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    Au musée du Louvre<o:p></o:p>

    Parcours graphique

    <o:p>Présent du 4 septembre 2010</o:p><o:p></o:p>

    Picorons dans l’histoire de l’art, et particulièrement dans la mangeoire à dessins ! Le Louvre accroche quelques-unes des acquisitions récentes de son département des Arts graphiques qui rassemble dessins, enluminures, miniatures, pastels et cuivres gravés, pour son propre compte et celui du musée d’Orsay.<o:p></o:p>

    Deux miniatures du XVe montrent l’influence de Barthélémy d’Eyck, le peintre du roi René : tirées d’un manuscrit du Code justinien, l’une représente la Sainte Trinité, l’autre l’empereur promulguant son Code.<o:p></o:p>

    C’est un autre empereur, Rodolphe II à cheval, que représente un remarquable dessin (plume et crayon), dépourvu des défauts que traîne d’ordinaire le maniérisme – qui régnait en maître à la cour de Prague en général et dans les sculptures de cet artiste en particulier : Adrien de Vries (1545-1626), sculpteur néerlandais, élève de Jean de Bologne, qui fit carrière auprès de Rodolphe II. A ses côtés travaillaient Spranger, Arcimboldo, Von Aachen ; et, au second rang, un autre sculpteur, Paulus van Vianen (1558-1613), dont on voit des études d’animaux (plume), observés dans la ménagerie impériale.<o:p></o:p>

    Restons avec les Nordiques. Roeland Roghman (1597-1685) était passionné par les châteaux, les fortifications, constructions qui offrent des masses intéressantes. Reportons-nous à Descamps : « Il avait beaucoup d’intelligence, mais ses ouvrages sont crus. (…) Ses dessins sont estimés par les artistes. » Peintures médiocres, dures, dessins dignes d’estime : la Vue du château de Den Ham, près de Vleuten, confirme le talent du dessinateur (illustration). La bâtisse est étudiée de près, les détails n’y manquent pas, mais restent subordonnés à l’ensemble. Un léger fondu estompe ce que la lumière avoir de trop contrasté dans ces jeux de décrochements et donne une atmosphère sereine. Parmi les dessins de Roghman que possède le Louvre, celui-ci comptera comme l’un des plus aboutis.<o:p></o:p>

    D’une vingtaine d’années son cadet, Aelbert Cuyp (1620-1691) est un grand peintre qui mérita le surnom de « Claude hollandais ». On voit au Louvre un Paysage près de Rhenen, plein de charme. Descamps signale que « ses dessins sont fort recherchés », le musée détient une série de bons croquis de vaches et divers paysages. Ce dessin-ci (Lisière d’une forêt) a en comparaison moins d’intérêt. Il correspond, en tout cas, à la technique décrite : « Il les faisait ordinairement à la pierre noire avec un lavis, souvent de plusieurs teintes. »<o:p></o:p>

    Au rayon des pastels, deux Simon Vouet : un portrait de sa fille et celui d’un homme à collerette. Deux pastels de La Tour : une supposée marquise de Pompadour et un des autoportraits, dit « à l’index ». Décidément, la manière de La Tour est déplaisante. Bien au-delà de ce que demande le respect de l’esprit de la technique, il raffine du bâtonnet. Meilleur est le pastel de Mme Vigée-Lebrun, qui représente un petit Polignac, profil dessiné franchement.<o:p></o:p>

    Mentionnons encore le portrait du graveur italien Francesco Bartollozi par John Russel (1745-1806), éminent pastelliste anglais, auteur des Bases de la peinture aux crayons et, moins courant, sélénographe passionné.<o:p></o:p>

    Le stand néoclassique rassemble deux Anglais (Blake, Flaxman), un Suisse adopté par l’Angleterre (Füssli). Tous trois appartiennent à la même génération, en gros 1750-1825. Tous trois sont passionnés par les grands auteurs, réservoirs d’images : Dante surtout, Homère, Shakespeare aussi. Trois thèmes très différents : une scène médiévale (Flaxman), une scène antique (Füssli), une scène moraliste (Blake), mais un trait semblable, froid et élégant. On sent la référence antique – Flaxman et Füssli ont en commun d’avoir séjourné à Rome.<o:p></o:p>

    Malgré cette froideur, ils ont pour eux la tension du trait que n’ont pas les Nazaréens, autres Romains de cœur : les Allemands Overbeck (1789-1869), Vogel von Vogelstein (1788-1868). Un art religieux qu’on regrette d’avoir à qualifier de pré-sulpicien. Chez eux la douceur évangélique se traduit en art douceâtre, c’est un contresens.<o:p></o:p>

    Restons à Rome : David, entre 1775 et 1780, lave quelques vues. Mais qui surpassera, en matière de paysages, les aquarellistes anglais ? Peter de Wint (1749-1849) dépose sur le papier une aquarelle lourde et veloutée (Vue de Darley Dale).<o:p></o:p>

    Acquisition notable, enfin, les lettres d’Etienne Moreau-Nélaton (1859-1927) à son ami Louis de Launay, condisciple à Condorcet (une promotion qui comptait Jaurès, Bergson, Baudrillart…). Les lettres du peintre et historien d’art, agrémentées de croquis, ont leur place dans les archives du Louvre, Moreau-Nélaton ayant légué à sa mort des milliers de dessins au département des Arts graphiques.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    De la Renaissance au romantisme, cinq ans d’acquisitions au département des Arts graphiques.

    Jusqu’au 11 octobre 2010, Musée du Louvre.

    illustration : Roeland Roghman, Vue du château de Den Ham, près de Vleuten © 2009/ musée du Louvre / HarryBréjat<o:p></o:p>


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    Au musée du Quai Branly<o:p></o:p>

    Fleuve Congo

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    Présent du 28 août 2010

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    Le fleuve Congo ! Sur ses bords et dans ses plaines se sont installées des ethnies de langue bantoue qui composent une entité culturelle homogène. Si les deux pays Congo sont concernés, la région les dépasse, allant du Gabon au lac Tanganyika, frôlant l’Angola. Second fleuve du monde par son débit, second d’Afrique par sa longueur, le Congo a vu se développer un art à placer parmi les premiers d’Afrique. Trois étapes dans cette croisière du Quai Branly : les masques, les gardiens de reliquaires, les femmes.

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    Les masques sont utilisés lors des danses rituelles. Ils peuvent être l’évocation d’un ancêtre, ils sont alors portraits ; ou d’un esprit de la nature, alors animaliers.<o:p></o:p>

    Les visages en forme de cœur constituent un des aspects les plus identifiables de l’art de la région. Les arcades sourcilières dessinent l’inflexion haute, tandis que le menton représente la pointe. Le cœur facial ainsi délimité est concave, une concavité plus ou moins marquée, plus ou moins radicale : l’arrête du nez peut suivre une courbe identique ou contraire. Les paupières, souvent en relief, délimitent des yeux qui ne sont guère plus que des fentes.

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    Au-delà de ces caractères généraux, les particularités ne manquent pas. Le menton, toujours présent, est plus ou moins saillant, plus ou moins pointu. Dans le modelé même, on relève çà et là des subtilités, des changements de plan qui donnent à certains masques plus de valeur qu’à d’autres.

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    Mon préféré est un masque Fang, janiforme. La manière dont le nez s’insère dans la forme concave, en la contrariant tant au niveau de l’arête que des ailes, est notable. Elle prouve un sens aigu de la forme et lui donne un caractère particulier.

