• Psyché

    Au château de Chantilly

    Le conte de Psyché

    Présent du 25 juillet 09

    « Il y avait une fois un roi et une reine qui avaient trois filles… » L’histoire de Psyché, la benjamine dont l’indicible beauté provoque la jalousie de Vénus, nous est racontée par une vieille femme dans le roman d’Apulée L’Ane d’or. Récit dans le récit comme la description du bouclier d’Achille dans l’Iliade : une « mise en abyme », comme disent avec gourmandise les professeurs de lettres.

    Psyché, c’est d’abord un conte : il y a la princesse qui ne trouve pas de mari, les sœurs aînées envieuses, la curiosité punie par des épreuves que l’aide inattendue de fourmis ou d’un roseau permet de surmonter, etc. C’est aussi un mythe : Psyché, l’âme, est séparée du dieu Amour dès le moment où par curiosité elle a bravé l’interdiction de voir son visage, jusqu’à ce qu’une union définitive, durement méritée puisque Psyché doit descendre aux Enfers, la divinise. Sous les dehors d’un récit captivant, le conte rejoint le thème de l’initiation qui est le fonds de L’Ane d’or.

    Apulée vit au IIe siècle. Berbère, il est issu d’une famille romanisée de l’actuelle M’daourouch. Il étudie à Athènes et à Carthage la philosophie platonicienne et la rhétorique. Mais ces connaissances n’étanchent pas son inquiétude religieuse, pas plus que celle, plus tard, de saint Augustin. Apulée s’initie à nombre de cultes à mystères méditerranéens et orientaux, « par amour de la vérité et par piété envers les dieux », déclare-t-il dans son Apologie où il se défend d’avoir pratiqué la magie. Car, ayant épousé une veuve plus riche et plus âgée que lui, il en fut accusé. A quoi il rétorqua que « nul sortilège n’est nécessaire pour décider une personne mûre à épouser quelqu’un de plus jeune. »

    Au XVIe siècle, le conte de Psyché est en vogue après une traduction italienne (1469), française (1514), qu’accompagnent des éditions latines. Comme le Roland furieux, le récit constitue une formidable réserve d’images, dont Raphaël fixe le type en réalisant le décor de la Villa Farnésine (1518).

    Très au fait de l’actualité italienne artistique, Anne de Montmorency commanda une suite de quarante-quatre vitraux racontant l’histoire pour son château d’Ecouen. A la Révolution, les vitraux furent par prudence déposés. Echus par héritage au duc d’Aumale, celui-ci leur réserva une galerie dans le Chantilly composite qu’il fit édifier au XIXe siècle.

    La série, réalisée par un maître-verrier de l’Ecole de Fontainebleau en 1542-1544, en grisaille et jaune d’argent, est un chef-d’œuvre de la verrerie profane Renaissance. Les compositions reprennent des gravures italiennes des années 1530 d’inspiration raphaélesque. La manière de la gravure ne transparaît pas dans cette adaptation aisée, aux traits fluides. Les émaux transparents permettent des coloris en camaïeux, des nuances. Les décors multiplient les plans, les lointains, où d’élégantes figures vivent les différentes scènes, tantôt dramatiques, lorsque Psyché s’apprête à descendre aux Enfers, tantôt heureuses, lorsqu’elle prend son bain, entourée de servantes : la scène est telle que l’époque la traite, semblable à la toilette de Vénus (ill., cf. Le bain et le miroir, Présent du 11 juillet).

    Le grand émailleur Léonard Limosin représente lui aussi cette toilette, ainsi que deux autres épisodes, dans des gris et noirs bleutés magnifiques, relevés de dorures (1543). Artiste proche d’Anne de Montmorency, de l’Ecole de Fontainebleau, lui aussi est représentatif de l’italianisme. Quelques dessins, de Raphaël, de Jules Romain son élève, rappellent d’ailleurs tout ce que le conte doit à l’Italie.

    Outre Chantilly, outre Azay-le-Rideau qui consacre une exposition généraliste au mythe de Psyché, différents châteaux mettent à l’honneur les tentures XVIIe sur le même sujet : Fontainebleau, Pau, Sully-sur-Loire (jusque fin août). Le mythe en effet continue son chemin, La Fontaine écrit un conte mêlant vers et prose, qui accentue le caractère galant déjà présent chez Apulée (Les Amours de Psyché et Cupidon, 1669). Molière, Corneille et Quinault écrivent le livret d’une tragédie-ballet, sur une musique de Lulli (1671).

    L’Hôtel de Soubise garde dans son jus, celui du joyau rocaille qu’est le Salon ovale de la Princesse, les huit panneaux peints par Charles Natoire à la fin des années 1730. L’artiste se plie avec aisance à la forme contournée des cadres pour composer des scènes où la beauté féminine est mise en valeur, comme le font ses contemporains Boucher et Van Loo, bien loin de la froideur avec laquelle au XIXe un François Gérard traitera le sujet.

    Samuel

    Le mythe de Psyché. Jusqu’au 31 août 2009, château de Chantilly (Oise).

    L’histoire de Psyché par Natoire. Jusqu’au 21 septembre 2009, Hôtel de Soubise (Paris)

    illustration : La toilette de Psyché. Chantilly, musée Condé © Bridgeman Giraudon


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