• Au musée Jacquemart-André

    Beautés flamandes

    Présent du 26 septembre 09

    Après les primitifs italiens de la collection Lindenau, le musée Jacquemart-André accueille la collection flamande de Samuel von Brukenthal (1721-1803), proche conseiller et ami intime de l’impératrice Marie-Thérèse. Il installa en Transylvanie, sa patrie, les trésors artistiques acquis au fil des ans, qui constituent aujourd’hui le musée de Sibiu (ex-Hermannstadt, Roumanie).

    Loin d’être aussi riche, aussi émouvante que la collection Lindenau, celle de Brukenthal recèle quelques grandes œuvres et donne un aperçu de l’émergence des genres, paysage, portrait, nature morte (XVe-XVIIe). Les genres sont progressivement tirés de la peinture religieuse, comme d’un arbre dont on utiliserait à des fins spécifiques le bois, les feuilles, les fruits. Du décor on fait un paysage autonome. Le donateur devient portrait, les accessoires nature morte.

    Bruegel l’Ancien, dit « le Drôle », Bruegel le Jeune dit « d’enfer », ont excellé dans les paysages habités de petits personnages toujours vrais, qu’ils soient occupés à des jeux, des fêtes ou des travaux. Ce sont des activités villageoises, communes, mais où chacun est personnalisé. Le genre plut. Les sujets furent repris à de multiples reprises d’une génération à l’autre. Aussi la qualité varie-t-elle mais dans l’ensemble ni la fraîcheur ni la finesse ne font défaut. Les harmonies sont particulières, les couleurs s’opposent et se complètent, leçon que Van Gogh ne devait pas oublier. « Avant Noël, il faisait un temps sombre et il y avait de la neige. Le pays me faisait penser aux toiles moyenâgeuses de Bruegel le Drôle et de tant d’autres qui ont su exprimer de façon émouvante l’effet typique du rouge et du vert, du blanc et du noir », écrit-il alors qu’il séjourne dans le Borinage.

    Les Bruegel ont une noblesse de regard qui leur permet d’aborder les sujets plus graves, comme ce Massacre des Innocents dans un village flamand enneigé (1586-1590). Une troupe compacte hérissée de piques, masse sombre et immobile, s’assure du massacre qui a lieu par petits groupes. Du coup l’horreur n’est pas collective, mais individuelle, et d’autant plus grande. L’artiste n’oublie pas la répression espagnole en Flandres. Le paysage à la trappe aux oiseaux (vers1630) est lui dédié aux joies du patinage dans une délicieuse ambiance d’hiver.

    D’autres ont essayé de pratiquer la formule. Joseph van Bredael peint une Adoration des rois mages d’après Bruegel de Velours où l’original se devine par tout ce qui manque à la copie. Les couleurs sont criardes, les personnages inélégants. Jacob II Savery représente une fête villageoise : les personnages sont mal groupés et là encore sans grâce.

    David Téniers le Jeune fut le gendre de Bruegel de Velours. Il sait rendre à merveille l’atmosphère d’une auberge, d’un cabinet de médecin (illustration, vers 1660). Sujets populaires, activités quotidiennes et triviales, mais si bien regardées et avec tant de sympathie que la peinture de genre surpasse aisément les scènes mythologiques d’Abraham Janssen. Elle surpasse même certaines toiles religieuses : la Sainte Famille de Jacob Jordaens est repoussante, avec son Enfant Jésus à tête de benêt.

    Jodocus Momper a assimilé la leçon de la famille Bruegel relative au paysage, et la leçon de l’Italie où il voyagea. Seules quelques silhouettes se promènent au premier plan : son Paysage montagneux (1625) est du paysage pur, dans lequel l’éloignement est donné par une succession de plans qui sera codifiée pour longtemps : premiers plans bruns, deuxièmes plans verts, horizon bleuté. Apprécier de près l’utilisation des glacis et des discrets empâtements.

    L’Homme au chaperon bleu par Van Eyck (1430) est un portrait fort petit, et magnifique. Les possibilités de l’huile sont utilisées au mieux. L’heure n’est pas encore au sourire dentifrice, mais à la gravité, qu’on retrouve dans les traits du couple de donateurs par Memling (1480). Un siècle plus tard l’art du portrait n’a rien perdu de sa profondeur : Jeune homme blond à la collerette (1569), œuvre de l’atelier d’Adrien Thomas Key.

