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Par schwa1 le 18 Septembre 2006 à 11:48
IMAGE DU MONDE
Lacustre. -
à Capodimonte, sur les bords du lac de Bolsenna, haut lieu de lhistoire étrusque, lac dans lequel fut jeté sainte Christine une meule au cou... ce distributeur de strings. Une légèreté et un mélange des genres typiquement italiens.NOSTALGIE
Inattendu. -
Le vieux photographe Willy Ronis, à qui le journal du Conseil régional dÎle-de-France (juillet -août 2006) demande son coup de cur, répond : «les émeutes urbaines». Sa réponse in extenso : «Les émeutes urbaines mont frappé. On voit aujourdhui, plus quavant-guerre, une précarité généralisée, une angoisse, un manque de perspective. Soixante-dix ans après 1936, tout est à refaire.» Langoisse de la montée du fascisme, certainement.MESSAGE
Bruyant. -
La teneur du premier concert parisien de Madonna (adepte, on le sait, de la Kabbale)? «Couronne dépines sur la tête et bustier rouge, Madonna entonne «Live to tell» crucifiée sur une croix couverte de brillants rappelant une boule à facettes.» Pas de quoi choquer le clergé, donc. Puis «des images denfants dAfrique défilent sur les écrans géants, ainsi que des adresses de sites internet pour des appels aux dons.» Tout le monde il est beau, i veut avoir des sous... Enfin sont projetées des photos de Bush, du pape, de Saddam Hussein, de Ben Laden, de Condoleezza Rice et de Hitler, pour dénoncer «la haine dans le monde». Et le journaliste dAFP trouve bon de qualifier le tout de «message humaniste».TéLéRéALITé
Béni-oui-oui. - Dans 20 mn du 30 juin dernier, un article consacré à lémission «Le jour du Seigneur». L. Grzybowski, «qui commente les offices en direct depuis vingt ans», déclare: «Notre image est vieillotte parce quon filme un rituel immuable, et des curés pas toujours olé olé». Immuable, le rituel Vatican ii? Parfois olé olé les curés? Il ajoute quil nest «pas facile pour les ecclésiastiques de recevoir des ordres de nos chefs de plateau femmes», ce qui surprend de la part de ces prêtres qui ont depuis longtemps renoncé à lautorité au profit des patronnesses des équipes liturgiques. Mais quadviendra-t-il quand les chefs de plateau femmes iront donner des ordres aux muezzins pour filmer la prière du vendredi? Car «les 5 millions de musulmans nont le droit quà 30 minutes hebdmadaires», ce que la responsable des émissions religieuses veut «réévaluer». Mais ne gâchons pas le plaisir du père Hugues: «Jai quitté mon abbaye pour enregistrer en studio. Ce nest pas simple mais la télé est un excellent moyen de délivrer un message chrétien.» Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil...
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Par schwa1 le 18 Septembre 2006 à 11:44
René Béhaine
par Xavier Soleil<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
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René Béhaine, né à Vervins (Aisne) le 17 juin 1880 et mort à Villefranche-sur-mer le 3 janvier 1966, est sans doute lécrivain français le plus méconnu du XXe siècle. Depuis près de 50 ans, cette uvre et son auteur sont tombés dans un oubli profond au point que les dernières générations ignorent jusqu'à leur existence. <o:p></o:p>
Son uvre est immense. Comme Balzac, Zola ou Proust, il a voulu décrire la société de son temps sur laquelle il portait un regard aiguisé et surtout un jugement implacable. Car, sil réclamait, particulièrement en tant quécrivain, son indépendance personnelle, il fut très loin dêtre, sur le plan social, tenté par lanarchisme. Bien au contraire, il dénonçait le fait que plus aucun ordre ne régnât dans la société et en recherchait les causes - cest peut-être même là lobjet principal de son uvre . A linstar de Balzac, il accusa la Révolution Française, fruit et ferment dun libéralisme effréné et destructeur.<o:p></o:p>
LHistoire dune Société - titre général de luvre, commencée en 1904 et achevée en 1959, comprend 16 volumes Ces seize volumes aux titres étrangement symboliques sont, dans lordre : <o:p></o:p>
Les Nouveaux venus (Charpentier, 1908)<o:p></o:p>
Les Survivants (Grasset, 1914)<o:p></o:p>
Si jeunesse savait... (Grasset, 1919)<o:p></o:p>
« La Conquête de la Vie » (Grasset, 1924)<o:p></o:p>
LEnchantement du Feu (Grasset, 1926)<o:p></o:p>
Avec les yeux de lEsprit (Grasset, 1928, dans la collection des Cahiers Verts dirigée par Daniel Halévy), <o:p></o:p>
Au prix même du Bonheur (Grasset, 1930) <o:p></o:p>
Dans la foule horrible des hommes (Grasset, 1932, avec des gravures dE. Bracquemond)<o:p></o:p>
La Solitude et le Silence (Grasset, 1933)<o:p></o:p>
Les Signes dans le ciel (Grasset, 1935, dans la collection « Pour mon plaisir »)<o:p></o:p>
O Peuple infortuné (Grasset, 1936)<o:p></o:p>
Le Jour de gloire (Mercure de France, 1939)<o:p></o:p>
Sous le char de Kâli (Laffont, 1947)<o:p></o:p>
La Moisson des Morts (Editions du Milieu du Monde, 1957)<o:p></o:p>
LAveugle devant son miroir (Editions du Milieu du Monde, 1958)<o:p></o:p>
Le Seul Amour (Editions du Milieu du Monde, 1959)<o:p></o:p>
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Luvre de René Béhaine fut, entre les deux guerres mondiales, saluée par une partie de la critique. Ainsi Léon Daudet, codirecteur de lAction Française et grand découvreur de talents, lui consacrait, après la parution dAvec les Yeux de lEsprit, un long et élogieux article, recueilli dans le 8e volume de la série Ecrivains et Artistes, et qui débutait par ces lignes : « Trois noms - je le répète une fois de plus dominent le roman contemporain, ce roman que lon dit mourant et qui commence seulement sa vie seconde, celle des interprétations de la vie et de lâme : Marcel Proust, Bernanos, René Béhaine. » Et un peu plus loin, ces remarques qui montrent une véritable compréhension de cette uvre originale : « Ce nest qu à la réflexion et comme au second goût, que cet enveloppement de remarques brûlantes, originales et vraies exprimées dans un style réticent, racinien (du Racine en prose) commence à agir, à impressionner, à dominer le lecteur. Alors vous reprendrez ces pages éclairées dune entre-lueur de crépuscule estival, et vous descendrez en elles avec une impression de douceur compréhensive et de chatoyante euphorie. Elles simposeront à vous, elles vous hanteront, par une espèce de sortilège, à la fois sensible et mental. Elles se saisiront de votre mémoire. » <o:p></o:p>
Il fit la connaissance du grand mécène Jacques Guérin, puis, à la fin des années 30, celle de Pierre Guillain de Bénouville, alors camelot du roi, qui devait devenir lun des chefs de la Résistance intérieure ; lun et lautre le soutinrent jusquà la fin de sa vie et laidèrent à publier ses trois derniers livres.<o:p></o:p>
Albert Feuillerat (1874-1953), beau-frère de Paul Bourget et Directeur des études romanes à lUniversité de Yale, a tracé de René Béhaine, dans le Bulletin des études françaises (Montréal, mars 1942) un portrait admiratif, tant de lhomme que de lécrivain dans lequel je relèverai cette appréciation synthétique : « Sa critique de la bourgeoisie déchue sest épanchée dans une suite de tableaux significatifs, vigoureusement brossés, à la composition desquels ont collaboré un observateur perspicace, un moraliste passionné et un humoriste narquois qui prend plaisir à montrer lhumanité toute nue, dans ses contradictions et ses ridicules - lensemble composant une vaste fresque qui complète celle que Proust nous a léguée de laristocratie et de la haute bourgeoisie à la même époque. » Faisant justice des imputations dune critique malveillante, son article est intitulé : Un précurseur de Marcel Proust : René Béhaine. <o:p></o:p>
Signalons enfin que la première partie de luvre a fait lobjet dune thèse de Viviane Smith intitulée « la première manière de René Béhaine » (Doctorat duniversité, Paris-Sorbonne 1978 ) dont on retiendra la conclusion : « Cet univers romanesque allie de façon déconcertante un personnage central dune idéologie réactionnaire à des procédés romanesques divers, inventifs et précurseurs. Le climat du texte lemporte sur le déroulement du récit, ralenti jusqu'à limmobilisme. Les traces dun humour corrosif donnent un relief plus aigu aux analyses cruelles. Lauteur sest risqué à la phrase longue, difficile à lire, qui retient les uns et décourage les autres. Enfin, en creusant le particulier dune âme, celle de Michel, le romancier rejoint le général, procédé romanesque également précurseur. Le lyrisme de Michel, antihéros qui se veut héroïque, retentit comme la complainte, proférée devant le tribunal du lecteur, de la condition humaine tout entière. »<o:p></o:p>
« Idées réactionnaires procédés romanesques inventifs et précurseurs » A lépoque où étaient publiés les romans qui donnèrent lieu à ces appréciations, le grand public se délectait à la lecture des derniers épigones de Zola : Jules Romains, Duhamel et autres Martin du Gard.<o:p></o:p>
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Après la guerre, Béhaine a été signalé, le 24 août 1960, aux lecteurs de Carrefour par un article de Maximilien Vox, intitulé « Un romancier de génie, René Béhaine » ; à ceux des Nouvelles Littéraires, le 13 janvier 1966, par un article de Ginette Guitard-Auviste dont le titre était : « Histoire dune Injustice » ; dans Ecrits de Paris de mai 1960, Yves Gandon publiait « Explication de René Béhaine » ; enfin, plus récemment, Jean Mabire insérait dans sa série Que lire de National-Hebdo « René Béhaine, la « comédie humaine » dun siècle tragique ».<o:p></o:p>
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Comme Balzac, Béhaine a eu, dès sa jeunesse, des rapports difficiles avec la société, à commencer par sa famille. Mais, comme lui, il na jamais dévié de sa route, ni de lobjet de son étude et, comme celui-ci sa Comédie Humaine, il a pu mener à son terme sa volumineuse Histoire dune Société.<o:p></o:p>
