’hôpital d’Albi), une Vierge à l’Enfant, c’est à peu près tout.

    Confronté à la rupture avant-gardiste, René Letourneur se replie dans son atelier de Fontenay-aux-Roses et se consacre au corps féminin, « bizarre et émouvant ». Cette sculpture sera pour l’essentiel celle du marbre, pratiquée en taille directe.

    La taille directe ! Le XIXe l’a ignorée, l’artiste laissant à des praticiens le soin de tailler le caillou par la mise au point, c’est-à-dire par un acte purement mécanique, impersonnel. « La taille directe n’exclut pas de prendre des mesures, elle est contre la machine ou le compas reproduisant très exactement le modèle, écrivait Letourneur. Michel-Ange partait d’une modèle, très étudié, de 40 à 50 centimètres de hauteur, pour passer directement à l’exécution, quelle que soit la taille définitive. Cela a le double avantage de permettre le contrôle de son ensemble en faisant le modèle et de ne pas répéter son travail en l’exécutant. » (La Sculpture française contemporaine, 1944).

    L’approche de R. Letourneur est semblable à celle des sculpteurs de sa génération, qui ont cherché l’accord du mur et de la statuaire, l’expression par la taille directe : Henri Bouchard, Carlo Sarrabezolles, Alfred Janniot, Raymond Delamare, artistes évoqués lors de conférences en mai dernier à Sceaux, auxquels il faut ajouter, puisqu’il est encore laissé à l’écart, Henri Charlier, ou Léon Séverac.

    Si des traits Art Déco se devinent, la statuaire féminine de Letourneur est fortement marquée par celle de Maillol (1868-1944), poses, dessin des visages, rotondité de la forme. Cette rondeur n’est qu’apparente chez Maillol, dont les sculptures ne laissent rien à désirer quant au travail des plans ; chez Letourneur, les plans semblent moins rigoureusement définis. Ou est-ce ce fichu marbre qui noie le regard ? Ce marbre blanc, poli, repoli, est une aberration, puisque les plans s’éclairant les uns les autres par réverbération, la forme est absorbée dans une luminosité générale. Les bronzes et les pierres calcaires parlent de façon plus cohérente : la lumière, en grande partie absorbée, éclaire chaque plan avec l’intensité juste.

    Letourneur aime que la figure garde la pesanteur de la pierre, l’aspect massif du bloc dont elle est issue. Certaines œuvres, plus que d’autres, conservent la forme du bloc : L’Aube et Le Crépuscule en sont un bon exemple (illustration), la pose étant à la fois conçue et ramassée. Il ne viendrait pas à l’esprit du sculpteur qu’une Idée gesticulât. L’œuvre de la maturité, Les Trois Figures (1974-1978), s’annonce elle aussi issue d’une masse : le sculpteur refuse la prouesse technique qui simulerait la juxtaposition de trois personnages, il extrait un groupe de sa gangue, sans trop le refouiller.

    Les nus de Letourneur ne vont pas sans répétition. Est-ce poursuite d’une Idée fondamentale ou reprise d’une unique Idée faute de mieux, je ne sais. Ses dessins, brillants, séduisants, correspondent à sa sculpture, avec le même reproche. « Dessiner, c’est suggérer, c’est exprimer une forme par un trait qui contient le volume dans l’espace, dont l’expression s’avance ou fuit selon l’idée de la profondeur que l’on s’en fait. »

    Samuel

    L’atelier du sculpteur René Letourneur.

    Jusqu’au 3 novembre 2009, Musée de l’Ile-de-France (Parc de Sceaux, 92).

    illustration : R. Letourneur, Le Crépuscule (1949-1950), Parc de Sceaux © Schwa Ltd


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  • Au Musée des Arts décoratifs et au Mémorial Leclerc

    La mode de chez nous

    Présent du 15 août 09

    Madeleine Vionnet (1876-1975) est un grand nom de la mode d’entre les deux guerres. Elle apprend la couture dès l’âge de douze ans. Après un passage chez Kate Reily, maison de couture londonienne, elle rentre à Paris et travaille chez les sœurs Callot, sans qui, disait-elle, « j’aurais continué à faire des Fords. Ce sont elles qui m’ont permis de créer des Rolls. » Jacques Doucet l’embauche ensuite, mais les idées solidement arrêtées de la jeune créatrice, relativement au rapport du corps et du vêtement, ne plaisent pas. Elle fonde sa propre maison en 1912.

    M. Vionnet a le sens des réalités et de l’essentiel. Elle est marquée par le Purisme du Corbusier et d’Ozenfant, mais évite tout cérébralisme : « On n’est pas couturier dans l’abstraction pour suivre son inclination […]. Un couturier habille des êtres humains, non des rêves… » Elle juge contraire au bon sens d’ajouter à la structure qu’est le corps humain, une structure supplémentaire qu’est un vêtement contraignant. Adieux corsets, tournures, boutons, agrafes, baleines et doublures ! Le vêtement doit être un tégument. La toge antique, une unique pièce drapée, inspire son travail. Les tissus sont légers, c’est du tulle, de la crêpe, des mousselines, qui, grâce à la coupe en biais, plissent naturellement, comme le montre cette robe faite de quatre losanges de tissu noués sur les épaules et tenus par une ceinture (illustration), utilisation exemplaire de la géométrie au service du corps.

    Ses robes et manteaux se signalent encore par des teintes unies, franches, un noir, un vert, un café crème, gages de clarté de l’idée générale.

    Madeleine Vionnet eut à cœur d’améliorer les conditions de travail des petites mains, et lutta contre la contrefaçon qui, elle l’avait compris, menaçait la santé des maisons de couture : le dépôt systématique, à cette fin, des photographies de ses créations constitue désormais une belle archive. Elle arrêta son activité en 1939, après une vie professionnelle bien remplie.

    La mode évoque la futilité, l’éphémère. M. Vionnet en avait une tout autre conception : « Le mot mode pour moi ne signifie rien que des idées d’ordre général, universel, participant du caractère immuable et éternel de la beauté. »

    Age sombre et semelles de bois

    Le même terme de mode a paru inconvenant, appliqué aux années les plus sombres de notre Histoire. Présent dans le titre initial de l’exposition du Mémorial Leclerc, il en a été ôté. Craignait-on Chr. Girard en embuscade ? La mode existe pourtant, les journaux spécialisés paraissent. Avec quelques clichés d’André Zucca, nous nous rendons aux courses en compagnie de Choupinette, mannequin chez Schiaparelli, photographiée à l’entrée du métro, en vélo-taxi, etc. Le chic de la Parisienne appartient autant à l’imaginaire allemand qu’à l’imaginaire français, pour lequel être pimpante malgré tout est un acte de résistance culturelle et morale.

    L’influence des circonstances se mesure à la coupe volontiers militaire des tailleurs, à l’utilisation du tissu écossais, clin d’œil aux alliés. Au rayon des accessoires, les foulards ont un parfum vichyssois. Colcombet édite « les Carrés du Maréchal », sur le thème de ses déplacements en France, ou avec son portrait, des citations ; on peut aimer, mais enfin ça n’est pas les Gobelins. Un carré Hermès prône le Retour à la terre, sous forme d’un dessin d’enfant.

    La mode est surtout pragmatique : faire la queue dans le froid, circuler à vélo, passer la nuit dans les abris, exigent une modification des vêtements. D’une façon générale la créativité est en panne, pour preuve l’extravagance croissante des chapeaux.

    La créativité, mais pas l’inventivité. Le système D triomphe. La pénurie des matériaux de luxe fait se tourner les créateurs vers d’autres matériaux. La modiste Mme Agnès orne ses chapeaux de longs copeaux de bois vernis ou laqués. Albouy fabrique des chapeaux en papier journal.

    Même les matériaux de base se raréfient ou disparaissent. Les semelles en bois articulées de la marque Smelflex sont les bienvenues. L’absence de bas est palliée par le trompe-l’œil : le Filpas, le Bas Liquide se peignent à même la jambe, vendus en flacon, déclinés en teinte chair, dorée, ou brune. Les ménagères s’essayent à la fabrication maison : « Avec 55 cm de drap, je fais ce sac », explique un Marie-Claire de 1940. Chutes de pneus, sangles de sommier, poils de chiens, cheveux… Récupérons ! proclame une affiche du Service de la récupération et de l’utilisation des déchets et vieilles matières, anticipant la mode écolo-éthique actuelle.

    Samuel

    Madeleine Vionnet, puriste de la mode.

    Jusqu’au 31 janvier 2010, Musée des Arts décoratifs.

    Accessoires et objets, témoignages de vies de femmes à Paris, 1940-1944.

    Jusqu’au 15 novembre 2009, Mémorial du Ml Leclerc de Hauteclocque (Paris XVe).

    illustration : Robe, par M. Vionnet (1920), Les Arts Décoratifs, Union Française des Arts du Costume © Patrick Gries


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  • Au musée du Louvre

    Domenico Beccafumi (1486-1551)

    Présent du 8 août 09

    La légende veut que Lorenzo Beccafumi, notable siennois, ait remarqué dans les champs un enfant, fils de paysan, occupé à dessiner sur une pierre. Il l’adopta, le mit en apprentissage chez un peintre, on ignore lequel. Les œuvres du Pérugin influencèrent le jeune Domenico, puis les fresques romaines de Raphaël et Michel-Ange (1510-1511) qui acquirent une renommée immédiate et pour lesquelles il fit le voyage, profitant de son séjour pour étudier également la statuaire antique. Il connaissait par ailleurs la peinture florentine la plus avancée.

