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    Au musée d’Orsay<o:p></o:p>

    Un pompier<o:p></o:p>

    Présent du 11 décembre 2010<o:p></o:p>

    Jean-Léon Gérôme est né à Vesoul en 1824. Venu à Paris, il entre dans l’atelier de Paul Delaroche en 1840. Il suit son maître en Italie, puis, rentré à Paris, passe trois mois dans l’atelier de Charles Gleyre avant de devenir l’assistant de Delaroche. Malgré l’échec au prix de Rome (1846), Gérôme connaît une carrière enviable, où ne manquent ni les commandes officielles, ni les décors prestigieux : bibliothèque des Arts et Métiers, chapelle Saint-Jérôme à Saint-Séverin, villa pompéienne du prince Napoléon… Après la réforme de l’école des Beaux-Arts (1863), provoquée par les heurts du Salon où « pousse » la génération réaliste et impressionniste, Gérôme est nommé à la tête d’un des ateliers, où il restera près de quarante ans. Il a épousé la fille de Goupil, le grand marchand d’art qui assure la diffusion des œuvres de son gendre par le biais de reproductions photographiques.<o:p></o:p>

    Une carrière que les attaques cependant n’ont pas épargnée. Aussi bien de la part des critiques, que de ses confrères en académisme ou des « modernes ». Inflexible, il est fidèle au système auquel il appartient. Il s’oppose en 1884 à l’exposition des œuvres de Manet aux Beaux-Arts. Il tente d’empêcher le legs Caillebotte en 1894, collection d’œuvres impressionnistes.<o:p></o:p>

    Le bougre n’est pas mauvais. Il finit par concéder au sujet de Manet : « Ce n’est pas aussi mauvais que je le croyais. » En 1887, il refuse de vendre à l’Etat une de ses sculptures – car il a sculpté –, estimant que l’argent public doit profiter à des artistes plus nécessiteux. Les bloyens lui savent gré d’avoir secouru à deux ou trois reprises le romancier, vers 1895, avec simplicité et « une bonté parfaite ». Cependant Bloy note, le 11 janvier 1904 : « Mort du peintre sculpteur Gérôme. Matière à copie pour une huitaine. Mort subite. Un des derniers actes de cet artiste contestable qui fut traité par le Monde avec tant de douceur, a été de dire, à propos de moi qui ne lui demandais rien, qu’il était décidé, à l’avenir, à ne plus rien donner à personne. »<o:p></o:p>

    La victoire impressionniste, des décennies après la bataille, a remisé les « pompiers », Cabanel, Gérôme et les autres, ces officiels de la période 1850-1900, dans les réserves. Un dépoussiérage a lieu depuis une trentaine d’années, justifié du point de vue de l’histoire de l’art, mais inexplicable autrement que par le relativisme du point de vue du goût. Les pompiers « vaudraient » les impressionnistes. On en vient à louer leur modernité. Ainsi celle de Gérôme, « modernité paradoxale », « modernité minimaliste », modernité inaboutie », égrène le catalogue en formules gênées aux entournures, Orsay assurant que Gérôme « est regardé comme l’un des grands créateurs d’images du XIXe siècle ». Terrible compliment, celui qui évite le mot « peintures ». Ses images seraient cinématographiques : c’est bien le problème.<o:p></o:p>

    En fait de peintures, j’en ai vu quatre. Trois tableautins, un pifferaro (illustration), un portrait de Charles Garnier, une scène de genre (le père et le fils de l’artiste sur le pas d’une porte) ; et, dans un tableau, le plafond et les arcades d’une mosquée. Pour le reste, le tempérament du peintre, face au réel comme au tableau, est incertain.<o:p></o:p>

    Ses figures sont en carton. Sa Vérité sortant d’un puits ! D’un puits moussu sur la margelle duquel on poserait un nain, ou un moulin, sort, hagarde, une vérité qui a l’épaisseur d’un personnage imprimé sur un présentoir publicitaire. L’allégorie de la République a la même consistance, et le lion derrière elle.<o:p></o:p>

    Ses lointains ne sont pas suggérés. Peints avec application, quelques coups de blaireau les ont floutés, leur donnant une sécheresse systématique. Selon le manuel Roret concernant la peinture et la sculpture, édité en 1833 (les manuels Roret donnent d’utiles précisions sur le métier sans lequel il n’est point d’art), il ne faut utiliser le blaireau « qu’avec réserve pour ne pas tomber dans la mollesse et le flou maniéré ». Le métier jugeant le pompier…<o:p></o:p>