    Côté nature morte, on oubliera le Cabinet de curiosités peint par Johann Georg Hinz (1666), très anecdotique. On laissera de côté la guirlande de fleurs de Gaspar Pieter I Verbruggen (1675), durement contrastée, préférant une toile peinte à deux mains : Jan Davidsz II Heen a peint la guirlande de fruits, Erasme Quellin le bas-relief qu’elle entoure, où est représentée une Sainte Famille (1660). Les natures mortes « d’apparat » sont comme leur nom l’indique assez pompeuses, ambitieuses, mais le talent de Joris van Son est la hauteur (1662). On partage son plaisir à peindre fleurs, fruits, crustacés et coquillages.

    Samuel

    Bruegel, Memling, Van Eyck… la collection Brukenthal.

    Jusqu’au 11 janvier 2010, musée Jacquemart-André (Paris VIIIe).

    illustration : David II TENIERS, La visite chez le médecin du village © Brukenthal National Museum, Sibiu


    votre commentaire
  • A Maisons-Alfort

    Anatomie comparée

    Présent du 19 septembre 09

    Le musée Fragonard, musée de l’Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort, a rouvert, rénové, il y a un an. Levons toute ambiguïté : le Fragonard en question n’est pas le peintre Jean-Honoré mais un de ses cousins, Honoré (1732-1799). Chirurgien, il fut employé à l’école vétérinaire de Lyon puis devint directeur de l’école parisienne voulue par Louis XV. Il excella dans la conservation des organismes humains et animaux, modèles nécessaires à la formation des étudiants : « l’anthropotomie, ou l’art d’injecter, de disséquer, d’embaumer et de conserver ». Fragonard préférait cette technique à la céroplastie utilisée également à l’époque.

    Les principales étapes de sa méthode sont connues. Il s’agit d’abord de vider le corps de son sang, puis d’injecter dans le système artériel une mixture composée de graisse de mouton et de résine de pin portées à ébullition. En refroidissant, cette préparation durcit et préserve tout le système sanguin. Le cadavre est ensuite disséqué, plongé dans un bain d’alcool, puis séché. Les veines sont peintes en bleu, les artères en rouge suivant la convention qui a encore cours. La préparation est enfin recouverte d’un vernis qui protège les tissus.

    Ce sont des milliers de pièces que réalisa en une dizaine d’années Honoré Fragonard. La collection fut dispersée à la fin de sa vie, malgré tous ses efforts pour la préserver. Il en reste vingt et une pièces. Il y a des singes, une chèvre ; un bras ; un buste, mais aussi des « compositions » ambitieuses, moins à des fins didactiques que pour manifester son savoir-faire et alimenter les cabinets de curiosités, pour lesquels il travailla après qu’une mésentente l’eut fait quitter l’Ecole vétérinaire. A ranger dans cette catégorie, l’homme à cheval dit Cavalier de l’Apocalypse (illustration, entre 1766 et 1772), l’homme debout dit Samson (il est effectivement muni d’une mâchoire d’âne). Trois fœtus dansant constituent une mise en scène qui sent son carabin.

    (Au début de cette année 2009, l’exposition Our body (notre corps) qui présentait des corps traités par imprégnation polymérique, version moderne du procédé employé par Fragonard, a été interdite après la plainte d’associations, Ensemble contre la peine de mort et Solidarité Chine. La justice n’a pas contesté l’intérêt didactique mais a mis en cause d’une part l’origine des corps, vraisemblablement tirés des geôles chinoises sans consentements préalables des intéressés ; d’autre part la possession de cadavres à titre privé puisqu’ils n’appartiennent pas à une collection publique ; enfin la « commercialisation des corps par leur exposition », l’entrée étant payante.)

    H. Fragonard a eu des successeurs à l’Ecole. Louis Auzoux (1797-1880) a fabriqué des modèles anatomiques en papier mâché peint, soit agrandis, soit rapetissés. Eugène Petitcolin (1855-1928) a pratiqué le moulage, en cire ou en plâtre. Son activité a été considérable. André Richir (1887-1959), après s’être formé à la sculpture et au métier de praticien, a été engagé à Maisons-Alfort où il s’est spécialisé dans la myologie et les poissons.