Lobjet général, voire unique, de cette uvre est la recherche, dabord implicite, puis, de plus en plus explicite, des conditions dexistence de la civilisation. Doù un lent travail dapproche qui est une longue étude des milieux dans lesquels cette recherche sexercera. Et déjà commence cette critique à la fois angoissée et impitoyable, non tant dune société décadente que des lois qui ont déterminé cette décadence à laquelle nul ne peut ni sopposer, ni survivre. Petit-fils spirituel dun Bonald, Béhaine rappelle inlassablement les règles dor qui font lunité dune Patrie, dune province, dun métier, dune famille alors que les lois en vigueur depuis la Révolution française nont engendré et nengendreront jamais quuniformité et asservissement.<o:p></o:p>
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Comme Proust, il sest créé un double qui lui permet tout à la fois de décrire de lintérieur les milieux dans lesquels lui-même, Catherine, puis leur couple, ont évolué et de juger les coutumes, les partis pris et les préjugés de ces mêmes milieux. Ainsi, cette suite romanesque nest-elle pas vraiment lhistoire dune société ; on ny trouve pas de types sociaux comme dans la Comédie Humaine. Cest, à la vérité, lhistoire morale dune société, une suite de jugements sur des comportements, une représentation mentale de la vie sociale et de sa moralité. Béhaine ne décrit pas un monde comme Zola, il nen construit pas un plus réel que la réalité, comme Balzac, ou semi-onirique comme Jouhandeau : il a pour but de « faire lhistoire psychologique de son temps » dont il a cherché à représenter, à travers lenfance, puis ladolescence, de Michel et de Catherine, « les deux mouvements si différents de la société française, composée dune foule sans passé au milieu de laquelle subsistent quelques îlots dune humanité devenue différente, comme des bouquets darbres dans une plaine déboisée », écrit-il dans la préface de La Conquête de la Vie en 1924.<o:p></o:p>
Cest dans cette même préface quil sexplique sur son style. « La phrase écrite nest, pour le lecteur ordinaire quune transposition à peine modifiée de la phrase parlée. Quune idée la gonfle, lui donne de lampleur et du poids, la gêne et presque la surprise quil en éprouvera lui fait conclure aussitôt quil y a là une faute... Mais il en est dautres dont le suffrage sérieux est le seul qui compte, et cest à ceux-ci que je veux madresser. Cest à ceux qui, le livre ouvert, osent et savent suivre avec patience le développement de la phrase qui sajuste et saccorde à la méditation de leur esprit. Le soir tombe, on relit la page, on se cherche dans ce miroir que vous tend lexpérience et qua coulé pour vous, dans la retraite et le silence, un cur si proche du vôtre, quon ne connaîtra jamais... » <o:p></o:p>
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Cest à chaque épisode, presque à chaque page que lauteur nous invite à un double saut dans le temps : en effet, au temps implicite de lécriture sajoutent à la fois celui du récit et celui du temps, passé ou futur, évoqué par ce récit. On comprendra mieux cette double démarche à la lecture de la page ci-après dans laquelle Michel raconte une difficile promenade en montagne avec son petit garçon. Il entend tout dun coup celui-ci pleurer.<o:p></o:p>
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« Ce désespoir était si inattendu chez ce petit enfant qui ne se plaignait jamais, quil semblait que la cause en fût ailleurs et débordât linstant présent. Peut-être, en effet, leffort excessif quil lui fallait fournir lui avait-il rendu le sentiment de toutes les tristesses de cet autre chemin où, sans ménagement comme sans prudence, son père lentraînait depuis quil était né, et avait-il eu une subite prescience de lavenir qui lattendait ? Mais si Michel ne se rendit pas compte des raisons profondes dune défaillance quil attribuait tout simplement à une fatigue passagère, quelque chose en lui, situé au-delà de sa conscience, les avait sans doute perçues, puisque, plus tard, montant seul cette fois, perdu dans le plus affreux des songes, une pente couverte de broussailles, limage de celle que, vingt ans plus tôt, par un chaud matin dété, tous deux avaient gravie avec tant de peine côte à côte, devait, comme si lune expliquait lautre, reparaître brusquement devant ses yeux, chargée dun sens secret quil découvrirait seulement. »<o:p></o:p>
Les trois temps sont ici bien marqués : celui du récit lui-même, puis le temps de lécriture où Michel analyse les causes du chagrin de son fils et, enfin, cet autre temps évoqué dont on arrive à croire - suprême habileté de lécrivain - quil se situe au-delà des deux autres. Léon Daudet notait : « On dirait quil a déjà vécu une première vie, dont il se souvient dans une seconde existence... » <o:p></o:p>
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Les deux premiers volumes de lHistoire dune Société établissent les bases de lédifice : Les Survivants, cest la famille de Laignes, celle de Catherine, prise deux générations plus haut ; Les Nouveaux-venus, celle de Michel, également étudiée dans ses racines. <o:p></o:p>
Lidée même de cette symétrie est simple et sa mise en uvre peut sembler facile, mais il ne faut pas perdre de vue que ces évocations rapides, mais précises, préfigurent les principaux traits de caractère de nos deux héros : la ténacité, lordre, dun côté, celui de Michel, linsouciance et le manque de volonté de lautre, du côté de Catherine, et quelles posent les prémisses dune dualité, pour ne pas dire dune lutte dont on nest même pas sûr quelle finisse au terme de cette épopée, puisque lunité ne peut être trouvée sur cette terre, dans cette vie.<o:p></o:p>
Lus avec intérêt, on les oublie pourtant bientôt pour sattacher à laventure personnelle des deux héros à la faveur de laquelle Béhaine trouve à la fois son style, son rythme en même temps quil développe ses idées personnelles sur le mariage, larmée, les institutions sociales et les ressorts, souvent secrets, de leur fonctionnement, les conditions de la naissance et du développement de la vie et, en ce qui concerne lhomme, de la civilisation. Et cest là que, peu à peu, nous le voyons avec admiration rejoindre, tant par lacuité de sa pénétration psychologique que par la profondeur de ses réflexions générales, la pléiade des grands écrivains de lépoque, un Proust, un Faulkner, un Joyce - et, avant eux, un Balzac, un Melville, un Dostoïevski. <o:p></o:p>
Léon Daudet, pour le citer encore une fois, écrivait : « A la différence de Proust, et à la ressemblance de Bernanos, Béhaine est synthétique, non analytique, et il procède par tableaux densemble, successifs, dune vigueur égale à leur simplicité... Il est le peintre des ensembles, des rassemblements de la circonstance, du cur, de lesprit. Son dernier ouvrage [il sagit dAvec les yeux de lEsprit], comme les précédents, fourmille de ces inclusions merveilleuses, qui ne sont pas digressives, comme chez Balzac, qui se rapportent en plein au thème central, mais qui donnent de la hauteur, de lespace et de lair. »<o:p></o:p>
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Revenant beaucoup plus tard sur la longue entreprise quil avait menée à son terme, René Béhaine pouvait écrire à son ami Sylvain Monod : « Jai entrepris de relire lHistoire dune Société que je navais jamais relue. Limpression que jen ressens est bouleversante Comment ai-je pu me souvenir de toutes ces images que jai un jour réfléchies : car si je dépeins un milieu, une heure, rien nest inventé. Ce jour-là, il y avait un ciel pur, la pluie tombait, et rien nest imaginé dans les images que jen donne » <o:p></o:p>
Et un peu plus tard (lettre du 13 août 1963) : « Je relis et recorrige pour la deuxième fois lHistoire dune Société, et vous me connaissez assez pour savoir que je nai ni orgueil, ni vanité. Mais je me rends compte de limportance exceptionnelle de cette uvre qui, sans une édition définitive, peut disparaître. Je ne crois pas, surtout en ce temps où un monde sécroule, à la durée indéfinie dune uvre, quelle soit musique, peinture, littérature. Si elle est grande, elle a droit pourtant à un prolongement sans lequel son action serait perdue.<o:p></o:p>
Ainsi, à la pensée quun tel effort aura été inutile et vain, je sombre dans une détresse qui aura été le couronnement dune vie si tragique Mon uvre aurait cependant pu et pourrait avoir son prolongement normal, car, ce quaucun critique na vu ou na osé voir, ce nest pas une suite de romans, ce sont les mémoires exacts dun temps »<o:p></o:p>
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René Béhaine est mort en 1966, deux ans avant une nouvelle révolution qui préluda à une inversion des valeurs sans précédent, semble-t-il, dans lhistoire de lhumanité, mais préparée par une série de reniements dont peu desprits avaient mesuré les conséquences et qui obéissaient à ce plan du Mal dont parle Béhaine à plusieurs reprises, en en désignant presque nommément les auteurs.<o:p></o:p>
Pour bien connaître sa pensée, il faut lire, dans les derniers volumes, les pages que Béhaine avait, malgré les pressions, et au risque de nêtre pas édité, refusé de supprimer, - celles relatives à la Révolution française, à la démocratie, à la Révolution russe, à lAction Française, au procès de Léon Daudet après lassassinat de son fils Philippe (procès auquel il avait assisté), au Front populaire, à la « Libération ». Quelque puissants que soient les censeurs du jour, ces pages et quelques autres ne peuvent être arrachées dune uvre à lintelligence de laquelle elles sont profondément nécessaires, car, dune part elles font partie du témoignage que lécrivain a voulu porter sur la société au sein de laquelle il a vécu ainsi que sur les causes de son irrémédiable déchéance, mais, dautre part, elles forment le nécessaire contrepoint de ces pages magistrales où il rappelle la nécessité de la Monarchie capétienne, celle de laristocratie ainsi que lirrésistible déclin dun peuple qui, conduit par de mauvais bergers, tourne le dos à des valeurs quil considère comme vitales.<o:p></o:p>
On comprendra aisément comment un tel esprit, doué de telles qualités, a pu, après avoir été reconnu par ses pairs dans la période de relative liberté desprit que furent les années davant-guerre, être totalement rayé du paysage intellectuel français à lavènement de la démocratie totalitaire qui a suivi les années 1939-1945. <o:p></o:p>
Toutefois, il demeurait désespéré à la pensée que son uvre, dont il avait pu mener à bien la correction et quil considérait comme un monument de lesprit humain, mais aussi comme un témoignage capital sur la société de son temps, ne serait pas rééditée et sombrerait dans loubli. Lexpérience quil avait faite aurait été inutile et les vérités quil avait contribué à dégager perdues pour une humanité à laquelle même les progrès techniques les plus extraordinaires ne permettraient pas déchapper à une barbarie désormais inéluctable. « Même si le pire devait arriver... » pensait Maurras, - pour Béhaine, le pire était désormais une certitude.<o:p></o:p>
Comme celle de Maurras, son oeuvre est un rempart contre la bêtise et la lâcheté. Et, sil est vrai, comme lécrit Kléber Haedens dans la préface de son Histoire de la Littérature française, qu « un seul lecteur peut rendre un auteur plus important que cent mille », nous souhaitons comme il le désirait ardemment et comme il ne lui parût pas tout à fait impossible que cela arrivât un jour, que lHistoire dune Société atteigne enfin le public quelle mérite et soit reconnue par lui comme lun des grands classiques du 20e siècle.<o:p></o:p>
Elle est aussi, et peut-être surtout, un témoignage, - et notre lecture de ce témoignage est aggravée de tout le poids de celui quà notre tour nous pouvons porter - que, de façon irrémédiable, la pesanteur la emporté sur la grâce. Car, il ne sagit même plus de la disparition dune civilisation, mais du fait que la voie dans laquelle sest engagée lhumanité tout entière interdit la naissance ou la renaissance de toute civilisation.<o:p></o:p>
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Extrait de lintroduction aux Pages choisies de lHistoire dune Société
présentées par Xavier Soleil, avec une lettre de Michel Déon de lAcadémie Française
(Editions Nivoit 5 rue de Berry 36250 Niherne, juin 2006 prix : 28 euros, port compris ).<o:p></o:p>
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Par schwa1 le 18 Septembre 2006 à 11:38
La mosaïque semble un art lointain: byzantin; et quand elle est proche de nous géographiquement, cest par le temps quelle paraît lointaine : antique, médiévale là encore, plus orientale quoccidentale. Curieusement, la technique la plus moderne nest pas sans rapport avec la mosaïque: le pixel (
picture element, l «atome» dune photographie numérique, lélément irréductible) est le descendant de la tesselle, le petit cube de pierre. La comparaison sarrête là : car dans le numérique plus il y aura de pixels, plus la définition sera bonne, tandis que dans la mosaïque le morcellement extrême des tesselles et le raffinement des détails sont la marque dune pratique décadente, de labandon de lesprit de la technique. La mosaïque se doit dêtre de mauvaise définition. Son caractère fruste et naïf est le gage de sa fraîcheur. Cette fraîcheur se retrouve dans les uvres de Marie-Agnès Mathieu, exemple de la pratique contemporaine dune technique primitive.Lovendrin. Vous êtes jeune, mais juxtaposer de petits cailloux, à votre âge ! Comment êtes-vous venue à cette technique si particulière ?
M.-A. MATHIEU. Le hasard et une certitude en sont la cause. La certitude que si je voulais continuer à travailler dans latelier où jai appris le b-a-ba du dessin, il me fallait trouver une technique autre que le dessin pur. Le hasard : lors dun voyage en Italie je suis restée éblouie devant les mosaïques de Ravenne. Elles étaient aussi fraîches quune rose, époustouflantes de jeunesse et de dynamisme. Elles navaient que 1400 ans.
Lov. Quelle formation avez-vous suivie ?
MAM. Délibérément, je navais pas voulu entrer aux Beaux Arts de Marseille après mon bac. Je suis partie dans un atelier dart privé dirigé par Albert Gérard. Je nai pas été déçue : là jai pu réellement apprendre à dessiner. Et puis jaimais cette atmosphère datelier où mille projets naissaient, où il fallait toucher à toutes sortes de techniques. En ce qui concerne la mosaïque, je suis allée par deux fois en Italie à la CISIM près de Ravenne où on enseigne la technique. Après, la pratique, lexpérience ont fait évoluer ma technique et maintenant elle ne ressemble plus beaucoup à celle que jai apprise.
