• En Anjou<o:p></o:p>

    La Vierge de Montplacé<o:p></o:p>

    Présent du 29 mai 2010

    La chapelle de Montplacé, en Anjou, fête quatre cents ans de dévotion mariale. L’endroit était bien avant le XVIIe siècle un lieu de pèlerinage. La guerre de Cent ans, les guerres de Religion avaient entraîné sa désuétude. Un jour de l’année 1610, dans l’oratoire désaffecté où demeurait une Piéta en bois médiévale, s’abrita une bergère à qui la Vierge apparut sous forme de flammes, autour de la vieille sculpture. <o:p></o:p>

    Cette manifestation réveilla la piété. La construction d’une chapelle fut lancée, non sans mal. L’entrepreneur fit faillite. L’architecte détourna des fonds. Il fallut plus de cinquante années pour la voir achever (1620-1672), tandis que le pèlerinage devenait célèbre, des guérisons ayant lieu. Le pèlerinage ne connaîtra pas le renom de celui de N.-D. des Ardilliers, mais son essor s’inscrit dans le renouveau spirituel du XVIIe siècle.<o:p></o:p>

    Dotée d’un élégant toit en pavillon, l’édifice est juché sur une petite colline plaisante (c’est son étymologie : mons placitus), avec vue sur le bourg de Jarzé. Son entretien incombait au seigneur du lieu. D’où le riche cimier porté par deux anges au-dessus du portail. La façade Ouest est abondamment sculptée. Autour de la Vierge qu’accompagnent deux anges, bouquets de roses, cornes d’abondance, masses de fruits sont allègrement prodigués et donnent l’idée d’une surabondance de Grâce, de fertilité spirituelle. Belle sculpture, vigoureuse et joyeuse. <o:p></o:p>

    Cependant c’est une Vierge de douleur et l’attitude des anges à ses côtés est celle de la complainte. Derrière la tête de la Vierge, la couronne d’épines et les clous le confirment, ainsi que le panneau en bois, à pans coupés, au-dessus de la porte, où apparaissent en faible relief les instruments de la Passion. Les souffrances de la Passion transformées en grâces par la médiation de Marie, tel est le sujet du portail. Cela correspond assez à la spiritualité bérullienne.<o:p></o:p>

    Taillés en haut relief, les instruments de la Passion surmontent encore la petite porte Sud-Ouest.<o:p></o:p>

    A l’intérieur, le chœur forme un vaste ensemble (illustration). On y retrouve angelots, fleurs et fruits, en masses, comme accrochés au mur ou disposés dans des vases. Ces masses sont cependant traitées différemment, elles se détachent plus des parois, ce qui leur donne une certaine dureté. Au-dessus de l’autel, une peinture de Jean Ernou : une Déploration. Les Ernou sont une famille de peintres angevins des XVIIe et XVIIIe siècles. Cet Ernou-là mourut en 1692. Son tableau est surmonté d’une Vierge à l’Enfant, en terre cuite peinte. D’autres sculptures de la même technique : deux anges, un Saint-Joseph, que complète, de l’autre côté, la Piéta en bois, rustique, qu’on datait du XIVe siècle, date vraisemblablement trop haute : la fin du XVe est plausible. Sa niche est surmontée d’un dais.<o:p></o:p>

    Les statues en terre cuite peinte sont une spécialité mancelle à l’époque. Celles-ci étaient attribuées à Pierre Biardeau (1608-1671), on les donne aujourd’hui à Nicolas Bouteiller, qui fut peut-être son élève (1630-1696). Elles seraient des œuvres de jeunesse, ce qui explique cette relative raideur, cet aspect figé. Assurément, les terres cuites et le décor ne relèvent pas de la même main.<o:p></o:p>

    Dans l’ensemble, la parenté est certaine avec la chapelle du Prytanée militaire, dont la décoration intérieure est contemporaine de la construction de Montplacé. Pour la partie inférieure, le portail de Montplacé est voisin de celui du lycée militaire. Les Jésuites eurent une influence spirituelle dans la région, mais aussi artistique : les artistes qui ont travaillé à La Flèche ont répandu leur style dans divers chantiers de la région.<o:p></o:p>

    Mentionnons, pour terminer cette rapide visite, la magnifique coquille sculptée au revers du portail et, çà et là, encore des angelots et des fruits au niveau des chapiteaux qu’ils dissimulent plus qu’à moitié, disposition baroque (illustration). Le tronc serait celui qui servait au XVIIe siècle à recueillir les dons pour la construction.<o:p></o:p>

    Les 400 ans de l’apparition de la Vierge à Montplacé seront fêtés par des concerts (20 juin, 4 et 24 juillet), par une présentation de la symbolique des couronnes de mariée : près d’une centaine a été déposée en ex-voto après des naissances confiées à la Vierge. Le 15 août auront lieu le pèlerinage et la messe, que suivra un son et lumière. <o:p></o:p>

    Samuel

     

    Renseignements : Association pour la sauvegarde de la chapelle de Montplacé, 3 rue Louis Touchet, 49140 Jarzé (www. chapelle-montplace.com).

     

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    votre commentaire
  • Hasard et bonheur des Puces... à Angers samedi dernier, trouvé dans du rebut une dédicace d'Alphonse de Lamartine à Charles Nodier, reliée dans un exemplaire du tome premier des OEuvres complètes de 1836 (Paris, Charles Gosselin et Furne). Prix négocié de l'ouvrage, 10 euros...
    Ces vers de 1823 ne sont pas inédits, le poète les a classés par la suite dans les "Epîtres et poésies diverses" (cf. pp. 272-273 de l'Edition complète en un volume, Bruxelles, 1836).
     
    A M Charles Nodier de la part de l'auteur son admirateur et son ami.
     
    Couché dans sa barque flottante
    et des vagues suivant le cours
    comme nous le nautonnier chante
    pour tromper la longueur des jours;
    c'est en vain qu'une ombre chérie
    ou l'image de la patrie
    Rapellent son coeur sur les bords!
    il chante; et sa voix le console
    et le vent qui sur l'onde vole
    prend sa peine avec ses accords!
     
    St Point 30 décembre 1823.
    Alph. de Lamartine



    votre commentaire
  •  

    Aux Gobelins

    Tentures flamandes

    à la Cour d’Espagne

    <o:p></o:p>

    Présent du 22 mai 2010<o:p></o:p>

    La collection de tapisseries des Habsbourg d’Espagne constitue encore aujourd’hui un ensemble magnifique qui reflète autant le savoir-faire des artisans bruxellois que l’éclat d’une dynastie.<o:p></o:p>

    La collection d’Isabelle la Catholique fut vendue à sa mort pour régler des créances (1505). Le patrimoine par la suite fut préservé et transmis. Marguerite d’Autriche, sœur de Philippe le Beau, régente des Pays-Bas (1507-1530), rassembla une collection qui passa à son neveu Charles Quint, lequel l’enrichit à son tour par ses soins et par l’entremise de sa sœur Marie de Hongrie (régente des Pays-Bas, 1530-1555). A la fin du XVIe siècle, Philippe II se retrouvait ainsi en possession de sept cents tapisseries.<o:p></o:p>

    Tissées d’or, d’argent et de soie, les tapisseries apparaissent dans les inventaires après les bijoux et l’argenterie, loin devant les peintures et les sculptures. Elles suivent le souverain dans ses déplacements, rehaussent ses résidences de tout leur éclat. L’habileté des lissiers flamands au XVIe siècle est confondante, à la hauteur du talent des peintres qui fournissent les cartons. Les sujets sont religieux, moraux, historiques ; souvent choisis en fonction de l’image que le roi veut donner de lui-même.<o:p></o:p>