    Le musée regorge de crânes : tortue, crocodile, brochet…, de squelettes entiers : girafe, verrat, dromadaire, éléphant. Il y a des « pièces sèches » comme des arbres bronchiques de mulet ou de bœuf, véritables bonzaïs, ou des estomacs de bœuf, oreillers cauchemardesques. Les « pièces humides », formolées, en bocal, ne sont jamais appétissantes, qu’il s’agisse d’un fœtus de mule ou d’un ténia. Le visiteur n’est pas à l’abri d’un sentiment nauséeux et on évitera d’autant plus d’emmener au musée des enfants jeunes ou impressionnables qu’il possède une importante collection de monstres, animaux siamois, veaux-bouledogues, jusqu’à une patte de coq à six doigts. Le squelette d’un veau à deux têtes et six pattes est une infrastructure incompréhensible.

    La tératologie est une science récente, à laquelle est associé le nom de Saint-Hilaire (XIXe) mais dès 1573 Ambroise Paré publiait un traité illustré. Il voit treize raisons à la génération de monstres, certaines divines, d’autres diaboliques, mais la plupart biologiques (défaut de semence, malformation de la matrice). Il rassemble les histoires antiques mais aussi force témoignages contemporains. « L’an 1569, une femme de Tours enfanta deux enfants gémeaux, n’ayant qu’une tête… et ils me furent donnés secs et anatomisés par maître René Ciret, maître barbier et chirurgien. » D’autres lui sont signalés, rue des Gravilliers (1570) ou aux Ponts-de-Cé (1572). Les enfants meurent rapidement, non sans avoir été baptisés comme le note A. Paré : les gens ne les considéraient pas d’origine diabolique. De nos jours on préconise la suppression des « monstres ». Mais qu’est le législateur ?

    Samuel

    Musée de l’Ecole Vétérinaire.

    7 avenue du Général De Gaulle, Maisons-Alfort (94).

    illustration : H. Fragonard, Le cavalier de l’Apocalypse © Photo P. Landmann


    votre commentaire
  • Au centre Pompidou

    Les femmes à l’œuvre

    Présent du 12 septembre 09

    « Elles@centrepompidou » n’est pas tant une exposition qu’un éclairage porté sur les collections du musée sous l’angle féminin. Une lecture de l’histoire de l’art du vingtième siècle, pour rendre hommage à la femme artiste et déterminer la particularité de sa création.

    Le romancier Samuel Butler (1835-1902) s’essaya finement à dégager cette spécificité pour prouver que l’Odyssée avait été écrite par une femme. Ses critères, ses remarques lui mériteraient de nos jours de sévères adjectifs. Ainsi que les emballages de gâteaux précisent à la suite de la liste des ingrédients « traces de noisettes, d’arachides », l’éditeur qui publierait L’auteur de l’Odyssée se sentirait obligé de mentionner en quatrième de couverture : Traces de paternalisme. Contient de la discrimination.

    Le contenant de « elles@centrepompidou » est paraféministe, un féminisme mâtiné de gender theory. En gros ça dénonce tout ce qui phallogocentrique (barbarisme digne de ces primaires qui n’ont aucune notion des mécanismes de la langue, comme ils le montrèrent lors de la féminisation de certains noms). Sont traqués « les effets persistants du patriarcat dans la culture euro-américaine », à savoir – je suppose – le machisme et l’homophobie, les OGM et la peur de l’Autre, le racisme et le réchauffement climatique. Il est vrai que le choix, lors des primaires démocrates, de M. Obama et non de Mme Clinton est révélateur d’un recul, d’autant plus douloureux qu’il a été présenté comme un progrès. L’état patriarcal ne sera dépassé que lorsque sera élue à la présidence de l’Etat mondial une transsexuelle lesbienne musulmane, de couleur, à mobilité réduite et sans-papiers. La lutte pour la différence est longue.

