• Prisons parisiennes

     

    Au musée Carnavalet

     

    <o:p></o:p>La vie des prisons

    <o:p></o:p>

    Présent du 13 mars 2010<o:p></o:p>

    Unique prison parisienne, la Santé est en partie désaffectée. Est-elle appelée à disparaître ? Le processus paraît inéluctable : elle est la dernière de la douzaine de prisons inscrites dans le tissu urbain de la capitale aux XIX et XXe siècles. En sélectionnant dans les fonds publics et privés 340 photographies, le musée Carnavalet nous invite à pénétrer dans les prisons parisiennes entre 1851, date des premiers clichés connus (trois calotypes d’Henri Le Secq) et 2009 (reportages réalisés à l’instigation du musée). <o:p></o:p>

    Cependant l’intrusion est limitée. Photographier la prison est un acte en général commandité par les Administrations : les clichés ne sont pas destinés au public et, lorsque celui-ci y a enfin accès, l’image est caduque. De plus, l’être humain en est souvent absent : le détenu n’y apparaît qu’en silhouette au bout d’un corridor. La cellule se présente vide, porte ouverte, pas encore occupée, ou préparée pour la venue du photographe ; ou parce que la prison va être démolie. La vision est biaisée et fragmentaire.<o:p></o:p>

    La Santé date des années 1860. Son siècle et demi d’existence représente la durée maximale d’une prison : la Petite Roquette, construite en 1836, a été démolie en 1973. D’autres ont eu une vie encore plus courte : 62 ans pour la Grande Roquette, 48 ans pour Mazas. Celle-ci a été détruite en 1898 pour raisons sanitaires, mais aussi urbaines. Sa démolition dégageait la perspective de la gare de Lyon pour l’Exposition Universelle de 1900. Les établissements pénitentiaires vieillissent mal : leur conception dépend étroitement de l’idée qu’on se fait à une époque de la détention, du détenu et des conditions de vie à lui accorder, toujours en-deçà de celles qui ont cours. <o:p></o:p>

    La détention est une idée moderne, dans l’acception temporelle du mot ; et, au sens « moral », avec ce que cet adjectif peut comporter d’inhumain. Comme mode punitif, la prison date de 1791. Il est issu de la croyance en un enfermement systématique, protégeant la société et salvateur pour le prisonnier. Au XVIIe il existe toutes sortes de peine, fouet, galères, mort, mais « les tribunaux français ne prononcent jamais de condamnation à la prison. » La prison, ajoute René Pillorget dans sa notice du France baroque France classique, est alors un lieu de sûreté. On y garde les personnes en attente de jugement, les condamnés en attente de galère. Peu de gens concernés, donc pas de bâtiments spécialisés. Quelques cachots suffisent. Au besoin on aménage tant bien que mal des bâtiments déjà existants, sans rapport avec la question : dans le Marais l’hôtel de Lauzun devient la Grande Force (1780-1850). <o:p></o:p>

    La Révolution adopte le même principe : les communs de l’hôtel Lamoignon sont transformés en Petite Force (1792-1850). Avec l’entrée en vigueur du Code pénal de 1791, la détention doit s’organiser. Pour accueillir les prisonniers de droit commun – et les mauvais citoyens en transit –, on transforme les couvents en prison. Trois prisons parisiennes naissent de cette façon, qui dureront au-delà de la Révolution : Saint-Lazare (1791-1940), Sainte-Pélagie (1792-1898), les Madelonnettes (1793-1867). <o:p></o:p>

    Il serait intéressant de déterminer dans quelle mesure l’architecture pénitentiaire, née au XIXe, dérive de l’utilisation du plan conventuel pour ce qui est de la partition maximale d’un espace en cellules, l’aménagement de parloirs, d’une clôture… Très vite apparaît le plan rayonnant, spécificité du plan carcéral. La Santé est ainsi construite. Une vue aérienne de la Petite Roquette (1949) montre son plan : un hexagone à tour centrale, de laquelle partent six bâtiments rayonnants. Six tours d’angle font penser à un château fort, mais sous un autre angle l’assemblage de longs bâtiments bas lui donne l’aspect de barres HLM (cliché de Charles Lansiaux, 1920) ; idem pour la prison Mazas (illustration). <o:p></o:p>

    La Conciergerie n’est pas un lieu de détention, c’est un dépôt. Lieu emblématique de la justice parisienne, il a souvent été photographié. L’année passée, l’état des geôles du Palais de Justice a rappelé aux citoyens l’étrange gabegie française en ce domaine, déjà signalée par Véronique Vasseur en l’an 2000 (Médecin-Chef à la prison de la Santé). Les peines corporelles, la peine de mort sont taboues : mais la torture psychologique de l’isolement et de la promiscuité, avec ce que cette dernière entraîne comme peines corporelles diverses et ignobles, rien de cette indignité ne semble vraiment choquer la République – tant qu’il y a un quartier VIP… « La Santé, écrit le Dr Vasseur, c’est une ville dans la ville où règnent la saleté, la détresse, la maladie, la perversité… C’est comme un grand couvent, sale et sans spiritualité. »<o:p></o:p>

     

    Samuel<o:p></o:p>

    L’impossible photographie : Prisons parisiennes, 1851-2010. <o:p></o:p>

    Jusqu’au 4 juillet 2010, Musée Carnavalet.<o:p></o:p>

    illustration : Prison Mazas, 1898, cliché Pierre Emonts © Musée Carnavalet / Roger-Viollet<o:p></o:p>


    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :