• Daumier (Honoré)

    A la Bibliothèque nationale<o:p></o:p>

    Daumier le génie d’un siècle<o:p></o:p>

    Présent du 19 avril 08<o:p></o:p>

    Honoré-Victorin Daumier (1808 – 1879) est l’homme de la lithographie, technique basée sur la répulsion de l’encre et de l’eau, mise au point en 1798 et rapidement répandue dans toute l’Europe. La lithographie va façonner le style de Daumier – on serait bien en peine d’imaginer son œuvre sous une autre forme – comme lui va donner la pleine mesure à cette technique, exploitant toutes ses possibilités. <o:p></o:p>

    Tirée sur du beau papier, une estampe de Daumier offre des nuances infinies, des noirs profonds, des gris variés, de purs blancs. Grâce à l’obligation de dépôt légal on possède quatre mille estampes de Daumier en tirage de valeur. Ce n’est pas le cas des exemplaires arrachés à des journaux, évidemment de qualité inférieure, les pires étant les tirages réalisés par gillotage à partir de 1870, procédé qui facilitait la composition puisqu’il permettait d’inclure l’image au texte chez l’imprimeur, mais un désastre du point de vue artistique car l’estampe offre alors un grisé uniforme et malpropre.<o:p></o:p>

    Les lithos gagnent à être vues avant la lettre, c’est-à-dire avant l’ajout de la légende, la plupart du temps bavarde, accaparant l’attention au détriment de l’image. Faiblesse d’autant plus sensible quand les légendes de Goya vous trottent encore dans la tête (Présent du 12 avril), mais qui n’est pas imputable à Daumier. Celui-ci envoyait une épreuve portant une mention laconique, reconvertie ensuite en légende prolixe par un journaliste de service qui, payé à la ligne, avait tout intérêt à dissimuler son manque d’esprit sous un fatras de points d’exclamation et de suspension. Parfois – témoins, de précieuses épreuves passées entre diverses mains d’une salle de rédaction, annotées – le chargé de légende avouait son incompréhension du dessin et refilait le bébé à un collègue. L’Idée de l’artiste dépassait le simple gag. L’Esprit dépassait la lettre. Indifférence des légendes : certaines estampes existent avec des légendes totalement différentes.<o:p></o:p>

    La Censure (périodes 1835 – 1848 ; 1852 – 1868), à laquelle les planches étaient soumises avant publication, refusait plus souvent la légende que le dessin lui-même ; on la récrivait alors jusqu’à ce qu’elle soit jugée assez inoffensive. Cette censure pouvait être d’ordre commercial (Manière dont on fait à Paris du saucisson de Lyon : en débitant du chien, d’après Daumier).<o:p></o:p>

    La première caricature politique, datée du 22 juillet 1830, s’intitule « Passe ton chemin cochon ». Si N. Sarkozy avait eu des lettres, au Salon de l’Agriculture… En 1831, paraît la litho Gargantua : un Louis-Philippe géant engloutit les biens des Français qu’on hisse à dos d’homme sur une rampe jusqu’à sa bouche. Elle vaudra à l’artiste d’être condamné pour « excitation à la haine et au mépris du gouvernement du roi » à six mois de prison. (Il en fera cinq, à Sainte-Pélagie.) Il suffit de peu pour adapter les dessins de Daumier à notre époque. Le Gargantua ferait une assez belle allégorie du Prélèvement social. Quant aux députés divers qu’il a représentés, ils annoncent ceux que nous connaissons : la vulgarité des uns, la veulerie des autres, nul dépaysement.<o:p></o:p>

    A la Bn Fr. Mitterrand, une exposition annexe présente les « héritiers » de Daumier. Les dessinateurs de presse actuelle se targuent volontiers du patronage de Daumier, dépositaires qu’ils seraient de son courage. Aucun d’eux n’a pourtant tâté de Sainte-Pélagie et, prétendraient-ils que l’expression des idées est libre en France, il serait aisé de leur rétorquer que certaines opinions sont délictuelles et mènent à la case prison (sans toucher 3094,01 euros). Qu’ils s’abstiennent de taquiner le parquet par timidité ou adhésion à la sainte loi de la Halde, ce sont des héritiers au petit pied. <o:p></o:p>

    La censure n’a pas eu que de mauvais aspects : on lui doit les caricatures sociales de Daumier, les séries des mœurs conjugales, des bas-bleus, des artistes, le traitement burlesque de l’Histoire ancienne à la manière du Virgile travesti de Scarron, vieux thèmes auxquels la lithographie donne une nouvelle jeunesse, mais aussi ces produits du temps que sont les bons bourgeois (illustration), les gens de justice, les locataires et les propriétaires – souvenez-vous du terrible Molineux décrit dans César Birotteau, car le rapprochement s’impose : l’image que nous avons du XIXe siècle, nous la devons à une couple de phénomènes, Balzac et Daumier. Ils sont aussi complémentaires que le scanner et la radiographie, l’œil droit et l’œil gauche, et la vision binoculaire, grâce à quoi nous percevons les reliefs, est si parfaite que, malgré la subjectivité de l’un et l’autre, l’objectivité de l’image obtenue ne fait aucun doute.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Daumier,

     jusqu’au 8 juin, BnF Site Richelieu.<o:p></o:p>

    illustration : Recherche infructueuse de la planète Leverrier (1846), BnF, dpt Estampes et photographie<o:p></o:p>


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