    Qu’en est-il du contenu ? Venues de l’Est dans le grand mouvement ad Lutetiam du début du siècle, Natalia Gontcharova appartient à l’Ecole de Paris, Sonia Delaunay relève de divers mouvements contaminés par l’intellectualisme post-cubique, tandis que Tamara de Lempicka se rattache à l’esthétique Art Déco (Kizette au balcon, 1927). Suzanne Valadon est bien représentée dans les collections de Pompidou, par des dessins, des eaux-fortes, et par cette grande huile La Chambre bleue (1923, illustration), caractéristique de ce que la peintre a donné de meilleur. La Chambre bleue remplacerait aisément une dizaine de toiles de l’exposition de la Pinacothèque qui s’achève ces jours-ci.

    Côté photographie, les portraits de Gisèle Freud sont inoubliables : Victoria Ocampo, André Gide, et par-dessus tout le doux visage de Virginia Woolf sur lequel se lit la vie intérieure. Les arums photographiés par Dora Maar ont une perfection formelle qui ne va pas sans froideur.

    Après-guerre, les femmes rallient l’art d’avant-garde. Nicky de Saint-Phalle tire au pistolet sur ses toiles en 1961, modèle une masse peinturlurée, une femme aux jambes écartées qu’elle intitule, histoire de ne pas laisser passer l’occasion d’un blasphème, Crucifixion. Dans les années soixante-dix, les happenings et les performances sont à la mode. Orlan fait des « Actions Orlan-Corps » sous forme de « MesuRage », de même que Gina Pane, qui par ailleurs frappe fort en exposant Une semaine de mon sang menstruel (1973). Comme avec La visite du Président Loubet aux escadres italienne et française dans la rade de Toulon, le titre épargne une plus longue description. On ne sort pas de la viande grâce à Jana Sterbak qui en 1987 signe Vanitas : robe de chair pour albinos anorexique, à savoir de la viande de bœuf crue sur un mannequin. De la facture académique la plus plate, un bronze de Kiki Smith représente l’accouplement d’un bouc et d’une toute jeune fille (2002, Tied to Her Nature, « lié à sa nature »).

    Telles sont les œuvres significatives au milieu de tant d’autres, celles par exemple de la triade Louise Bourgeois, Annette Messager, Sophie Calle ; en définitive, quantité de choses tristouilles. Une totale négation de l’esthétique qui a paradoxalement motivé une marque de cosmétique à être le principal mécène de l’exposition : Yves Rocher, lequel il est vrai a « toujours placé les femmes au centre de son action et a su créer un lien unique avec 30 millions d’entre elles dans le monde. » 30 millions d’amies ?

    Le but assigné à l’exposition n’est pas atteint. Plus qu’une spécificité de la création féminine, qu’on peut penser comme allant de soi même si elle reste difficile à cerner, l’accrochage du Centre Pompidou révèle malgré lui une spécificité de l’art d’avant-garde, celle de rendre strictement équivalentes les productions masculines et féminines. La médiocrité est neutre. La laideur asexuée. L’art d’avant-garde est impuissant. Il stérilise le talent, qui lui est incompatible.

    Samuel

    Elles@centrepompidou, artistes femmes dans les collections du centre Pompidou.

    Jusqu’au 24 mai 2010, Centre Pompidou.

    illustration : S. Valadon, La Chambre bleue, Musée national d’art moderne © RMN / Jacqueline Hyde


    votre commentaire
  • A Troyes

    Le Beau XVIe

    Présent du 5 septembre 09

    Une centaine de sculptures champenoises du seizième siècle occupe l’église Saint-Jean-au-Marché, à Troyes, rassemblées en une Sainte Conversation à laquelle nous pouvons assister, comme les petits commanditaires muets et agenouillés dans l’art ancien.

    Après un fécond treizième siècle, l’art champenois pâtit de la guerre de Cent ans puis de celle qui oppose Louis XI à Charles le Téméraire. Le retour de la paix provoque une reprise du négoce (Troyes est une étape sur la route des Flandres et de l’Italie), accompagnée d’une belle production artistique que la seule activité commerciale n’explique pas. Des artistes et des croyants sont nécessaires.

    Les statues de saints sont nombreuses, elles suivent l’iconographie traditionnelle. Toute une légende dorée en bois peint, parfois en pierre. Saint Eloi à la forge, saint Roch au bubon pestifère, saint Mammès et ses intestins qu’il retient de la main (on l’invoquait pour les maux de ventre et les grossesses difficiles), saint Juvin et ses cochons. Art accessible à tous par le costume, par l’outil, alliant souvent à la simplicité de moyens une grande rigueur plastique.

