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Monet (II)
Quelques beaux Monet
Présent du 29 janvier 2011
Une exposition Monet peut en cacher une autre. Celle du Grand Palais s’est terminée cette semaine (cf. Présent du 13 novembre 2010 ), tandis que la seconde, celle du musée Marmottan Monet, s’achèvera dans trois semaines. Beaucoup moins de toiles, mais de meilleures conditions de visite.
Ce déroulement simultané mérite une explication. Guy Cogeval, directeur du musée d’Orsay, conservateur en chef de l’exposition organisée avec la Réunion des musées nationaux, a demandé un prêt de toiles au directeur de Marmottan. Parmi cles toiles réclamées, l’emblématique Impression, soleil levant. Il n’a pas dû dire « s’il vous plaît », car M. Taddei a jugé la demande si arrogante qu’il a refusé tout prêt. Du coup, M. Cogeval suggère que M. Taddei n’a organisée l’exposition de Marmottan que pour nuire à celle du Grand Palais.
Qui nuit à l’autre ? Le musée Marmottan Monet reçoit 300000 visiteurs par an. L’exposition du Grand Palais a dû en recevoir dans les 800000, en quatre mois. Les deux ne jouent pas dans la même cour. Le mépris du directeur du musée d’Orsay s’est dévoilé dans le Herald Tribune : le musée Marmottan Monet serait « un musée provincial » (25 septembre 2010). On se convaincra du contraire en quittant Paris pour cette « province » que serait le quartier de la Muette.
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Grâce à de nombreuses caricatures, que l’artiste adolescent signait de son autre prénom (« Oscar Monet »), on mesure ce qui éveilla chez Eugène Boudin l’idée que ces charges cachaient un talent plus élevé qu’il fallait éveiller. De Boudin, une étude rapide, Sur la plage, à comparer avec un Monet de 1870, Sur la plage à Trouville (illustration) : l’élève désormais maître a renouvelé le cadrage, garde le genre du paysage tout en y introduisant le genre du portrait. De Jongkind, l’autre initiateur de Monet, un croquis aquarellé nerveux : Port-Vendres. Et une aquarelle de Delacroix représentant une falaise de Dieppe (1852), comme une prémonition…
L’artiste jeune a été portraituré par Séverac (1865), vieux par Naruse Sei-Ichi (1926) ; etc. Son entourage s’est entrepeint : Julie Manet par sa mère Berthe Morisot, qui avait épousé Eugène Manet, le frère d’Edouard : jeune fille aux cheveux longs, avec son lévrier, dans un contraste modérément acidulé de bleu et d’orange. Morisot, Monet, Renoir : le cœur impressionniste, auquel Edouard Manet ne se mêla jamais vraiment.
Outre Impression, soleil levant, qu’on ne présente plus, et que Guy Cogeval, ne l’ayant pas obtenu, a déclaré trouver très quelconque, deux tableaux sur lesquels je m’attarderai :
1875. – L’Effet de neige, soleil couchant représente un bout de lisière de ville. Du blanc, des gris bleutés ; de l’or blanc, de l’or rose… En tant qu’effet de neige, ce tableau est aussi réussi que la barrière à la pie, mais l’atmosphère y est supérieurement saisie, la douce luminosité d’une fin d’après-midi d’hiver enneigé.
Il intrigue, aussi : le côté très Van Gogh de l’ensemble est d’abord déroutant. Ces herbages qui percent la neige, raides coups de pinceau en éventail, c’est Van Vogh. Ces maisons cubiques sur lesquelles le toit est dessiné et souligné d’un ferme trait bleu, Van Gogh encore. Plus exactement, lui déjà. Treize années plus tard, La plaine de la Crau est question atmosphère aux antipodes de la toile de Monet : une plaine ensoleillée provençale. Elle n’est pas moins bien rendue. La végétation du premier plan, les maisonnettes sont traitées comme dans cet Effet de neige.
Autre parallèle à faire, questions touches, entre, de Monet, la belle Promenade à Argenteuil (1875) et, par exemple, de Van Gogh, deux jardins en fleurs de 1888 (au Rijksmuseum).
Le nom de Monet revient souvent dans la correspondance de Vincent. Celui-ci développe peu, mais Monet est la référence en matière de paysage moderne. Lui-même se place largement en dessous. A Théo : « Tu verras de belles choses chez Claude Monet. Et tu trouveras bien mauvais ce que j’envoie, en comparaison. » Voyant un soleil couchant rouge à Montmajour : « C’est donc l’effet de ce Claude Monet, c’était superbe. »
1885. – Bras de Seine à Giverny. La lumière, encore, mais la lumière d’un fleuve. Touches obliques pour les feuillés, le ciel ; touches horizontales pour l’eau et ses reflets, que brisent de courtes touches verticales pour l’herbage qui pointe hors de l’eau : Monet est tributaire de l’écriture cézanienne. Cependant sa touche est plus au service de la lumière que de la forme, c’est tout le fossé entre Monet et Cézanne, qui ne fut pas, pas plus que Van Gogh, impressionniste. L’écriture de Cézanne conservera toujours un caractère serré ; l’interprétation qu’en donne Monet est un poil plus lâchée, et le sera toujours plus, jusqu’à l’abandon de toute préoccupation formelle.
Samuel
A voir également:
Claude Monet, son musée.
Jusqu’au 20 février 2011, musée Marmottan Monet.
illustration : Sur la plage à Trouville© musée Marmottan Monet,Paris / Bridgeman Giraudon / presse
Tags : monet, impressionnisme
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