• Fernand Pelez

    Au Petit Palais

    F. Pelez

    (1848-1913)

    Présent, 28 nov. 09

    De son vrai nom Ferdinand Pelez de Cordova, Fernand Pelez naît à Paris en 1848 d’un père espagnol et d’une mère française. Le gène artistique est de famille. Le père est illustrateur. Le frère de Fernand Pelez sera connu comme dessinateur satirique dans les années 1880 sous le pseudonyme de « Chalumeau ». Il y a aussi un oncle aquarelliste et un cousin peintre.

    Formé par son père, F. Pelez entre aux Beaux Arts en 1870, où il est élève d’Alexandre Cabanel ; il suit également des cours à l’académie Julian. Il prend la voie sur laquelle le mettent ses études, celle de la « grande peinture », témoins ses premières participations au Salon. Le tableau Adam et Eve (1876) doit beaucoup à une Expulsion du Paradis de Cabanel, mais le fond presque nu, en tout cas plus dépouillé, annonce la manière ultérieure du peintre. Jésus insulté par les soldats (1877), Mort de l’empereur Commode (1879)… Peinture salonnarde et ennuyeuse dont Pelez se détourne, suivant les pas de Jules Bastien-Lepage, autre élève de Cabanel : il expose en 1880 sa première toile personnelle, d’inspiration naturaliste : Au lavoir. Les miséreux de Paris, particulièrement les enfants, la femme du peuple, deviennent ses sujets privilégiés. La belle Blanchisseuse endormie (vers 1880), une famille Sans asile (1883), Le marchand de violettes, Le marchand de citrons, La première cigarette, Un nid de misère…

    En peignant les frères et sœurs de Gavroche, Pelez prend le contre-pied d’une IIIe République qui se présente plus volontiers sous les dehors d’une société épanouie par la pratique des Arts et de l’Industrie. Il est à mille lieues de la facture facile d’un Basile Lemeunier dont les enfants des rues sont aimables et les femmes élégantes et aguicheuses. Sa peinture provoqua des opinions partagées, entre « réalisme répugnant » et « émotion poignante ». Peinture « pour concierge sensible », écrivit un journaliste. En réalité, dépouillée de vulgarité, de voyeurisme et de sensiblerie, elle n’est jamais facile. On y chercherait en vain les manières triviales et les grosses ficelles dont le naturalisme s’est souvent contenté. Il s’est forgé sa touche, empâtée, a trouvé des harmonies austères de tons éteints et jamais sales.

    L’œuvre la plus forte est la parade de saltimbanques sur l’estrade, datée de 1888, composition en long formée de panneaux juxtaposés. Les raccords entre certains panneaux témoignent de repentirs en cours de réalisation. Au centre, un nain sérieux, un clown au regard absent et un bonimenteur vulgaire. A gauche, des enfants en costume de scène. A droite de vieux musiciens. Connu sous le titre Les Saltimbanques, le tableau s’appelle aussi Grimaces et misère ; il y a, avec moins de violence picturale et moins d’expression grotesque, du Rouault là-dedans.

    Cela pourrait aussi s’appeler : les âges de la vie. Les enfants sont rangés par taille croissante, de l’enfant qui pleure à l’adolescente résignée. Trois possibilités d’être adulte : un nain ambivalent, un être vulgaire au regard entendu, un clown hors du monde – figure magnifique que ce clown dans son ample vêtement blanc tatoué d’une grosse grenouille rouge (illustration). La vieillesse est égale : des clochards résignés qui retournent à l’obscurité. Deux perroquets et un singe, attributs de chaque âge, sont liés par une chaîne à leur perchoir. Vous qui entrez ici…

    En 1896, Pelez expose une autre grande composition, L’Humanité, dite aussi Le Christ dans le square. On connaît une photographie de cette peinture qui rassemblait quelques spécimens d’humanité derrière lesquels se dressait un Christ en croix fantomatique. Une autre croix apparaît dans le triptyque La Chapelle, qui rassemble des orphelines en prière devant une morte. Difficile d’attribuer un sens précis à la croix : profession de foi ? Motif symboliste ? Une orientation poétique prend le pas dans sa peinture. La bouchée de pain (1904), commande d’Etat sur le thème de la Charité, n’est connue que par de nombreuses études autonomes : c’est un cortège de clochards d’allure spectrale. Pelez a été académique par formation, naturaliste par la bande. Le moyen d’expression qui lui correspond peut-être le mieux, qu’il finit par trouver, est la parabole. Les danseuses (1909), Les petites figurantes (1911-1913), toiles qu’accompagnent aussi des études, ont l’irréalité des compositions du Puvis de Chavannes.

    La peinture très personnelle de Fernand Pelez ne l’a pas empêché d’être membre du jury du Salon des artistes français entre 1894 et 1912 ; son implication dans la vie montmartroise, d’être promu chevalier de la Légion d’honneur en 1910. Sa carrière illustre la perméabilité des mondes académique et bohême vers 1900, mondes qu’on a l’habitude de considérer comme incompatibles.

    Samuel

    F. Pelez, la parade des humbles.

    Jusqu’au 17 janvier 2010, Petit Palais.

    illustration : F. Pelez, Les Saltimbanques (détail) © Petit Palais / Roger-Viollet


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