    Les tentures du premier quart du XVIe siècle sont de style gothique : les attitudes, les drapés continuent le siècle précédent tout en s’assouplissant. L’histoire de David et Bethsabée est racontée à la façon d’un roman courtois (tapisseries oblongues servant de parements de lit). Au Baptême du Christ assistent de nobles personnages, dont la prestance s’accorde à celle de l’ange mêlé à eux (illustration). Aux pieds du Christ, des canards, des pics, une grenouille regardent la scène, qui capte l’attention d’un rocher « céphalomorphe ». Le paysage acquiert une certaine profondeur.<o:p></o:p>

    A la même période, les sujets profanes restent volontiers allégoriques. Le Triomphe du Temps (avant 1504) se présente comme une préparation à une joute chevaleresque. Le Temps en armure est entouré du Passé (un vieillard), du Présent, de la Gloire ; vers lui arrive le Futur, chevalier masqué, prêt à en découdre sous les yeux de l’assistance regroupée dans une tribune. Les coloris bleu vert sont remarquables.<o:p></o:p>

    La Renaissance, par la pratique des emblèmes, ne dédaigne pas les allégories. Une tenture consacrée aux Moralités montre la Vertu, autour de laquelle gravitent – avec une certaine confusion – des dieux et des personnages antiques. Tirée d’une tenture consacrée aux Honneurs, la tapisserie de la Fortune (1520) est mieux composée. La Fortune trône au centre, impériale, tandis que toutes sortes d’épisodes montrent divers personnages de l’histoire antique ou biblique qui ont bénéficié ou subi d’éclatants revers de Fortune. Ainsi Moïse qui, nourrisson, se retrouve voguant sur le fleuve dans une corbeille de papyrus.<o:p></o:p>

    Cette Fortune est due au peintre Van Orley, qu’on dit avoir été élève de Raphaël, ce qui n’est pas assuré : peut-être ne quitta-t-il pas sa Bruxelles natale. Toujours est-il que sous sa direction y fut tissée la Tenture des Actes des Apôtres de Raphaël, promise à une grande gloire. L’artiste y avait envoyé ses cartons, preuve de la prééminence des lissiers flamands tôt dans le siècle (1516).<o:p></o:p>

    Van Orley achève la rupture avec le gothique. Les vêtements sont naturalistes, les poses moins hiératiques. Il fut fréquemment mis à contribution pour les tapisseries. Le Louvre possède les tapisseries dites « Chasses de Maximilien », et les petits cartons réalisés d’après ses dessins, ici exposés : à chaque mois correspond une chasse, une étape, un signe zodiacal. Toujours d’après lui, six petits cartons traitent de la bataille de Pavie, mise en scène de façon très moderne. Il donne, dans un des panneaux de La fondation de Rome, le visage de Charles Quint à Romulus.<o:p></o:p>

    Çà et là se rencontrent des détails iconographiques curieux. Une Apocalypse du milieu du siècle présente un nœud de dragons, à gauche, dont les gueules et les reflets bleutés laissent supposer une inspiration chinoise (Saint Michel terrassant le dragon). Sans conteste, dans l’inattendu, une tapisserie l’emporte, tissée d’après Bosch (1453-1516). Philippe II aimait beaucoup ses œuvres, dont le Prado conserve quelques unes des plus belles.<o:p></o:p>

    Jérôme Bosch peignait du même pinceau paisible le Jardin d’Eden et la terre après la Faute, fourmillant d’êtres humains aux prises avec des monstres et démons divers. Un univers qui semble difficile à transcrire en tapisserie. Et pourtant, le motif principal est emprunté à La Charrette, placé au centre d’un univers constitué de « citations » de Bosch, le tout arrangé sans fausse note. Rien n’était impossible aux lissiers bruxellois.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Trésors de la Couronne d’Espagne, Un âge d’or de la tapisserie flamande.

    Jusqu’au 4 juillet 2010, Galerie des Gobelins.<o:p></o:p>

    illustration : Atelier de Bruxelles, Le Baptême du Christ, 1515-1520 © Patrimonio nacional, Madrid<o:p></o:p>


    votre commentaire
  •  

    Au musée du Louvre

    <o:p></o:p>Une collection de qualité

    <o:p></o:p>

    Présent du 15 mai 2010<o:p></o:p>

    Ancien président de l’Omnium Nord-Africain, M. Guy Motais de Narbonne appartient aujourd’hui à la Société de l’histoire de l’art français, aux Amis de Carnavalet, aux Amis du Louvre. Son épouse et lui ont constitué une collection de peinture française et italienne. Quarante-quatre pièces sont à l’honneur au Louvre. L’ensemble est du meilleur goût.<o:p></o:p>

    Les Français<o:p></o:p>

    Le peintre nancéen Claude Déruet, maître de Claude Gellée, fera enfin son entrée au Louvre avec une épique bataille entre Grecs et Amazones, sur un pont étroit, mêlée digne du Seigneur des Anneaux. Parmi les noms du XVIIe, Stella, Poërson, Baugin, Chaperon… Jacques Blanchard, dont la Madeleine pénitente paraît enfumée. Mauvais éclairage ? Elle ne rend pas palpable le talent de celui qui fut surnommé, avec quelque emballement, « le Titien français ». Mort jeune (1600-1638), il avait voyagé à Rome et Venise. On préfèrera une belle réduction de l’Assomption de la Vierge de La Hyre.<o:p></o:p>

    Charles Le Brun ne saurait être absent. Mucius Scaevola devant Porsenna est une ébauche. Son rival Pierre Mignard n’est pas loin : Le Temps coupant les ailes à l’Amour, tableautin. Le deuxième Mignard, Nicolas, prit lui parti pour Le Brun. Son Saint Jean-Baptiste s’inscrit dans la lignée des Baptiste douceâtres à force d’être tranquilles. <o:p></o:p>

    François Lemoyne (1688-1737) fait preuve d’un talent sûr de soi mais limité dans le domaine religieux. Jacob et Rachel au puits : le sujet est biblique, la scène anecdotique. Lemoyne était plus à l’aise avec les personnages de la mythologie. Ils eurent raison de lui. Après quatre années passées à peindre l’Apothéose d’Hercule (Versailles), il devint, une fois le plafond achevé, sombrement mélancolique. Il se transperça de neuf coups d’épée et mourut.<o:p></o:p>

    Il avait transmis le gène mythologique aimable à son élève François Boucher (1703-1770). Sous la brosse de celui-ci, un épisode tiré des Antiquités juives de Flavius Josèphe est inattendu (Le prêtre Joshuah offrant les trésors du Temple à Titus). Cette incursion dans l’histoire antique est le signe d’un changement de goût aux alentours de 1760. Cochin, pour la galerie de Choisy, avait proposé des sujets tirés des vies des empereurs romains à quatre peintres : Boucher, Deshays (son gendre), Vanloo et Vien. Le projet n’aboutit pas. Vanloo et Vien exposèrent leurs tableaux en 1765 mais Boucher, rien. Il n’alla pas plus loin que cette esquisse, une grisaille jaune pleine d’aisance : son talent ne serait pas mis en difficulté par un rabbin et un empereur.<o:p></o:p>

    A côté du tableau de Vien (Marc-Aurèle faisant distribuer du pain, musée d’Amiens), un tableau de Boucher aurait paru suranné. Car Joseph-Marie Vien (1716-1809), dépourvu de la grâce Louis XV, annonce la peinture d’histoire qui, nécessairement, procède d’une autre inspiration et réclame un autre faire. Ce « sage imitateur de Poussin et de Le Sueur, bien éloigné de leur génie » (dixit Louis Gillet) sera le maître de David. L’inspiration de Vien est assez courte. Le Saint Jérôme en prière en manque. La tête sent le modèle, le bon vieillard à barbe blanche – Santa Klaus.<o:p></o:p>

