• Tapisseries

    Aux Gobelins
    Histoires de tapisseries
    Présent du 4 juin 2011
     
    La Galerie des Gobelins présente un choix de tapisseries tirées des collections nationales, pour l’essentiel des tentures réalisées d’après Raphaël et deux de ses élèves : Jules Romain et Giovanni da Udine.

    Raphaël (1483-1520) a dessiné les cartons de la tenture des Actes des Apôtres, qui a connu un destin européen exceptionnel. Des quatre tapisseries retenues, l’épisode le moins célèbre est l’aveuglement d’Elymas. A Paphos, saint Paul proclame la parole de Dieu au proconsul Sergius Paulus, très intéressé. Un magicien, Elymas, cherche à le détourner de la foi. Saint Paul annonce à ce magicien qu’il va devenir aveugle, ce qui se produit. Devant ce prodige, le proconsul se convertit.

    Raphaël peignit à fresque les Chambres du Vatican. La messe de Bolsenna est un miracle eucharistique arrivé en 1263 à un prêtre qui doutait de la Présence réelle. Le pape Urbain IV envoya comme enquêteurs saint Thomas d’Aquin et saint Bonaventure. Dans la peinture de Raphaël, fidèlement reproduite par la tapisserie, c’est Jules II, le commanditaire, qui assiste agenouillé au miracle.

    Décoratives, les tapisseries n’en sont pas moins importantes par ce qu’elles racontent. Une femme du vieux temps descend ainsi de nuit d’une tapisserie où elle figure en Omphale et discute avec le jeune héros d’un conte de Théophile Gautier. Que racontent les tentures des Gobelins ?
    Jules Romain (1492-1546) est le « fils » le plus prodigue du Raphaël. A son sujet, Jean Babelon note que « sa robustesse dégénère souvent en outrance et déclaration » (L’art au siècle de Léon X). La tenture des Fructus Belli fut tissée au XVIIe d’après les peintures commandées par Ferrante Gonzague, l’un des condottieres les plus typiques du XVIe siècle, fidèle capitaine de Charles Quint. Grandes compositions, lisibles, où ressortent aujourd’hui les fils rouges et les fils d’or, ce qui leur donne une allure éclatante. Parmi ces fruits de la guerre, la récompense et le châtiment, le dîner du général, le char du triomphe – et une mise à sac. Ferrante Gonzague avait participé au sac de Rome en 1527. Les bordures sont décorées de trophées, de dépouilles, on y lit aussi la devise Non sine fastidio, « Non sans dégoût » : l’homme de guerre était-il fatigué de manier l’épée ?
    L’histoire de Scipion, d’après Jules Romain (tissage du XVIIe), relate les épisodes marquants de la vie du général qui acheva de donner l’Espagne à Rome et eut l’idée de porter la guerre en Afrique pour détourner Annibal de l’Italie. Lors de la bataille du Tessin, il sauve la vie de son père tombé de cheval. Le repas chez Syphax et L’incendie du camp se situent lors de la deuxième guerre punique. Syphax était un roi numide qui chercha à s’allier avec Scipion. Ce dîner est une audace, car rendre en tapisserie un repas aux flambeaux était une gageure, qui s’avère réussie.
    Giovanni da Udine (1487-1564) est un tempérament plus décoratif. Il est l’auteur des Triomphes des dieux (tissage bruxellois du XVIe). Le triomphe de Vénus se fait sur une belle nef autour de laquelle voltigent de multiples Amours, nagent Tritons et Néréides emmenés par Neptune. Le triomphe de Bacchus relate, dans le registre inférieur, la fabrication du vin. D’autres scènes, liées au vin, sont moins explicites, mais certains personnages titubent ou montrent les signes de la gueule de bois.
    Le triomphe de Minerve est une tapisserie plus narrative. L’histoire de Persée y domine, à bon droit puisqu’il fut aidé par la déesse dans sa lutte contre Méduse. Furieuse que celle-ci ait couché avec Neptune dans un de ses temples, Minerve avait transformé Méduse en monstre. Depuis, ces deux-là se détestaient. La plus belle scène est celle où Persée lutte pour sauver Andromède de l’appétit du monstre marin femelle envoyé par Neptune. Le dieu voulait venger les Néréides, ses protégées, que Cassiopée, mère d’Andromède, s’était vantée de surpasser en beauté. Les femmes ne rient pas sur de tels sujets.
    Un maître du Nord, non identifié, est à l’origine de l’Histoire de Vulcain, tissage de Mortlake, vers 1625. Beau tissage, beaux dessins : les personnages sont bien campés, le décor, soigné, ne les écrase pas. On voit Vulcain préparer le filet de bronze, plus léger qu’un fil d’araignée, et le disposer sur le lit où il compte piéger son épouse, Vénus, et l’amant de celle-ci, Mars. Deux femmes l’aident dans cette tâche, une duègne et une sorte d’allégorie de la Jalousie, si on juge d’après sa laideur. La tenture suivante est habilement composée. Par une ouverture, on aperçoit les amants pris dans le filet ; la scène principale est celle où Neptune plaide la cause de Vulcain devant un Jupiter fort embêté par cette histoire qu’à son avis le mari aurait mieux fait de ne pas ébruiter.
    Que plût aux dieux que sans être caché
    J’eusse m’amie ainsi auprès de moi.
    Par ces mots Clément Marot concluait une épigramme sur le sujet.
    Samuel
     
    L'Eclat de la Renaissance italienne.
    Jusqu’au 24 juillet 2011, Galerie des Gobelins.
     
    illustration : Persée délivrant Andromède, d’après Giovanni da Udine (XVIe siècle). Paris, Mobilier national © P. Sébert

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