• Berain (Jean): les Menus Plaisirs du roi

    Aux Archives nationales

    Berain, l’artisan des Menus Plaisirs

    Présent du 26 février 2011

    Jean Berain (1640-1711), pour le tricentenaire de sa mort, a été inscrit au programme des Célébrations nationales. Serge Klarsfeld n’y ayant rien trouvé à redire, l’exposition consacrée aux Menus Plaisirs, dans laquelle Berain tient une grande place, se déroule comme prévu. Ouf !

    Berain est issu d’une famille d’arquebusiers lorrains. Dès 1659, il publie un recueil d’ornements à l’usage des armuriers et en 1662 il grave un album de dessins à destination des serruriers. Rapidement il entre au service du roi comme graveur. Dessinateur tout terrain, toute technique, il devient décorateur de l’Opéra (1680).

    Ornemaniste hors pair, d’abord marqué par la patte de Le Brun, il allège son style : il aère le motif, manie la courbe, transforme les grotesques en arabesques, y introduit singes et magots. Formules que Claude Audran et Watteau développeront. La faïencerie, le mobilier, la tapisserie s’approprient le style « à la Berain ».

    Sa fécondité allait être bien employée par les Menus Plaisirs, qui avaient en charge les fêtes et spectacles donnés à la cour, mais aussi les cérémonies politiques et religieuses qu’étaient les entrées et les obsèques.

    Rien de plus éphémère que décors, costumes, machineries. Cependant certaines pièces étaient conservées pour resservir, ce qui entraîna la création de la fonction de « garde général des magasins » au XVIIIe. L’un d’eux, Antoine Levesque, entreprit de former un recueil de dessins et d’estampes conservés dans les archives (1752). Ces documents sont mis en ligne depuis peu (1).

    Dans le domaine du spectacle, les Italiens avaient montré la voie. Torelli, Vigarani, avaient été « ingénieurs de Sa Majesté », c’est-à-dire en charge des effets spéciaux, nombreux, exigés par le public : le fameux deux ex machina littéraire, ce sont concrètement des dieux dans les nuées qui descendent des cintres, tandis que d’autres personnages passent à la trappe, etc. Les Italiens s’étaient fait une spécialité des Enfers. Torelli, lors de la représentation du Ballet de Psyché (Lully et Bensérade), recréa sur scène l’antre de Pluton, rôle tenu par le jeune Louis XIV lui-même (1656).

    Les Français étaient plutôt réputés pour leur art de costumiers. Mais Berain était polyvalent, capable de concevoir tout un spectacle, de l’idée d’ensemble aux accessoires, de l’idée jetée sur le papier au projet abouti, aquarellé.

    A l’aise pour camper n’importe quel décor, il sait varier les perspectives. Aussi bien dessine-t-il les costumes des Vents qui accompagnent Borée (Le triomphe de l’Amour donné à l’occasion du mariage du Grand Dauphin, 1681) et les accessoires pour Bellérophon (1679) : un vase, un flambeau.

    Berain reprend à son compte les machineries italiennes qu’il a observées. Des schémas de sa main, annotés souvent d’explications (« trappe pour abîmer la figure », pour faire disparaître le personnage), révèlent le fonctionnement et le trucage. Le char céleste dans lequel se déplace le dieu peut être traîné par des chevaux articulés (Aricie, 1697). Une nuée portée par quatre vents enlève l’héroïne (Polyxène et Pyrrhus, 1706). Une structure d’osier montée sur un char, dans laquelle un homme est dissimulé, fait une Chimère à la gueule articulée. Un dragon actionné à l’aide de câbles déploie ses ailes.

    L’intrigue parfois mince d’un livret, comme celle de Proserpine (Lully, Quinault, Berain, 1680), doit s’imaginer mise en scène avec un déploiement de machineries, par moments totalement gratuit, servant à démontrer le savoir-faire des machinistes. « Tout laisse à penser que le choix même de l’enlèvement de Proserpine fut sans doute lié à son potentiel spectaculaire », lit-on dans une présentation de cet opéra.

    Il est aussi précieux de garder une trace des décors des fêtes équestres, des entrées, des divertissements parisiens ou versaillais, souvent pyrotechniques. Certains aménagements provisoires de la Grande Ecurie (1745), de l’Orangerie (1781), montrent l’épanouissement raffiné de la manière rococo des frères Slodtz.

    Lors des pompes funèbres, on élevait dans Notre-Dame ou à Saint-Denis des mausolées complexes, à partir d’un programme iconographique, dont le Père Ménestrier, jésuite, se fit une spécialité. Jean Marot dessine celui d’Henriette de France pour le 20 novembre 1669, l’oraison avait été prononcée par Bossuet quatre jours auparavant, à Sainte-Marie de Chaillot ; Henri Gissey, celui du duc de Beaufort (1670) ; Jean Berain, ceux du vicomte de Turenne (1675), du Grand Condé : le 10 mars 1687 à Notre-Dame, Bossuet prononça son oraison funèbre devant ce mausolée. Il y fait allusion : « il (Louis XIV) veut que ma faible voix anime toutes ces tristes représentations et tout cet appareil funèbre ».

    Samuel

    (1) http://www.culture.gouv.fr/documentation/archim/menus-plaisirs.html

    Dans l’atelier des Menus Plaisirs du roi :

    Spectacles, fêtes et cérémonies aux XVIIe et XVIIIe siècles.

    Jusqu’au 24 avril 2011, Archives nationales, hôtel de Soubise.

    illustration : Jean Berain, projet pour la gloire de Vénus (ouverture de Psyché). DR.


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    1
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