• Monet (Claude)

    Au Grand Palais

    Claude Monet

    Présent du 13 novembre 2010

     

    Adolescent, Monet se fit connaître dans sa ville natale du Havre par des caricatures. Eugène Boudin, que les paysages ruraux et maritimes attiraient régulièrement dans la région, remarqua ces dessins. Il conseilla à Monet d’étudier la nature. Bien que l’idée n’enthousiasmât pas le jeune homme, Boudin fit tant qu’il l’accompagna sur le motif. Ce fut une révélation. Ses progrès confirmèrent la juste intuition de Boudin. Monet fit bientôt connaissance d’un second paysagiste solitaire : Jongkind, dont il dira qu’il avait achevé l’éducation de son œil.

     

    L’impressionnisme ne naît pas ex nihilo. Fruit de l’école de Barbizon, et, par la bande, du réalisme de Courbet, il fait ses classes dans la nature – l’école buissonnière. L’art se recrée au contact du réel, bien loin de l’« idéalisme d’atelier » que l’art officiel, fort de ses organismes (Institut, Beaux-Arts, Salon), promeut et défend comme seul un système organisé sait le faire : par la promotion de la médiocrité.

     

    La contestation a été grassement rémunératrice au XXe siècle, devenue partie intégrante de ce système. En 1860, rien de tel. Refuser l’art officiel revenait à se priver de carrière, de notoriété, de commandes. Le système des Beaux-Arts fonctionne alors comme la Sécurité sociale : hors de lui, la survie. Les peintres de Barbizon et les impressionnistes – et les générations suivantes – connurent les vaches maigres. Il est utile de rappeler les sacrifices consentis par ces artistes, que leur victoire posthume fait oublier ou relativiser.

     

    Les toiles de Monet des années 1860, en forêt de Fontainebleau (Le pavé de Chailly, 1865) et en Normandie, sont marquées par le travail. La lourdeur de l’étude est sensible dans certaines : La pointe de la Hève à marée basse ; La plage de Sainte-Adresse, temps gris. Puis le travail paye, dès avant 1870, et l’aisance est merveilleuse : L’entrée du port de Trouville, avec la voile saumon dans cette atmosphère grise, les vues du port du Havre, de jour (Le bassin du Commerce) ou de nuit.

     

    La pie (1869), paysage neigeux et ensoleillé, résume les recherches impressionnistes : les variations de la couleur dans la lumière et dans l’ombre. La couleur était victime d’une longue tradition de clair-obscur fondée sur l’idée vincienne que, de l’éclairé à l’inéclairé, une couleur se dégrade du blanc au noir. Idée fausse, farfelue, qui revient à éteindre la couleur. En réalité la couleur se modifie en une autre couleur, et dans la lumière, et dans l’ombre. Un paysage neigeux permettait d’observer une ombre bleutée. Partant de là, d’analyser et de comprendre les ombres en tant que couleurs. La contribution des impressionnistes est dans cette plénitude retrouvée de la couleur, sur toute la surface du tableau, véritable rupture avec la routine de ces trous d’ombre où la couleur et la forme disparaissaient.

     

    Les lumières de la Seine à Bougival, à Argenteuil, les champs de coquelicots… le charme opère. Le Signal, une « vue » de Saint-Lazare (1877, illustration), illustre sa maîtrise à transformer une impression en tableau, à Paris comme en campagne : Soleil couchant sur la Seine, effet d’hiver (1880). Monet hésite entre une touche fluide et une touche sèche, frottée ou posée en virgule. Certaines compositions sont doublées, dans l’un et l’autre genre (La gare Saint-Lazare, 1877 ; La Seine à Lavacourt, 1878 et 1880). On préfère largement la manière fluide, qui s’accompagne d’une franchise de coloris, tandis que la touche virgule porte des tons disgracieux.

     

    Cependant la touche filasse devient envahissante. Les toiles normandes et méditerranéennes des années 1880 pallient-elles le manque d’inspiration par ce biais ? A la fin du siècle Monet se détourne de la lumière et de la couleur, à la recherche de la luminosité : le blanc souille tout. Un aveuglement. Les études de meules, de la façade de la cathédrale de Rouen – devant lesquelles il est convenu de s’extasier – sont tuées au blanc. Comparez les vues de Varengeville : celle de 1882 est colorée, celles de 1897 décolorées. Dans cette dissolution générale de la couleur, la dissolution de la forme suit. Au final, seule reste palpable la signature. Monet est le plus grand des impressionnistes, qualités et défauts compris : « Ils cherchent autour de l'œil, et non au centre mystérieux de la pensée », dira d’eux Gauguin.

     

    D’autres aspects de Monet : les figures, avec les études du Déjeuner sur l’herbe, et les fragments de cette grande toile inaboutie (1865-1866) ; les natures mortes – il convainc plus en peintre de fleurs (Les chrysanthèmes rouges, 1881, enlevés) ; et des intérieurs, qui sont après tout des sortes de paysages.

    Samuel

    A voir également:

    Claude Monet (1840 – 1926). Jusqu’au 24 janvier 2011, Grand Palais.

     

    illustration : La gare Saint-Lazare à l’extérieur (le signal), 1877 © Niedersächsisches Landesmuseum, Hanover

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