    Et il en est ainsi, qu’il soit néo-grec (Le combat de coqs, 1846), peintre d’histoire (Pollice verso, 1872) ou orientaliste (Le prisonnier, 1861) : aucun voyage, à Constantinople, en Egypte, en Syrie, en Asie mineure, en Algérie, ni même celui d’Italie, n’a modifié son regard. Il refroidit tout ce qu’il regarde, ternit tout ce qu’il représente, sans ligne vivante ni modelé, sans couleur. Comme une rétrospective peut être plus cruelle qu’une réserve ! Cette peinture et cette sculpture où fusionnent la dureté et la mollesse au point qu’on ne sait exactement où finit l’une, où commence l’autre, font penser – les spectateurs de Desperate Housewives comprendront – aux macaronis de Susan Mayer, à la fois brûlés et pas cuits.

    Samuel<o:p></o:p>

    Jean-Léon Gérôme, L’histoire en spectacle.

    Jusqu’au 23 janvier 2011, musée d’Orsay.

    illustration : Jean-Léon Gérôme, Pifferaro, 1856 © Ville de Nantes / Musée des Beaux-Arts / Photographie : A. Guillard<o:p></o:p>


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    La galerie des Gobelins

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    à l’heure du bronze<o:p></o:p>

    Présent du 4 décembre 2010<o:p></o:p>

    Après la mise à mal du patrimoine mobilier des châteaux durant la Révolution, le remeublement incombe à Napoléon. Il n’agit pas en décorateur, mais en gouvernant. Il veut relancer un artisanat et une industrie, asseoir son règne en répétant, par le biais des arts décoratifs, les idées fortes qui le sous-tendent, marquer sa prééminence par un ameublement qui en impose.<o:p></o:p>

    Questions pendules et candélabres – puisque l’exposition se concentre sur ces objets, bronzes où le noir contraste violemment avec les parties dorées –, les convenances distinguent. Un prélat ne saurait être meublé comme un maréchal ou un préfet. La pendule du salon ne saurait être celle de la chambre d’une dame, où Psyché et Cupidon, des cygnes, sont les figures imposées. Ces exigences nourrissent la variété des sujets, que les progrès en horlogerie permettent aux créateurs, moins prisonniers des impératifs mécaniques, d’accroître encore.<o:p></o:p>

    L’Antique règne en maître, sous sa forme épurée, néoclassique. Hébé caressant un aigle dit la jeunesse et la vitalité de l’Empire. Les zéphyrs, souffles d’Occident doux et apaisants, disent la paix nationale retrouvée. Les cornes d’abondance et Cérès, la richesse entrevue.<o:p></o:p>

    Minerve, déesse de la guerre, s’impose. Les Français ne sont-ils pas tous devenus soldats ? Si Rome est une référence politique, son ennemi Hannibal en est une autre, militaire : stratège foudroyant qui passe mers et montagnes, il a droit à sa pendule, d’après l’œuvre sculptée par Slodtz au XVIIIe. Autre emprunt, à la peinture cette fois : repris de David, le serment des Horaces, « en 3D », pour une pendule commandée par le prince Murat (1805). Tout patriotique combattant est sollicité : Achille, Agamemnon, Hector qui dit adieu à Andromaque.<o:p></o:p>

    Minerve est aussi la déesse des arts et des sciences et, en ces temps de reconstruction, elle appelle à la poésie et à la lecture. Les poètes et leur lyre ont droit à leurs pendules, Homère, Anacréon, Sapho (illustration, pendule acquise pour la chambre à coucher de l’Impératrice aux Tuileries). Les personnages « à l’étude » sont nombreux.<o:p></o:p>

    La gigantesque pendule-monument réalisée par Duguers en 1806 à la mémoire de Frédéric II est tout en allégories et symboles à la gloire du militaire et du juriste. Elle est monstrueuse. Elégantes, les pendules dites « architectures » peuvent être un arc de triomphe (celui du Carrousel date de 1809), un autel, une borne, une colonne. La campagne d’Egypte donne quelques candélabres en forme de « cariatides égyptiennes », quelques pendules ; cela reste limité.<o:p></o:p>