Lov. Grosso modo, quelles sont les étapes dune réalisation ?
MAM. Tout commence par écouter le commanditaire. Quelquun qui veut un pavement à lentrée de sa propriété, qui veut orner une niche vide, un oratoire. Ce sont toujours des projets liés à larchitecture : maison, église, terrasse, piscine, fontaine Pour cette raison il faut observer le lieu de pose, les matériaux de la construction, les couleurs, la lumière, lexposition. Il faut cerner le dessein du commanditaire, connaître ses goûts. Ar
rive alors le temps de la création. Je dessine et peins la maquette, en général à léchelle. Pour saider on la dispose à lendroit où la mosaïque sera placée, cela permet de mieux déterminer la composition et les couleurs. Souvent plusieurs maquettes sont nécessaires.
Lov. Et une fois que lartiste et le commanditaire sont satisfaits du projet ?
MAM. Commence alors la réalisation en atelier, à lenvers, sur papier kraft. Un travail de patience et démerveillement : les couleurs qui changent dintensité en fonction de la couleur voisine, les rebuts de coupe les plus biscornus qui trouvent leur place à côté des tesselles bien cubiques sans eux la ligne naurait pas bien tourné, le dessin aurait été raide et sans vie.
Lov. Pierre, pâtes de verre, quels matériaux ont votre préférence ?
MAM. Les deux, et les autres : galets, dalles de verre, smalt, débris de vaisselles, coquillages Le plus important est de bien choisir ces matières en fonction du lieu où elles seront incorporées, au sol, dans un mur, une cavité, etc. Une mosaïque réussie est une mosaïque qui semble être là depuis toujours.
Lov. Je reviens en arrière : vous avez dit que la réalisation a lieu « à lenvers ». Nest-ce pas compliqué, ou trompeur ?
MAM. Non, Chaque tesselle est collée sur sa face, puis quand le panneau est achevé je coule un mortier sur lenvers. Le tout est retourné, le papier kraft enlevé et les tesselles nettoyées des traces de colle. Luvre est faite. Il ne reste plus quà la poser dans le lieu défini. Le collage se fait avec des colles de carrelage très efficaces, qui garantissent un très bon accrochage. Pour des petites mosaïques, on peut utiliser des colles à base de résine, plus légères.
(Propos recueillis par Samuel.)
Contact: M.-A. Mathieu, La Vialle, 84330 Le Barroux
ou en nous contactant par e-mail
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Par schwa1 le 18 Septembre 2006 à 11:32
Les journées de ceci, les années de cela, sont tout ce que la Modernité nous offre en guise de calendrier sacré. Commence ainsi fin septembre MMVI « lannée de lArménie en France ». Consentons-y ! en mettant à contribution un auteur déjà connu de nos lecteurs : le cabaliste et cryptographe Blaise de Vigenère. (cf. lovendrin n°12, p.4) La cryptique le porte à étudier les alphabets autres que latins : une écriture inconnue nest rien dautre quune écriture chiffrée. Voilà pourquoi à la fin du Traité des Chiffres (1586) il fait état des alphabets arménien, copte, géorgien, indien, nubien, chinois, japonais
Son époque le sert merveilleusement : le xvi
e européen voit arriver de toute part les récits de voyages. Non quon nait voyagé et raconté auparavant ; mais désormais on va beaucoup plus loin et limprimerie assure aux récits une diffusion amplifiée. Aux récits, ainsi quaux instruments linguistiques. Par exemple, Blaise de Vigenère a pu voir à Venise un dictionnaire du « jargon des gueux & bohémiens » (p. 34), langage « forgé à plaisir ». Il a appris par les narrations des conquêtes de Cortès lexistence des écritures amérindiennes dont les signes sont « des figures dhommes & danimaux » (p.11), et celle des cordelettes péruviennes « nouées à guise de patenôtres de diverses couleurs selon les choses quils voulaient représenter ; le nombre desquels nuds au reste marquait les ans que leurs Ingues ou Caciques avaient régné. » (p.11) Les Arméniens ont eu des livres imprimés dans leur langue dès 1512 à Venise. Le premier contact de Vigenère avec ces caractères doit dater de ses séjours en Italie. Imprégné de la méthode des polygraphes du temps, même sil na pas lambition encyplodédique de Cardan ou Scaliger, il nimagine pas livrer un alphabet lointain sans donner dabord des renseignements concernant lhistoire, la géographie, la religion, les coutumes. Il pique partout avec plus ou moins dordre : les auteurs antiques (Pline lAncien), les chroniqueurs, voyageurs, passés et contemporains (Marco Polo, Josaphat Barbaro). La méthode des compilateurs du seizième a ses défauts : les renseignements perdent en exactitude en passant dun auteur à un autre, quand ils nétaient pas erronés dès le départ. Malgré tout, malgré lanarchie des détails donnés, les inexactitudes éventuelles et la volonté, parfois, den rajouter pour épater le lecteur, on ne peut rester insensible à cette curiosité européenne pour le monde immense qui se découvre alors, mais aussi pour les terres plus proches quà loccasion des voyages par voie terrestre on redécouvre.En route, donc, pour lArménie. Le texte appelant des éclaircissements, voire des élucidations, nous avons dû faire oeuvre de métaphraste - en espérant ne pas alourdir la lecture.
Texte de Blaise de Vigenère
Reste à cette heure de poursuivre ici tout dun train les alphabets des nations qui ont pris lordre & suite des lettres Grecques ; ensemble leurs appellations : & premièrement des Arméniens, peuple autrefois venu des Araméens, que Pline liv. 6 chap. 17 prend pour les Scythes. Ils ne vivent pas seulement en la grande & petite Arménie, mais par tous les pays en général des Mahométistes, avec de bien grandes immunités et franchises ; car il ne se fait point desclaves deux comme des autres peuples Chrétiens, par un privilège spécial à eux octroyé du législateur Mahomet, pour lavoir quelquefois reçu & traité débonnairement ; & aussi quils étaient Nestoriens comme lui, auquel erreur ils persistèrent jusques au temps du Pape Eugène III environ lan 1150. Ce sont au reste bonnes gens & paisibles, la plupart vignerons & jardiniers, des meilleurs de tout le levant : mais il y en a aussi de marchands fort riches, qui font de grands trafics de côté et dautre, en camelots, mocayars, toiles de coton, draps de soie ; dor & dargent ; & tapis exquis de Perse, Bourse, & du Caire. Ils portent des dolimans ou longues jupes, & des cafetans, robes longues à mettre par-dessus, presque conformes à ceux des Turcs ; le Turban aussi tout de même, mais billebarré de blanc & rouge. Geoffroy de Villehardouin au 8 de son histoire, met que du temps que les Français & Vénitiens ligués ensemble conquirent Constantinople, ils firent tout plein de bons services au Prince Henri, frère du Comte Baudouin de Flandres, élu lors le premier Empereur Français, de la Grèce, pendant quil faisait la guerre aux Grecs de lAnatolie, près la ville de Landrimiti, il y peut avoir quelques 380 ans : Mais comme il fut repassé en Europe, eux qui le suivaient étant demeurés derrière avec leurs ménages en nombre bien de vingt mille âmes, furent acconsuivis des Grecs,
& tous jusquaux femmes & petits enfants taillés en pièce sur la place. De fait ils ont été de tout temps si mortels ennemis des Grecs, quils sallieraient plutôt aux Juifs et Mahométans quavec eux ; tant pour linfamie quils en reçurent autrefois, les ayant rejetés de leur communion comme hérétiques, que pour ce quils conviennent en la plupart de leurs traditions & cérémonies avec lEglise Romaine ; mais ils ressentent encore je ne sais quoi de leur ancien Nestorisme. LArménie au reste a été de fort longue main divisée en deux ; la grande, & petite : Celle-là appelée à cette heure la Turcomanie, dont le Sophy en possède la meilleure part ; car même la ville de Tauris capitale maintenant de tout son empire, y est située, confine devers le Septentrion à la Zorzanie, & la Mengrelie ; au levant, à la mer Hyrcanique, autrement Caspienne, & dAbacuc, & à la Médie ; au midi, elle a la Mésopotamie & Assyrie ; & au Ponant, le fleuve dEuphrate, & la petite Arménie. Au milieu de la grande il y a une montagne fort haute, en tout temps couverte de neige, dont le circuit contient deux bonnes journées de chemin ; au haut de laquelle lon dit que larche de Noé sarrêta après le déluge universel, parquoi on lappelle encore à cette heure Thoura aram Noé, La montagne de Noé en Arménie, qui en Hébreu est dite Aram. La petite Arménie est bornée du mont du Taur, en leur vulgaire Corthestan, de la Galatie, Cappadoce, Paphlagonie, & la mer majeure ; maintenant réduite presque toute sous lobéissance du Turc. Quelques uns la veulent confondre avec la Cilicie, quon appelle Caramanie, & en plusieurs endroits de Chalcondyle, Aladoly ; mus de ce que la ville de Séleucie, maintenant Silephica, qui sans doute soulait être anciennement de Cilicie, est comprise pour le jourdhui dedans la petite Arménie ; laquelle prit ce nom-là environ lan 1230 que deux Princes appelés Rubin & Léon frères de lInfante Arménie, lui donnèrent son nom, layant retirée des mains des Turcs, lesquels sen étaient emparés. Car quand ils sortirent de la Tartarie, les Arméniens furent les premiers assaillis & troussés par eux, si quils perdirent leur Royaume ; néanmoins ils continuèrent toujours du depuis en la foi Chrétienne, où ils se sont si constamment maintenus, que même nommant un Arménien par tous les pays du Turc, on entend soudain par là un Chrétien ; mais quand ils se Mahométisent, ils perdent ce nom dArménien. Quant à leur créance & religion daujourdhui, nonobstant quils diffèrent en certaines choses de lEglise Latine, si sont-ils bien plus éloignés de la Grecque : car pour toujours sen plus diviser, et des Syriens aussi qui sont leurs partialistes & émulateurs, ils mangent de la chair certains Vendredis ; & y boivent du vin, ensemble tels autres enivrants breuvages. Autrefois pendant quils étaient encore gouvernés sous une royauté particulière, leur Melich cest-à-dire Roi, était souverain aussi bien en la spiritualité comme au temporel ; à propos de ce que dit Virgile, Rex Anius, Rex idem hominum, Phaebique sacerdos ; mais maintenant ils ont un Primat quils appellent le Catholique. Leurs prêtres sont mariés ; mais avant que de dire messe, ils sabstiennent trois jours de suite de coucher avec leurs femmes ; les Grecs un seulement ; & ont une large & ample couronne au sommet de la tête ; le surplus de leur chevelure épandue tout à lentour tant quelle peut croître ; & la barbe pareillement, à guise des Nazaréens ; car ils nen rognent jamais rien fors la dessus dite tonsure, que les séculiers portent aussi au même endroit, mais tracée en forme de croix, depuis lan 744 que se trouvant fort molestés de guerre par les Syriens, ils furent admonestés en révélation de saccoutrer de cette sorte, dont tout incontinent après ils vainquirent leurs ennemis. Les prêtres sont fort vénérables & réformés autant que nuls autres : & encore que leur service approche plus des cérémonies Latines que non pas des Grecques, même quant à la façon de leurs calices & platines, néanmoins ils le célèbrent en leur vulgaire, & lassistance y répond de même : & quand on chante lEvangile ils se lèvent tous, & sentrebaisent à la joue en signe de réconciliation, paix & amour fraternelle. Leur Eucharistie est azyme comme la nôtre, cest-à-dire de pâte sans point de levain, en forme dune hostie ronde ; laquelle étant consacrée ils mettent sur la platine, & ainsi la lèvent & montrent au peuple ; Puis le calice conséquemment, qui est ou de cristallin, ou de bois ; & najoutent point deau dans le vin. Ils font confirmer les jeunes enfants par un simple Prêtre : Ne reçoivent point les ordres de Diacre ni de sous-diacre, ains de Prêtrise tant seulement. Ne fêtent pas la nativité de notre Seigneur ainsi que nous, ains jeûnent austèrement ce jour-là ; & en récompense solemnisent dune bien grande dévotion le jour de lEpiphanie, quils prennent pour sa naissance spirituelle ; estimant quen ce propre jour il fut baptisé par S. Jean au fleuve Jourdain. Ils font leurs prières & oraisons presquà la mode des Turcs ou Arabes, bas accroupis sur les talons, & baisent la terre par trois fois ; là où les Turcs deux seulement ; les Grecs prient tout debout. De tous les saints ils ont en plus grand révérence lApôtre S. Jacques le Majeur, quils tiennent pour leur protecteur & patron ; duquel ils ont une fort belle Eglise en Jérusalem, bâtie près du lieu où il fut décollé ; & dautres encore, où ils sassemblent en grand nombre. Quant au carême, ils le font en même temps que nous, mais bien plus austèrement sans comparaison, car ils ny boivent point de vin, & ne mangent chose quelconque qui ait eu vie, non pas même du beurre & de lhuile, ni autre maintenement & liqueur savoureuse, ains vivent seulement dherbes, & quelques maigres potages de légumes assaisonnés seulement dun peu de sel ; dolives sèches non confites, & semblables choses de peu de goût, & moins dappétit. Ils ont finablement leurs cimetières à part, ainsi que toutes les autres sectes & religions. Leur commun parler & vulgaire est le Turquesque ; & leur écriture, lArabique, parce quils conversent & trafiquent parmi eux ; mais en leur service divin ; & en leur devis & négoces privés, ils usent de leur langue particulière, & de leurs caractères ; dont il sen trouve de deux sortes, lune plus ancienne que lautre, comme le marque Josaphat Barbaro en son voyage de la Perse, chap. 17 : Le château (dit-il) de Curcho, au frontispice de la grand porte a certaines inscriptions gravées en marbre, qui montrent être de lettres bien formées, Arméniennes comme on tenait là, mais dautre façon que celles dont usent les Arméniens dà présent, attendu que ceux qui étaient en ma compagnie ne les purent lire. En voici deux alphabets aucunement différents lun de lautre, mais non pas tant que semble inférer la relation dessus dite.[Lisez les gloses d'Amédée Schwa sur ce texte dans lovendrin n°13.]
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