    Le Louvre possède une quarantaine de dessins de Domenico Beccafumi, la plupart en rapport avec ses fresques siennoises. Zeuxis dessinant est une étude pour une fresque du Palais Agostini (1520). L’anecdote est célèbre : devant peindre une Hélène, il fit défiler nues les jeunes filles de la cité, en retint cinq grâce auxquelles il composa une femme idéale. Anecdote n’est pas le mot juste, car la réflexion est caractéristique de l’art italien de l’époque : quel rapport entre la beauté de la Création et la création artistique ? L’apologue penche pour l’intervention intellectuelle de l’artiste, au-delà de l’imagination pure et de l’imitation brute. Les fresques du Palais Agostini ont leurs réminiscences romaines : un des modèles que dessine Zeuxis est tout à fait un nu michelangélesque ; la pose de Caton d’Utique au moment de son suicide reprend la pose du Laocoon antique découvert en 1506, que l’artiste utilise encore pour un dessin à l’encre : Dieu le Père assis sur des nuages. Mêmes influences dans le dessin représentant Deux hommes nus étendus à terre : le Torse du Belvédère, les sculptures de Michel-Ange pour le tombeau des Médicis.

    Mais Beccafumi est d’abord, comme ses contemporains, fils du Vinci. Il applique au dessin le sfumato, cette « vaporisation » de la forme par des traits multiples qui sont moins la recherche du trait juste que la croyance en une forme indiscernable, estompée, charbonnée. Granacci fait de même, et Sodoma, le « rival » de Beccafumi à Sienne.

    Autre gène transmis, celui du clair obscur. Selon Vinci, la couleur, de l’ombre à la lumière, passe du noir au blanc. En tant qu’erreur, cette idée pousse l’artiste à aller toujours plus loin dans le contraste, pour surenchérir sur un effet qui, s’il reste mesuré, se banalise. Les fresques de Beccafumi sont marquées par ce clair-obscur et cette dégradation de la couleur – au sens où la couleur est abîmée, décolorée. La figure de Zeuxis peinte à fresque a le dos violemment éclairé et la face totalement dans l’ombre, ce que le dessin rend par des hachures qui n’expriment pas la forme mais, géométriques, l’ombre dans laquelle l’artiste pense que toute forme est absente ou, du moins, là encore, inaccessible. D’identiques hachures servent la même cause pour Dieu le Père assis sur des nuages, c’est encore au Sodoma qu’on songe, à Fra Bartolomeo, à Rosso Fiorentino.

    Le pavement de la cathédrale, vaste chantier siennois qui occupa les artistes des XIV, XV et XVIe siècles, Beccafumi y mit le point final. Sibylles, Vertus, épisodes de l’Ancien Testament, sont réalisés en marbres niellés, en marbres marquetés. Ici le clair-obscur est plus justifié puisque, pour être lisibles, les compositions devaient être contrastées. La transcription en marbres est préparée par des lumières tranchées, des ombres en à-plats, à trois tons définis (Moïse, illustration). Mais la matière première n’est pas corrompue comme l’est une teinte par l’adjonction de blanc. (Les gravures à plusieurs bois qu’il tire à la fin de sa vie, ont la même façon : blanc du papier en réserve, tons intermédiaires.) Une autre esquisse du pavement, Moïse faisant jaillir l’eau du rocher, est typique des poses maniéristes issues de Michel-Ange et de Raphaël, tête de face, buste de profil, poses serpentines, contournées.

    Les fresques de Beccafumi pour le Consistoire du Palais public ont un programme particulier (1519-1532, 1535). A cette époque Sienne est tenue par une faction populaire, les Libertini. Les thèmes choisis reflètent son extrémisme, puisque, à part trois allégories (la Justice, la Bienveillance mutuelle, l’Amour de la Patrie), sur huit épisodes antiques, six relatent soit le suicide d’un héros républicain, soit l’exécution d’un ennemi de la République et de ses lois, bien des fils condamnés par des pères (Le sacrifice de Zaleucus). Les vertus civiques et républicaines par la « terreur salutaire » telle que l’a définie Machiavel.

    Une étude de tête à l’huile se rapporte à ces fresques. Bien modelée, construite par le clair obscur, elle rappelle par son faire l’autoportrait de l’artiste (aux Offices), solitaire tel que l’a décrit Vasari.

    Samuel

    Domenico Beccafumi.

    Jusqu’au 21 septembre 2009, Musée du Louvre, Aile Denon.

    illustration : Moïse avec un jeune homme à ses pieds, plume et encre brune © RMN/Th. Le Mage


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