    Plus pittoresque, dans la veine populaire, un gigantesque saint Christophe porte le Christ sur ses épaules. C’est une sculpture d’origine flamande. Car Troyes voit passer les artistes flamands qui sont nombreux depuis longtemps à descendre vers Lyon, Avignon et Rome. On attribue à Nicolas Haslin le Flamand une Visitation proche par sa préciosité des sculptures de l’atelier local dit « de Saint-Léger ». Plus qu’un atelier, c’est une tendance : des saintes aux visages ronds et souriants, richement vêtues, parées telles les jeunes bourgeoises : saint Marguerite et son dragon, sainte Barbe et sa tour. Cette tour n’est pas moins bien traitée que la sainte. Les détails architecturaux, plus ou moins fantaisistes, abondent. Celle de Villeloup mêle gothique et Renaissance. Des Vierges à l’Enfant appartiennent au même courant précieux. Si séduisantes soient-elles, ces sculptures promènent l’œil de détail en détail : le personnage y disparaît.

    Aux aspects aimables de la piété s’ajoute la profondeur de la dévotion pour la Passion. Les œuvres sont fortes, nombreux Ecce homo et Christ aux liens. Celui de Saint-Nigier sort du lot, puissant sans être athlétique, tragique sans être abattu. Sa qualité émerveillait Emile Mâle.

    Le XVe siècle a Enguerrand de Quarton et sa Piéta de Villeneuve-lès-Avignon ; le XVIe, la Mise au tombeau de l’église de Chaource d’un maître anonyme qui est peut-être Jacques Bachot, documenté par les archives. Ici il est représenté par une très noble Piéta (illustration), où se retrouvent les caractéristiques de la Mise au tombeau, de la sainte Marthe (Troyes, église de la Madeleine), de la Déposition de Villeneuve-l’Archevêque (Yonne) : drapés francs, visages féminins d’une intensité supérieure ; une forme tendue, une extrême retenue du pathétique. Le Maître sera imité dans la région mais cette forme pleine d’intériorité ne sera jamais égalée. Son activité se situe entre 1510 et 1530, il n’est presque plus gothique et ignore l’art Renaissance qui commence à se répandre.

    En effet les artistes locaux partis travailler à Fontainebleau et sur les autres chantiers royaux, en rapportent l’art nouveau. Les bas-reliefs de Jacques Juliot, ouvragés dans l’albâtre (retable de la Passion, de la Vie de la Vierge), sont italianisants. On note certains personnages empruntés au Parmesan, certaines têtes d’empereurs romains. Les attitudes se veulent individualisées grâce à une gestuelle variée ; moyen superficiel, cela ne va pas sans donner une impression d’agitation.

    Le maître d’œuvre italien de François Ier, le Primatice, abbé comandataire de Saint-Martin de Troyes, obtient des chantiers dans la région. Son collaborateur Dominique Florentin (1501-1571), né en Toscane, s’installe à Troyes dans les années 1540 et s’y marie. Il introduit le maniérisme : une grâce affectée, un drapé crémeux, des corps élongés achevés par une petite tête inclinée. La donne change radicalement : Saint Joseph n’est plus un artisan du pays mais, costume et visage, un centurion. Les personnages de la Foi et de la Charité ne sont plus de gentes champenoises mais des dames romaines quelque peu lointaines. De telles figures devaient paraître étrangères au peuple.

    L’art suppose des choix : aussi le maniérisme, si dans l’air du temps soit-il, peut se refuser sciemment. Pierre Jacques, sculpteur rémois mort en 1596, fait le voyage à Rome. La BnF conserve l’album de dessins qu’il y fit, d’après l’antique (consultable sur <gallica.bnf.fr>). Son Christ en croix est austère et viril. Il n’a rien de maniériste, ni dans la pose ni dans la taille. Il rejoint la forte tradition champenoise.

    Samuel

    Le Beau XVIe, Chefs-d’œuvre de la Sculpture en Champagne.

    Jusqu’au 25 octobre 2009, église Saint-Jean-au-Marché, Troyes (Aube).

    illustration : Maître de Chaource, Piéta, Bayel (Aube) © Schwa Ltd


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires