• Aragon et l'art moderne

     

    Au musée de la Poste

     

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    Aragon

    et les beaux arts<o:p></o:p>

    Présent du 3 juillet 2010<o:p></o:p>

    N’y allons pas par quatre chemins, le rassemblement de toiles liées aux écrits d’Aragon ne vaut pas tripette. J’excepte de ce jugement radical quatre tableaux : un paysage d’Albert Marquet (Notre-Dame et ses quais, ses ponts), un de Francis Gruber (Le parc, 1941) ; un intérieur de Bernard Buffet ; La batelière de Marcel Gromaire, de construction très savante (illustration).<o:p></o:p>

    Bien sûr il y a aussi des dessins aquarellés de Paul Signac, des lithographies de Matisse, mais rien d’exceptionnel. Aragon a publié en 1971 Henri Matisse, fruit de ses rencontres avec l’artiste et des réflexions sur son art. Il en disait : « Ceci est un roman, c'est-à-dire un langage imaginé pour expliquer l'activité singulière à quoi s'adonne un peintre ou un sculpteur, s'il faut appeler de leur nom commun ces aventuriers de la pierre ou de la toile, dont l'art est précisément ce qui échappe aux explications de texte. »<o:p></o:p>

    Bien que refusant le titre de critique, Louis Aragon a beaucoup écrit sur l’art, des livres (La peinture au défi, 1930), des articles. Aragon est rédacteur aux Lettres françaises, dont il devient le directeur à partir de 1953. Il y parle souvent d’art, en une. Une série d’articles traite de l’art soviétique (1952). Les décès sont d’autres occasions (décès de Fernand Léger en août 1955, qu’il avait pris à partie lors de la « Querelle du réalisme » en 1936 ; décès de Georges Braque en septembre 1963).<o:p></o:p>

    Le journal est subventionné par Moscou. Bon romancier et non moins bon poète, Aragon a été, sur l’échiquier politique, un pion actif et volontaire, « Prix Lénine 1958 ». La postérité garde beaucoup de respect pour ce genre de prébende. Privées de subsides pour avoir soutenu les Tchèques en 1968, Les Lettres françaises cessent de paraître en 1972. Aragon écrira désormais dans L’Humanité et Le Monde.<o:p></o:p>

    Ses choix artistiques obéissent rarement à un mobile pictural. Ils sont doctrinaires. Il a d’abord aimé, entraîné par le lyrisme sympathique d’Apollinaire, les peintres cubistes, leurs collages ; il s’est ensuite rigidifié dans le surréalisme avant de devenir le chantre du réalisme socialiste. A la fin de sa vie, il a mis du jeu dans son esprit mais le pli était là.<o:p></o:p>

    La peinture surréaliste est mesquine, artificielle. « Peinture fraîche » n’est pas l’écriteau qui lui convient : la main de l’artiste est sèche, et son intelligence. Le plaisir de peindre, l’amour du sujet n’apparaissent pas. Ce serait suspect, car bourgeois. Le surréalisme s’est mis dès le début au service de la Révolution. Avant d’être une école artistique, il est un outil politique.<o:p></o:p>

    Aragon, à partir de 1930, prône le réalisme socialiste. Adhérent du PCF, il séjourne régulièrement à Moscou pour affaires « culturelles ». Le voyage de Tintin au pays des Soviets date de 1929. Il est de bon ton, aujourd’hui encore, de dénoncer les « préjugés » d’Hergé. Quid de la malhonnêteté d’Aragon ? Qui plus est malhonnêteté rétribuée.<o:p></o:p>

    Ses positions successives – surréalisme, réalisme – sont-elles contradictoires ? A première vue, évidemment oui. Un film de propagande polonais oppose les deux courants (1950). Le conférencier glorieux vante à une assistance résignée, le réalisme socialiste qui s’éloigne de « l’art de l’impérialisme dégénéré », qui rompt avec « la perversité » de l’art d’avant-garde occidental. Le réalisme socialiste, dit-il, affirme « une foi profonde en l’homme ». La foi profonde en l’homme du socialisme est apparentée à l’humanisme nazi. La différence n’est pas d’essence mais de durée.<o:p></o:p>

    En réalité l’art d’avant-garde constitue une première phase, celle de l’éclatement des repères culturels « bourgeois ». Elle se produit en même temps à l’ouest et à l’est (1918-1930). Le réalisme socialiste est la phase suivante : sont fixés les nouveaux repères. C’est ainsi qu’on est passé de l’un à l’autre en URSS, en soumettant les artistes, quitte à écarter les rétifs. En France, Aragon essaye la même transition. Disposant de journaux mais pas d’une police, il doit se contenter de siffler en vain la fin de la récréation, rappelant à l’ordre les artistes qui refusent la mise au pas, heureux de faire carrière dans le relativisme ambiant.<o:p></o:p>

    Le passage du surréalisme au réalisme socialiste n’est donc pas contradictoire. Ni même aberrant. Outre le fait que l’un et l’autre sont une forme prise par le marxisme dans l’ordre esthétique, le réalisme soviétique est au fond surréaliste. Représentations idylliques de l’ouvrier épanoui, du combattant bien nourri, de la paysanne plantureuse, rien ne le rattache à la réalité de la vie en terre communiste, à la ville, aux champs ou au goulag. Surréalisme et réalisme socialiste ont en commun de ne pas aimer le réel.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Aragon et l’art moderne.

    Jusqu’au 19 septembre 2010, Musée de la Poste.

    illustration : Marcel Gromaire, La Batelière, 1924 © Musée d’art moderne de la ville de Paris – Roger Viollet © Adagp, Paris, 2010

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