    Les Italiens<o:p></o:p>

    Nous avons vu le Temps couper les ailes de l’Amour ; pour Francesco Boti, il démasque le Mensonge. Les deux opérations sont parfois simultanées.<o:p></o:p>

    Des deux David et Goliath que compte la collection Motais, celui de Francesco Cairo est le meilleur (illustration). Ce peintre né et mort à Milan (1607-1665), travailla dans sa ville natale, à Rome aussi, et à Turin. L’influence du Caravage est évidente. Ce clair-obscur qui n’est pas un truc mais un moyen d’expression, Cairo ne l’emprunte pas, il l’adopte pleinement.<o:p></o:p>

    Encore une tête coupée lorsque Mattia Pretti peint Thomyris faisant plonger la tête de Cyrus dans le sang, une histoire de féminine vengeance. Ce n’est pas un chapitre de Kill Bill mais des Histoires d’Hérodote. Une violence plus rentrée : Le Christ devant Caïphe de Luca Giordano est une forte peinture. La composition ne laisse aucun recul, nous oblige à participer. A l’inverse, la peinture élégante et lumineuse de Domenico Maria Viani donne un aspect théâtral au retour du Fils prodigue, de bonne famille.<o:p></o:p>

    Un Docteur de l’Eglise orientale autrefois attribué à Vélasquez – c’est dire la puissance de l’œuvre – revient aujourd’hui à Antonio Galli, dit Spadarino, peintre sur lequel on est peu renseigné. Les étoffes lourdes, aux blancs riches et aux noirs profonds mis en rapport par un rouge assourdi, sont dans sa manière. Comme Francesco Cairo, comme tant d’autres, il s’approprie le Caravage ; mais, comme peu ont su le faire, il le renouvelle. Son Docteur a de la présence et de la douceur.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    La collection Motais de Narbonne, Tableaux français et italiens des XVIIe et XVIIIe siècles.<o:p></o:p>

    Jusqu’au 21 juin, Musée du Louvre. <o:p></o:p>

    illustration : Francesco Cairo, David vainqueur de Goliath, collection Motais de Narbonne

     

    © Musée du Louvre / Pierre Ballif<o:p></o:p>


    votre commentaire
  •  

     

    Au musée d’Orsay

     

    <o:p></o:p>

    Un de Pont-Aven<o:p></o:p>

    Présent du 8 mai 2010<o:p></o:p>

    Meijer De Haan est un peintre de l’entourage de Paul Gauguin, à la fin des années 1880. Né à Amsterdam en 1852, il est issu d’une famille juive conservatrice aisée. Ses premières toiles sont marquées par l’héritage du XVIIe hollandais, Rembrandt et autres maîtres : Nature morte avec homard et citron. Beaucoup portent sur des thèmes juifs : Portrait d’une vieille israélite, Portrait d’une jeune femme. La Discussion théologique (encore appelée Un passage difficile du Talmud) est un intérieur, une scène de genre qui peut évoluer vers la satire discrète : dans l’Anatomie talmudique, trois rabbins observent gravement un poulet pas encore rôti.<o:p></o:p>

    En 1888 il expose Uriël Acosta devant ses juges, grande toile qui l’occupe depuis huit ans. Ce tableau perdu, ou détruit, provoque le scandale. Les artistes avancés le trouvent honteusement passéiste. Le sujet lui-même est-il bien reçu de la communauté juive ? Peut-être est-il utile de rappeler qui était cet Acosta, ou Da Costa.<o:p></o:p>

    Acosta naquit à Porto vers 1585, dans une famille juive convertie au catholicisme, qui, ayant décidé de revenir au judaïsme, s’installa à Amsterdam. Cependant Acosta s’aperçut qu’entre le Livre et la pratique rabbinique un abîme existait. Il publia Propositions contre la tradition (Hambourg, 1616) qui entraîna son excommunication, confirmée lorsqu’il donna Examen de la Tradition des Pharisiens(1624). Son scepticisme rationaliste agaça la communauté. Il reçut les 39 coups de fouet dans la synagogue. Il prit le temps d’écrire son autobiographie  avant de se suicider (Exemplar Humanae Vitae, 1640). Destin plus tragique que celui de Spinoza, mais préfiguration. <o:p></o:p>

