• Afrique (femmes)

    Au musée Dapper<o:p></o:p>

    Féminité de bois<o:p></o:p>

    Présent du 22 novembre 2008<o:p></o:p>

    Après « la langoureuse Asie » (Présent du 1er novembre), voici – comme dans le vers baudelairien – le tour de « la brûlante Afrique », et de ses femmes. L’art noir leur accorde une large place. L’artiste soigne la représentation d’une coiffure élaborée, cisèle des scarifications qui sont aussi sensées que décoratives ; il signale les caractères sexuels secondaires sans bouder son plaisir. Féminines, les femmes vues par les sculpteurs africains le sont de façon toujours affirmée, mais plus par fidélité au réel que par concupiscence ; et cette caractéristique est en rapport direct avec la place de la femme dans la société traditionnelle où il lui est demandé d’être maternelle, c’est-à-dire d’être féconde et au foyer. Une Afrique à faire pâlir le Planning familial !<o:p></o:p>

    La statuaire reflète des étapes déterminées. Dès l’adolescence (moment où a lieu une cérémonie initiatique : éducation aux devoirs matrimoniaux, excision parfois) les jeunes filles Mossi, Bagirmi, Asante (respectivement au Burkina Faso, au Tchad, au Ghana) ont des « poupées » de bois qui les accompagnent, dédiées à la protection de leur fécondité, de leur grossesse ultérieure (illustration). La femme enceinte offre au sculpteur une forme supplémentaire à exprimer : il ne s’en prive pas. Chez les Luba (Congo), elle se protège par une amulette en ivoire représentant un fœtus. Les parturientes sont en comparaison d’une grande rareté, on les reconnaît à leur position assise, le ventre bas.

    A foisons, femmes allaitant, femmes portant son enfant : autant d’images, autant d’hommages. La représentation n’est pas anecdotique : c’est l’acte lui-même qui est énoncé, avec grandeur, avec hiératisme. C’est un mythe exprimé, comme ce bois qui représente la divinité Kapielo donnant le sein, applicable à toute mère. Le même détachement apparaît dans l’image du couple où ne traîne nul sentiment mais l’idée de la complémentarité des sexes, qui rend les conjoints égaux. Lors de cérémonies, les Yoruba (Nigeria) portent autour du cou des figures de bronze, l’une masculine, l’autre féminine, reliées par une chaîne. Telle œuvre Dogon (Mali) qui représente les jumeaux primordiaux, assis côte à côte, l’homme le bras passé sur l’épaule de la femme, donne une forte image applicable au couple en général. Les couvercles des tombeaux étrusques ne sont pas loin.<o:p></o:p>

    Chez les Baoule (Côte d’Ivoire), tout homme, toute femme a un conjoint dans l’invisible, qu’il importe – comme parfois dans ce monde-ci – de se concilier sous peine de voir sa vie devenir un enfer. L’homme a sa blolola, la femme son blolobian, statuette de ce conjoint virtuel. <o:p></o:p>

    Maîtresse de la maisonnée, l’Africaine de tradition n’a pas voix au chapitre villageois, jusqu’à la ménopause, quand elle n’est plus assujettie à la « souillure menstruelle », et que le terrible pouvoir de donner la vie lui a été ôté. Cependant au cas par cas l’implication de femmes dans la vie politique peut être grande. Le royaume du Bénin honorait les reines mères par des bronzes princiers. Il existe des systèmes matrilinéaires de transmission de la royauté qui confèrent aux femmes un rôle significatif, comme chez les Akan (Ghana), lesquels ont laissé de délicats portraits en terre cuite de quelques reines. <o:p></o:p>

    (Parenthèse ghanéenne. – Séjournant dans une famille au nord d’Accra, j’y ai vu des maîtresses femmes qui assuraient toutes tâches, du règlement des questions familiales jusqu’au vidage des volailles et au lavage de la vaisselle. Car matriarcat ne signifie pas libération de la femme et partage des tâches. Les jeunes gens de la maison comptaient pour du beurre dans la vie domestique, ils n’avaient pas plus accès au portefeuille qu’à l’éponge. Le mari, fantôme la semaine, prenait corps le dimanche au prêche où, en tant que pasteur, il avait son heure et demi d’existence sociale sous forme de harangue.)<o:p></o:p>

    On lira dans le catalogue diverses études synthétiques ou particulières (sous la direction de Chr. Falgayrettes-Leveau, directrice du musée Dapper, 36 euros), études anthropologiques, ethnographiques, qui offrent un utile complément aux œuvres exposées. Cet ouvrage constituera, comme le précédent (Animal, 2007), une référence sur le sujet. Parallèlement sont organisées des rencontres-débats sur les sujets sensibles que sont l’excision et la polygamie : que peut-on abandonner d’une tradition sans se renier ? Ouvrant l’exposition, les photographies d’Angèle Etoundi Essamba, née au Cameroun mais dès dix ans européenne, centrées sur ses sœurs africaines, abordent ces questions de la tradition et de la modernité. Œuvres où affleure la gravité, où revit, transféré de l’homme-sculpteur à la femme-photographe, ce sens du volume propre à l’art africain. <o:p></o:p>

    Samuel

    Femmes dans les arts d’Afrique,

     jusqu’au 12 juillet 2009, Musée Dapper

    Illustration : Asante, Ghana. Statuette akuaba © Archives Musée Dapper / Hughes Dubois.

    Précédents articles sur l'art africain:

    expo esprits Dapper / expo animal Dapper / expo Bénin


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  • Commentaires

    1
    visiteur_khadi
    Vendredi 21 Novembre 2008 à 19:34
    c tr?beau
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    2
    visiteur_Dandy
    Samedi 29 Novembre 2008 à 16:27
    Cher Samuel, je sens que ces femmes africaines ne vous ont pas laiss?e bois.
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