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    Les statues d’ancêtres, gardiens de reliquaires, étaient fixées au sommet d’une corbeille ou d’une boîte contenant des restes. D’autres étaient elles-mêmes reliquaires, suivant un principe deux-en-un, fusionnel, que connaîtront les chefs reliquaires romans.<o:p></o:p>

    Les gardiens de l’ethnie Kota sont géométriques : le visage concave et ovale est fiché sur un socle carré posé sur une pointe. Ils ne relèvent pas à proprement parler de la sculpture : nulle expression formelle ici, contrairement aux autres gardiens qui sont personnages en pied, ou têtes seules, qui sont hommes ou femmes. La tête, finement travaillée, est emmanchée sur un cou épais, lui-même raidi sur un tronc qui se dresse sur de courtes jambes, en zigzag comme si la personne était accroupie (mais sans rapport de proportions). Elles donnent l’assise à la figure, forment un socle dynamique.<o:p></o:p>

    Certaines sont magnifiques, comme cette statue féminine en bois plus que noir, sans bras : une Vénus Fang qui ne le cède presque en rien, question art, à celle de Milo.<o:p></o:p>

    Aux personnes rétives à l’art nègre, je conseillerais de chercher sa beauté là où elle réside : s’agissant de sculpture, dans les volumes. On voit aisément la sphère, le cylindre, le tronc de cône, le concave ou le convexe. Cependant les volumes ne sont pas réductibles à ces figures dont la beauté ne serait jamais que d’ordre géométrique. Comme nous sommes loin du cubisme ! A y regarder de plus près, ces plans qui paraissaient morts, géométriques, deviennent insensiblement des plans artistiques, vivants. A l’instant où le relief devient modelé, naît la sculpture. <o:p></o:p>

    Rondes bosses, les sculptures africaines se présentent moins naturellement de trois quart que successivement de face, de profil, de dos. L’impression, sous ces différents angles, peut être différente, elle demeure la déclinaison d’une idée unique.

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    Ceux qui louent – ou ceux que rebutent – ce qu’ils nommeraient « déformation », ne doivent pas oublier que bien souvent les sculpteurs ont retenu des volumes essentiels de visages existant, typés. Telle « audace » formelle peut n’être que l’aboutissement d’une observation réfléchie de la nature. Ainsi on surprend occasionnellement, dans les transports en commun parisiens, un masque – en chair et en os.<o:p></o:p>

    Que les sociétés soient patri- ou matrilinéaires, la femme a sa place dans l’art : l’y invitent son statut social, sa beauté, son mystère qui l’associe aux esprits.<o:p></o:p>

    Les visages Punu, tout en finesse, reprennent les caractéristiques des visages cœurs. Les statuettes Kongo sont en général des mères à l’enfant, parfois allaitant. Les femmes figurent en caryatide sur des tabourets, des appuie-tête, mais aussi sur tel porte-flèches, sur tel sceptre, ou sur la massive et célèbre pipe Luba. Coiffures et scarifications forment sa parure, tandis qu’est exaltée sa beauté maternelle et nourricière, dans ses repères verticaux (poitrine, ombilic, sexe).<o:p></o:p>

    Les cartels pèchent par omission (on aurait aimé plus de précisions, type du bois, datation estimée, provenance…), c’est le seul reproche qu’on puisse faire à cette grande exposition « congolaise ».<o:p></o:p>

    Samuel

    (texte et croquis)<o:p></o:p>

    Fleuve Congo. Arts d’Afrique centrale.

    Jusqu’au 3 octobre 2010, Musée du quai Branly.

    voir également:

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  • Au musée du Louvre<o:p></o:p>

    Parcours grec<o:p></o:p>

    Présent du 21 août 2010<o:p></o:p>

    Les salles d’art grec classique et hellénistique du Louvre ont rouvert. Elles couvrent la période 450-30 av. J.-C., et la Grèce à entendre dans son ère géographique la plus large (salles 7 à 12). <o:p></o:p>

    Concernant l’Athènes classique, les collections sont fournies en stèles funéraires. Réunions familiales où l’on serre la main au défunt, avec retenue. La sculpture est parfois routinière mais certaines stèles s’élèvent au-dessus la moyenne, comme celle qui représente une mère avec ses deux jumeaux nouveau-nés et une servante.<o:p></o:p>

