• Picasso

    Au musée Picasso<o:p></o:p>

    Picasso

    Maître cube<o:p></o:p>

    Présent du 27 octobre 07<o:p></o:p>

    Le Musée Picasso revient sur la période cubiste du peintre, sans conteste la plus représentative de toutes, la plus populaire : la peinture n’est plus vraiment figurative, ce qui permet à tout lambda d’éprouver le frisson de la modernité, mais sans inquiétude puisque, solidement béquillée par la géométrie, elle garde un aspect rationnel, lequel aspect est renforcé par un habillage scientifique : la découpe de la période 1906-1923 en sous-périodes aboutit à y distinguer des cubismes ibérique, africain, synthétique, rococo, décoratif… Découpé en petits dés, le cubisme est-il plus digeste ?<o:p></o:p>

    L’évolution de Picasso a trouvé son point de départ dans les primitifs océaniens, africains, byzantins, et chez Cézanne et Gauguin. En retour on fait volontiers de ceux-ci et des artistes exogènes les suppôts de la modernité révolutionnaire. Vision erronée, car les arts primitifs ne sont pas révolutionnaires, ils sont l’expression de croyances et de piétés, pleinement impliqués dans leur société, et donc, du point de vue de la fonction, identiques à ce qu’a été l’art en Europe ou en Asie. Cézanne et Gauguin ne sont pas plus révolutionnaires. Christine Sourgins les a, dans son livre sur l’art contemporain, assimilés aux artistes d’avant-garde mais ils furent des réformateurs, la nuance est d’importance – on doit à Henri Charlier de l’avoir exactement formulée.<o:p></o:p>

    De la force religieuse et plastique de ses modèles, on constate aisément d’ailleurs que Picasso n’a pas retrouvé grand-chose, ou rien gardé. Récupérateur, il est toujours inférieur à sa source d’inspiration. Qu’il regarde Gauguin, Cézanne ou des idoles, il ne produit que des simulacra : des apparences et de fausses idoles. L’aspect est repris, mais sans qu’un quelconque soupçon de l’intériorité de l’original n’apparaisse. N’est-ce pas le drame de Picasso que de n’avoir jamais rien exprimé de profond, qu’il n’ait rien eu à dire ou qu’il ne s’en soit pas soucié ?<o:p></o:p>

    Picasso avait du talent et de la technique. Il maîtrisait la composition, c’est un acquis de la peinture qu’il n’a jamais essayé de subvertir, voulant rester regardable. En matière de couleur, ses harmonies sont souvent séduisantes. Mais il semble que ces moyens n’aient servi à rien. Cette impuissance s’observe dès ses toiles académiques – abominablement académiques –, d’une technique très poussée alors qu’il n’a qu’une quinzaine d’années (années 1895) : La première communion est un tableau sentimental, Sciences et charité, un tableau à la Greuze. Il rompra avec la vision académique, mais sans trouver pour autant le secret de la forme. Il n’aura jamais qu’une approche extérieure du monde. De là, peut-être, cette appétence frénétique à triturer les apparences pour en percer le mystère, que ce soit à la manière cubiste où la géométrie guide les recherches et les bride fatalement puisque la Création n’y est pas réductible, ou à la manière postérieure, quand, ayant constaté l’impuissance de la raison, il débraye et part en roues libres. <o:p></o:p>

    Ce goût de la déconstruction et de la reconstruction, qu’on saisit dans les esquisses, les étapes intermédiaires et les tableaux achevés, ce refus de l’inspiration, qui aboutissent à des œuvres sans profondeur, nous ramènent à Arcimboldo (Présent du 13 oct.). Apollinaire, qui se prit d’amour pour le cubisme (ses articles lyriques sur le sujet font de la peine), avait lui aussi un côté maniériste, qui éclate dans ces jeux de lettrés que sont les calligrammes. <o:p></o:p>

    Certains artistes ne se sont jamais remis du cubisme, comme Albert Gleizes. Il écrivit un traité Du Cubisme et des moyens de le comprendre (1920 – le titre est déjà un aveu), qui comporte des aperçus de bons sens sur la peinture et des énormités sur l’époque « régénératrice » qu’il pensait vivre. Dom Angelico Surchamp et ses frères de l’Atelier de la Pierre-qui-Vire se sont obstinés à peindre des compositions religieuses cubistes fades et insanes jusqu’aux années quatre-vingt-dix. <o:p></o:p>

    Les tout-cubistes sont restés minoritaires. La page a été vite tournée, à commencer par Picasso lui-même. Cependant l’art moderne est fondé sur la révolution cubiste, comme l’a dit des Demoiselles d’Avignon John Richardson : « détonateur principal du mouvement moderne, clef de voûte de l’art au vingtième siècle », sans qu’on puisse engager la responsabilité, je le répète, des arts primitifs, ni celle des réformateurs de la fin du dix-neuvième. De l’impuissance à exprimer l’intériorité, l’art a évolué vers la haine de l’intériorité. L’art moderne est un iconoclasme dans la mesure où il refuse la contemplation. Le musée Picasso, en s’intéressant d’aussi près au cubisme, nous permet de saisir ce moment si important pour la compréhension du non-art du XXe siècle.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Picasso cubiste<o:p></o:p>

    jusqu’au 7 janvier 2008, Musée Picasso<o:p></o:p>

    illustration : Guitare et Mandoline sur cheminée (1915), The Metropolitan Museum of Art, New York © Succession Picasso 2007<o:p></o:p>


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