    En butte à l’hostilité du milieu artistique et vraisemblablement à celle de ses coreligionnaires, De Haan s’expatrie à Paris, où il a déjà exposé deux fois (1879, 1880). Il projette peut-être d’y acquérir une manière plus moderne. Pensionné par sa famille, il loge dans un premier temps chez Théo Van Gogh. Il découvre la peinture de Vincent, se lie avec Pissaro et Gauguin. <o:p></o:p>

    Pour ce dernier, la Bretagne est une terre primitive, habitée par des sauvages. C’est encore la Martinique et déjà Tahiti. On y vit à bon marché, on y trouve à peindre. De Haan l’y rejoint en 1889. <o:p></o:p>

    Sa manière évolue. Les natures mortes sont peintes plus largement. Elles manquent parfois d’unité et de nerf. Face à la Nature morte aux oignons de Gauguin, sa Nature morte avec pot, oignons, pain et pommes vertes témoigne de son embarras face au synthétisme. Plus simples de composition, plus belles de touche, certaines sortent du lot, comme Pommes et vase de fleurs ou cette branche de lilas (illustration). <o:p></o:p>

    Les mêmes remarques s’appliquent aux paysages de Pont-Aven puis du Pouldu où ils s’installent en 1890. De la vallée de Kerzellec, De Haan donne une version tributaire de la réalité du lieu tandis que Gauguin simplifie les plans, recompose les éléments à son idée. De Haan est plus personnel avec son paysage « à l’arbre bleu ».<o:p></o:p>

    De concert, Gauguin et De Haan décorent l’auberge où ils sont logés. Il reste des fragments, comme une belle oie par Gauguin (huile sur plâtre), comme une Maternité par De Haan. On peint, on fait des projets. Ce serait un atelier à Anvers, où travailleraient Van Gogh, Gauguin et De Haan. Ou bien De Haan accompagnerait Gauguin à Tahiti, il y commercerait les perles avec les marchands de Hollande. Rêves d’artistes dans la déche ! Cependant sa famille restreint sa pension, il quitte le Pouldu, confiant à Marie Henry, leur aubergiste, la majorité de ses tableaux bretons. Il ignore qu’il lui laisse également une fille à venir.<o:p></o:p>

    Théo Van Gogh meurt quelques mois après Vincent (janvier 1891). La situation de beaucoup d’artistes s’en trouve fragilisée. De Haan est présent au banquet d’adieu donné pour le départ de Gauguin (mars 1891). La fin de sa vie est obscure. Il reste un certain temps à Paris, rentre aux Pays-Bas où il se traîne, malade et isolé. Il y meurt en octobre 1895. <o:p></o:p>

    Gauguin a peint plusieurs fois son portrait et a utilisé à deux reprises sa figure. Au premier plan d’une gravure sur bois insérée dans le manuscrit de Noa Noa (1893) ; au second plan des Contes barbares (1902) : sur fond bleu lilas, il est l’inquiétant personnage roux aux yeux glauques qui se tient près des deux Tahitiennes. Gauguin, en lui prêtant un aspect diabolique, interprète sa physionomie. Les autoportraits montrent un visage moins poétique, qu’il se représente en costume breton ou sur fond japonisant. Cette participation involontaire à l’œuvre de Gauguin est ce qui a maintenu, maigrement, son nom hors de l’Oubli. Si De Haan n’est pas, loin s’en faut, « un maître caché », sa place dans l’Ecole de Pont-Aven justifie cette exposition.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Meijer De Haan (1852-1895). Jusqu’au 20 juin 2010, Musée d’Orsay.

    <o:p></o:p>

    illustration : Branche de lilas dans un verre, 1889-1890, collection particulière (D. R.)

    <o:p></o:p>


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires