• Henry Bordeaux

    Né en 1870, c’est en 1947, à l’âge de 77 ans qu’Henry Bordeaux commença la rédaction de l’Histoire d’une Vie - la sienne - qui devait comporter treize volumes et couvrir les années 1890-1960 - près de trois quarts de siècle !

    Le premier volume avait pour sous-titre Paris aller et retour, mais n’en parlons pas : il nous ramènerait plus d’un siècle en arrière. Ou plutôt, commençons par la fin.

    La dernière ascension fin février 1947 - 29 mars 1963 fut publié après la mort de l’auteur, en 1973, par les soins de sa fille Paule. C’est une époque charnière qui s’étend des derniers soubresauts de la libération aux ultimes conséquences de la guerre d’Algérie.

    Sur toute la première partie du livre planent la désolation et l’abomination de l’épuration. Pour n’en donner qu’un exemple, je citerai ce commentaire du discours de Strasbourg de De Gaulle en avril 1948 : « Discours du général De Gaulle à Strasbourg. Il y a plus d’un an que j’ai annoncé son retour parce qu’aucun homme n’apparaît en France depuis la fameuse délivrance et qu’il se trouve bénéficier de cette déficience. Or, c’est lui qui nous a conduits au bord de l’abîme où nous sommes. Il a coupé la France en deux quand il était si facile de la prendre tout entière dans sa joie d’être délivrée du joug allemand. Il a réhabilité Thorez et depuis Alger il a été en partie prisonnier des communistes. Il est allé à Moscou quand il ne fallait pas y aller et il a refusé d’aller voir Roosevelt mourant à Alger, quand il était généreux et habile de s’y rendre. Il a laissé commettre les aberrations de la répression, l’abominable procès du maréchal Pétain, les poursuites contre le général Weygand, etc. Il a fait voter oui au premier référendum, ce qui était la consécration d’une Chambre unique. Son discours n’est qu’un tas de lieux communs politiques qui lui ont été soufflés parce qu’ils sont devenus une impérieuse critique du temps présent. Voici l’homme qu’on oppose au communisme et que nous sommes contraints d’aider à cause de cela! »

    Au cours de cette période, nombre de ses amis ont été recherchés ou sont emprisonnés. Lui-même figure sur la fameuse liste noire dressée par le Comité National des écrivains.

    Mais il se préoccupe aussi de l’évolution de l’art du roman qui dérive, écrit-il, vers « l’autobiographie arrangée... L’invention, ajoute-t-il, est la première de toutes les forces de l’esprit. Notre démocratie, avide de nivellement, d’égalité et de bureaucratie est en train de tuer l’invention. Elle ne se doute même pas que ce long assassinat est la cause ou tout au moins l’une des causes de notre gêne, de notre malaise, de notre paralysie politique, intellectuelle et même commerçante. »

    Il lit ce livre désolé, L’Enfant tué, de René Benjamin ; La fin du régime de Vichy de Walter Stucki ; et, en 1948, J’ai choisi la liberté de Kravchencko ; mais aussi « un livre remarquable » la Lettre à François Mauriac de Maurice Bardèche. « En somme, ajoute-t-il, dès mon retour à Paris à la fin de l’année 1944 j’avais dit à mon entourage : on entend vivre sur trois impostures : celle du refus de l’armistice, celle de l’illégalité du gouvernement Pétain, celle de la valeur du maquis. »

    L’ambivalence ou, plutôt, la terrible ambiguïté de François Mauriac est mise en évidence. « Je crois voir apparaître sur cette figure qui n’est pas secrète, la soudaine nuit qui est dans le cœur. Il est ainsi des circonstances où le visage se dévoile. J’avais beaucoup d’amitié pour lui et je n’arrive pas à le comprendre. à l’Académie, je ne l’ai jamais vu que dans un rôle de dénonciateur : Maurras, Pétain, Bellessort, Jean-Louis Vaudoyer. Et il écrit dans le Figaro des articles où il déplore l’injustice des temps, celle des cours de justice dont il aurait dû s’apercevoir depuis deux ans et demi qu’elle dure. Il prend un grand ton d’équité et de charité auquel il n’a pas droit. Et par surcroît il le prend sur une équivoque, parlant avec pitié et pardon de ceux qui se sont égarés à Vichy : car l’armistice a sauvé le pays qui eût été traité comme la Pologne ; il a empêché que le nombre des prisonniers passât de deux à quatre millions, que toute la jeunesse de France fût captive en Allemagne, et il a sauvé l’Afrique du Nord qui a permis le débarquement américain. Car le gouvernement de Vichy était le seul légal. Quant aux erreurs de Vichy, c’est une autre question. Mais considérer l’armistice et la légitimité du gouvernement comme des crimes, c’est une imposture. »

    Henry Bordeaux participe activement à la fondation du Comité pour la libération du Maréchal Pétain - qui va entrer dans sa quatre-vingt-treizième année - aussitôt interdit et dissous par le Préfet de Police de Paris sur ordre du ministre de l’Intérieur. C’est alors - nous sommes en mai 1948 - qu’un référendum organisé par l’Aurore parmi ses lecteurs donne les résultats suivants : sur 52 687 votants, 45 043 se prononcent pour la libération pure et simple, 3 096 demandant, outre sa libération, la réhabilitation de l’ancien chef de l’état.

    « Du 16 septembre [1947] au 21. - En Chablais, chez ma sœur Marthe : heureux retour dans mon pays natal, à Thonon, à Trossy. Allé avec elle à la Chapelle d’Abondance et à Saint-Paul. J’ai recueilli les récits des crimes du maquis français et de l’armée allemande à Vacheresse, à Bellevaux, à Abondance, à la Chapelle, à Bonne-sur-Ménoge, à Saint-Gingolph, à Habère-Lukkin, à Orcier, au Grand Bornand, à Bernex et à Thonon. Il faudra bien qu’un jour on en dresse le bilan afin de désigner les criminels. » Et dix ans plus tard : « 9 septembre [1957]. - En auto, conduit par Martine au Grand-Bornand où j’ai revu le petit cimetière au bord du Nant où 78 miliciens ont été fusillés le 24 août 1944. La plupart étaient des jeunes-gens de dix-huit à vingt ans. Ils n’avaient pas combattu et ils ont été condamnés après un simulacre de jugement ».

    Sur Léon Blum, au lendemain de sa mort (mars 1950) ce jugement sans concession : « C’était un homme néfaste... En politique, il avait cette qualité destructive qui démolissait la patrie et la famille. » Et d’ajouter, quelques jours plus tard : « Il est curieux de comparer les articles dithyrambiques et saugrenus - dont celui de Mauriac - sur Léon Blum avec l’article de la mise au point nécessaire de Pierre Bernus dans le Journal de Genève, et l’on constate l’asservissement de la presse française ». [...]

    Lisez l'intégralité de l'article de Xavier Soleil dans lovendrin n°16


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