    La « Grande Grèce » englobe les villes côtières fondées dès à partir de -750 en Italie du Sud et en Sicile (Naples, Tarente, Syracuse), ports florissants dont Athènes, puis Carthage, puis Rome essayeront de prendre le contrôle. L’arrière-pays présente des œuvres où l’art indigène se mêle à l’art grec. Les « pleureuses » de Canosa sont célèbres, à juste titre (terre cuite peinte).<o:p></o:p>

    Philippe II de Macédoine unifie le monde grec, puis son fils s’élance et conquiert le monde antique jusqu’en Inde. La succession d’Alexandre déchire son empire et donne naissance à des dynasties qui vont chacune gérer le patrimoine grec à sa façon : c’est l’hellénisme. <o:p></o:p>

    La Macédoine voit régner les Antigonides, qui développent un art luxueux et raffiné. L’Asie est un territoire tenu d’abord par les Séleucides (capitale : Antioche), avant de se morceler : les Attalides règnent sur Pergame, centre artistique majeur, tandis que des cités comme Smyrne, Ephèse, Milet, prennent une importance croissante. (On reconnaît là trois des sept « Eglises d’Asie » citées dans l’Apocalypse ; et trois villes mentionnées dans les Actes des Apôtres.) L’Egypte voit régner les Lagides, qui contrôlent aussi la Lybie, le Sud de la Turquie, Chypre. Alexandrie a un rayonnement culturel immense.<o:p></o:p>

    Les Romains rafleront la mise : Syracuse en -211, la Macédoine en -168, l’Egypte en -31, tandis que l’Asie, moins accessible, n’est soumise qu’à la marge. (Le Nord de l’Inde verra l’hellénisme donner son fruit le plus tardif dans les premiers siècles de notre ère, le fameux art gréco-bouddhique du Gandhara.) <o:p></o:p>

    Mise commerciale et politique, artistique aussi. L’Italie devient un atelier où, à partir de moulages et de répliques, on duplique les modèles grecs. C’est heureux, sans ces fac-similés romains, notre connaissance de l’art grec serait plus qu’imparfaite ! La « Suppliante Barberini » est une réplique d’une sculpture de l’Acropole (illustration). Cette contribution est l’objet des salles 13 et 17. Les salles 14 à 16 sont thématiques : le drapé, le nu masculin, Praxitèle, Lysippe…<o:p></o:p>

    Le drapé en dit long sur le sculpteur. Il peut être traité en verticales plastiques (« Minerve Ingres », Ier siècle ap. J.-C.). En bouillonnant (Aphrodite « Doria-Pamphili, Ve siècle av. J.-C.). Certains artistes se complaisent à le faire moulant, technique virtuose, suggestive, mais plus picturale que sculpturale (« Vénus genitrix », Ier siècle ap. J.-C.).<o:p></o:p>

    Avant Praxitèle, le nu féminin était partiel. Il osa dénuder Aphrodite, sculpture qu’accepta la cité de Cnide. Les pèlerins furent nombreux à s’y rendre, pour admirer cette nouveauté. « Mais Praxitèle, où m’a-t-il vue ? », fera-t-on s’étonner la déeese. C’est lui encore qui, appliquant son modelé velouté aux hommes, fera des dieux non des athlètes mais des jeunes hommes amollis. <o:p></o:p>

    Son contemporain Lysippe pratique un art plus mâle. De ce portraitiste officiel d’Alexandre, le Louvre possède un portrait de l’empereur en marbre, réalisé d’après un original en bronze. Il est l’auteur, aussi, du très connu buste posthume de Socrate.<o:p></o:p>

    La salle 16 est dédiée à la Vénus de Milo. Un vaste espace l’entoure, nécessaire à la présence qui émane d’elle et, plus prosaïquement, à la foule : la Vénus de Milo vient, en termes de visites, au second rang après la Joconde. Autant dire que ça crépite autour d’elle, ça piaille et ça gigote. Il faut s’y résigner et admirer d’un peu loin ce beau morceau de sculpture auquel l’absence de bras ne nuit pas d’un point de vue formel. Elle laisse planer le doute sur l’identification (Aphrodite ? Amphitrite ?) et sur son occupation. Des projets de restitution, au XIXe et au XXe siècle, ont été proposés : en compagnie de Mars, avec un miroir, avec une colonne, avec un bouclier… Fort heureusement, l’indécision est telle qu’on s’est abstenu de toute « restauration », excepté le nez, le pied gauche, le gros orteil droit. <o:p></o:p>

    Datée des années 120 av. J.-C., la Vénus de Milo marque un retour néo-classique, en lien avec certains bronzes de Lysippe. Le mouvement du corps est hélicoïdal, elle paraît s’élever, se déplier comme le pétale d’un iris. Vous ne croiserez pas son regard lointain.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Les nouvelles salles d’art grec classique et hellénistique.

    Musée du Louvre, aile Sully.<o:p></o:p>

    illustration : Femme assise dite « Suppliante Barberini » © 2006 Musée du Louvre / Daniel Lebée et Carine Deambrosis

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    Au musée du Louvre<o:p></o:p>

    Watteau gravé<o:p></o:p>

    Présent du 14 août 2010<o:p></o:p>

    Watteau mort à 37 ans en 1721, un de ses amis, Jean de Jullienne, entreprit en 1723 de faire graver dessins et tableaux. Jullienne était négociant en teintures, il vivait et travaillait aux Gobelins, connaissant les métiers d’art il organisa cette entreprise d’envergure avec méthode et sans lésiner : près de 35 graveurs participèrent à ce travail considérable qui nécessita douze années de travail. Six cents planches, imprimées sur les plus beaux papiers d’Auvergne, donnèrent quatre tomes connus sous le nom de « Recueil Jullienne ». Ce recueil constitue un épisode unique dans l’histoire du mécénat posthume et amical.<o:p></o:p>

    Il fut tiré à cent exemplaires, mais les estampes pouvaient être achetées à l’unité, au fur et à mesure de leur achèvement. Leur publication était annoncée par le Mercure de France, dirigé par un autre ami de Watteau : Antoine de La Roque. L’exemplaire du Louvre, ainsi que la plupart des gravures en feuilles libres, proviennent de la collection Rothschild.<o:p></o:p>

    Les tomes III et IV reproduisent l’œuvre peint. Graver des tableaux était une pratique banale et l’on n’avait pas attendu la mort de Watteau pour s’y lancer. Sous le titre général de Figures de différents Caractères, les volumes I et II concernent l’intégralité des dessins : la démarche de Jullienne était en cela originale, à la hauteur de son admiration. Elle montre la qualité de son goût et son indifférence à l’égard de la hiérarchie des genres.<o:p></o:p>

    Le volume III est ouvert sur la gravure de L’Enseigne, célèbre tableau hélas très tôt coupé en deux, gravé ici par Pierre Aveline, morceau de bravoure où on mesurera son habileté à mettre en évidence les figures sur un fond de mille et un gris. Le volume I est ouvert à la page du Rémouleur, gravé par le comte de Caylus. Le dessin original est présenté, ainsi que d’autres, à comparer avec leur transcription en gravure.<o:p></o:p>

    Quelques graveurs sont médiocres, comme Michel-Guillaume Aubert (L’indiscret), ou Louis Sururgue dont Les Amusements de Cythère révèlent le métier mou, l’interprétation mécanique. Ils sont l’exception : sinon le Recueil Jullienne ne serait pas ce qu’il est. Laurent Cars donne une magnifique version des Fêtes vénitiennes, Louis Crépy de la Perspective. Jacques-Philippe Le Bas grave une Assemblée galante et une Ile enchantée pleines de poésie. Je n’aurais garde d’oublier Louis Desplaces, avec deux singeries : La peinture et La sculpture, ni Bernard Baron (Les deux cousines, d’après une huile exposée. L’énigmatique silhouette de dos se dresse comme une version féminine du Commandeur, muette et rigoureuse jusque dans les plis de sa robe). <o:p></o:p>

    A ces gens de talent, s’ajoute François Boucher. L’exposition Watteau est – d’une pierre deux coups – tout autant une exposition Boucher. Né en 1703, Boucher n’a que vingt ans lorsque Jullienne le recrute dans l’équipe de graveurs. Elève de François Lemoine, élève de Cars (le père du Laurent Cars susnommé), Boucher est chargé pour l’essentiel de graver les dessins, mais aussi quelques tableaux. C’est avec aisance et rapidité qu’il s’acquitte de la tâche, et avec un art étonnant. Techniquement, graver des tableaux requérait l’eau-forte et le burin, ce qui limitait cette partie aux graveurs de métier confirmé ; graver les dessins requérait juste l’eau-forte, à la portée des amateurs. Cependant la contrepartie de la facilité technique était la difficulté de l’interprétation d’un dessin. Boucher grava les dessins avec une compréhension du trait de Watteau qui resta inégalée. Et du coup, après Lemoine, Watteau se trouva être le second maître de Boucher (par le même chemin que Velasquez le fut de Goya).<o:p></o:p>

    Sous sa main, les gravures de tableaux offrent de franches oppositions de noirs et de blancs, une gamme étendue de gris (illustration). Les gravures d’après dessin en imposent par un trait vivant, quel que soit le sujet : persan, savoyard avec marmotte et hautbois, femme en pied ou en buste, ou à balançoire, galant de village ou gandin de la ville, paysage (Passage d’une passerelle par des bestiaux). Quatre chinoiseries restituent le décor du château de La Muette, disparu. Le dénicheur de moineau est une autre composition décorative dont le vocabulaire détermine déjà l’élégance naissante du siècle.<o:p></o:p>

    Comme s’égrène la mandoline dans le largo d’un concerto de Vivaldi, il sonne dans l’œuvre de Watteau la grêle mélancolie d’un être qui, sauvage dans la vie, n’avait guère que l’art pour s’exprimer ; le sentiment de solitude – une solitude que, n’arrivant pas à en venir à bout, il augmentait par son comportement – lui fit créer ces rêves de compagnies enchantées. Il fallait les graveurs les mieux doués pour restituer ce désir décanté qui point légèrement. <o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Antoine Watteau et l’art de l’estampe.

    Jusqu’au 11 octobre 2010, Musée du Louvre.

    illustration : François Boucher d’après Watteau, La Troupe italienne © 2009 Musée du Louvre / Angèle Dequier<o:p></o:p>


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    Au musée du Louvre<o:p></o:p>

    L’Arabie

    d’âge en âge<o:p></o:p>

    Présent du 7 août 2010<o:p></o:p>

    « Mobilité et immobilité des Arabes » : les pages que Benoist-Méchin a écrites en guise de prologue à la biographie d’Ibn-Séoud, constituent, à grands traits, un aperçu de l’histoire de la péninsule arabique. Histoire d’une continuelle migration sud-nord. De la riche extrémité sud, le Yémen, terre d’agriculture surpeuplée, partent des vagues poussées toujours plus haut, qui se nomadisent à travers l’immense désert avant de se sédentariser à nouveau en touchant le nord plusieurs siècles après.<o:p></o:p>

    L’Arabie, restée longtemps mystérieuse du fait des difficultés pour pénétrer le désert puis de l’interdiction faite à l’Infidèle d’accéder aux lieux saints, a véhiculé des mythes : le Yémen n’était connu des Romains que par ouï-dire, l’imaginant paradisiaque ils le nommèrent « Arabie heureuse ». <o:p></o:p>

    Avant l’islam<o:p></o:p>

    L’occupation humaine préhistorique s’intensifie à partir du VIIe millénaire. Le néolithique se signale par des stèles anthropomorphes. Parfois la tête n’est pas séparée du bloc, parfois elle trouve son assiette sur les épaules auxquelles la rattache un cou épais. Les bras sont sommairement indiqués, avec raideur, terminés par des doigts en peigne. Rudimentaires, elles tendent pourtant à l’individuation. L’homme est équipé d’une dague, d’une ceinture. On date ces stèles du IVe millénaire, elles sont fort proches des stèles toscanes du musée de Pontremoli (IIIe millénaire). Emouvant témoignage de l’activité artistique de l’homme.<o:p></o:p>

    Très tôt intégrée aux liaisons commerciales entre les grands empires de sa périphérie, l’Arabie développe pendant le premier millénaire avant Jésus Christ des royaumes passagers enrichis par l’encens, mais aussi par les cultures : certaines oasis prospères furent d’inépuisables greniers. Les rois de Lihyân ont laissé de colossales statues qui montrent des influences des arts égyptiens et hellénistiques (VIe-Ier). Certains torses sont modelés savamment. Les sites de Pétra (Jordanie), de Dédân et de Hégra, sont célèbres pour leurs tombes creusées dans la montagne où c’est toute une façade qui est sculptée avec un vocabulaire hellénistique de frontons, colonnes et entablements.<o:p></o:p>

    L’image humaine n’est pas aussi répandue que l’épigraphie. Les inscriptions, en saba’ique, en ma’înique, en lihyânite… présentent des caractères qui sentent encore leur phénicien, ainsi que d’autres plus curieux. La nécropole de Qaryat al-Fâw, ville caravanière sur la piste menant du sud au Golfe persique, a livré de belles inscriptions en sud-arabique (illustration). A Hégra, une seule inscription latine témoigne que la cité appartint à l’Empire (sous Marc-Aurèle).<o:p></o:p>

    L’Arabie islamique<o:p></o:p>

    C’est riche d’une histoire déjà longue que l’Arabie fut le berceau de l’islam – quel beau bébé. Mahomet, en cumulant les trois rôles de poète, de prophète et de guerrier, fut pour ses contemporains l’Arabe idéal. Il unifia les tribus de la péninsule. Les routes des caravanes devinrent les routes des pèlerins. La Ka’ba, édifice pré-islamique autour duquel, selon un rituel préhistorique répandu, on pratiquait la circumambulation, fut nettoyée, vidée des idoles que le syncrétisme y avait apportées. Rendue à sa nudité intérieure, la Ka’ba devenait une réduction du désert et de son dieu aride. <o:p></o:p>

    Les califes souverains des deux lieux saints, La Mecque et Médine, mirent un point d’honneur à habiller la Ka’ba avec magnificence, la dotant de tentures ou de portes, comme ces portes monumentales fabriquées en Turquie au XVIIe au nom du sultan Murad IV (placage de feuilles d’argent, martelées, gravées et dorées sur âme de bois), après que des inondations eurent abîmé le monument.<o:p></o:p>

    Pour un musulman, être enterré à La Mecque est bien sûr un souhait profond. Malgré la prescription coranique que rien, de la tombe, ne soit au-dessus du sol, les stèles fleurirent. L’important choix de stèles des IX-XVIe siècles du cimetière de al-Ma’ha permet d’apprécier encore l’épigraphie. La surface de la stèle était rarement aplanie, elle garde ses courbures, ses irrégularités. La calligraphie est variée : elle est tantôt souple, tantôt angulaire ; l’inscription est plus ou moins aérée ; le cadre décoratif est discret ou envahissant. Les inscriptions peuvent être assez longues, composées d’une invocation, du nom, de l’ascendance, du métier ; à partir du XIIe siècle, la poésie y trouve sa place.<o:p></o:p>

    La naissance de l’Arabie moderne est évoquée. L’Arabie s’affirme par à-coups, en luttant contre la domination ottomane affaiblie par la montée en puissance des Européens. D’Abdulaziz (1880-1953), on voit l’épée, le fourreau ; son manteau. Lire Benoist-Méchin pour en savoir plus sur ce grand roi.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Routes d’Arabie. Archéologie et histoire du Royaume d’Arabie saoudite.

    Jusqu’au 27 septembre 2010, Musée du Louvre. <o:p></o:p>

    illustration : Inscription de la tombe de 'ljl bin Haf'am, musée national de Riyad, inv. 887 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities<o:p></o:p>


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