    Que dire de cette production ? La mainmise de Percier et Fontaine sur le goût lui donne une unité. Décrivant l’habit démodé du cousin Pons, vêtu Empire, Balzac signale « ce je ne sais quoi de menu dans les plis, de correct et de sec dans l’ensemble, qui sentait l’école de David, qui rappelait les meubles grêles de Jacob » : cela s’applique à ces bronzes. Les objets vont du simple au compliqué, limite tarabiscotés parfois – mais on note alors que la lisibilité demeure. Le dessin est sec, mais le bronze est beau : les bronziers de l’Ancien Régime sont encore en activité. Thomire (1751-1843), ciseleur et fondeur, est le maître de cette période. Une pendule de 1809 comme La France écrivant (ou : Le génie de l’histoire) est dessinée par Percier, réalisée par Thomire, le mécanisme par Lepaute. Dans les décennies qui suivent, les artisans et les artistes coopéreront moins, ceux-ci estimant ces travaux indignes de leur « génie ». Il s’ensuivra un abâtardissement du goût.<o:p></o:p>

    A la Restauration, l’Antiquité est moins présente. Oh, il y a toujours des Victoires qui prennent leur envol sur un globe, assurant aux bougies un piédestal maintes fois répété. Homère ne passe pas à la trappe (bronze d’après une pendule de Gérard, 1824). L’étude demeure un sujet, le grand homme aussi : voici Marius sur les ruines de Carthage (clin d’œil vainqueur à l’Hannibal précédent), voici aussi Galilée. Le goût troubadour se répand, pour preuve la garniture de cheminée qui emprunte à un tableau de F.F. Richard ses personnages (François Ier et Marguerite de Navarre dans un décor gothique). L’anecdote moraliste débarque : tout doré, Louis-Philippe s’apprête à saigner le courrier Werner. Un artiste réalise une Indienne chassant le fauve, puis sous le Second Empire un François 1er chassant le sanglier. Une pendule à la gloire des deux Napoléon, confuse et engraissée, révèle l’alourdissement du goût.<o:p></o:p>

    Comme les intérieurs bourgeois, les appartements luxueux connaissent les réductions de chefs-d’œuvre et les « groupes mobiles » : une faunesse d’après Clodion, les chevaux de Marly, la Diane au cerf connaissent le destin du dessus de cheminée.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    L’heure, le feu, la lumière (1800-1870), Bronzes du garde-meuble impérial et royal.

    Jusqu’au 27 février 2011, Galerie des Gobelins.

    illustration : Sapho (Maison Thomire Duterme et Cie, 1809). Paris, Mobilier national © Isabelle Bidau<o:p></o:p>


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    VIE ET MORT DE MADAME ELISABETH<o:p></o:p>
    <o:p> </o:p>

     

    Conférence du Professeur Jean de Viguerie<o:p></o:p>

     

    Le jeudi 2 décembre à 20h

    au Centre Bergère<o:p></o:p>


    9, rue Bergère 75009 Paris<o:p></o:p>

    (Paroisse Saint-Eugène-Sainte-Cécile)<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>(Ligne 8 ou 9, Métro Bonne Nouvelle ou Grands Boulevards ; Ligne 7 métro Poissonnière)


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    Au Grand Palais<o:p></o:p>

    France 1500 (II)<o:p></o:p>

    Présent du 27 novembre 2010<o:p></o:p>

    Samedi dernier, nous constations la relative pauvreté de talents de peintre autour de l’année 1500. Côté coloristes et dessinateurs, ce sont les maîtres-verriers qui, dès la fin du XVe siècle et pour une bonne part du XVIe, créent et réalisent des œuvres inspirées. Quelques vitraux, entiers ou fragmentaires, illustrent cela.<o:p></o:p>

    L’arrivée, dans les collections de l’élite française, de peintures italiennes a-t-elle eu un effet inhibant ? Elles ont radicalement rompu avec l’univers de la miniature. Voyez une Nativité de Fra Bartolomeo, une Déploration d’Andrea Solario, la Sainte Véronique de Lorenzo Costa, La belle ferronnière du Vinci – voilà un Vinci que j’aime. L’emploi de l’huile, ce médium considéré comme supérieur puisque permettant tout, ne saurait transformer d’honnêtes miniaturistes en grands « huiliers », sauf à l’utiliser d’une tout autre manière que celle des Italiens (cf. les panneaux du Maître de saint Gilles), donc en ne suivant pas exactement la tendance.<o:p></o:p>

    Rien de semblable dans la sculpture. Aucune révolution technique ne vient perturber les artistes. Tout au plus constate-t-on l’emploi plus fréquent du marbre, qu’on fait venir d’Italie, pierre prestigieuse mais traîtresse.<o:p></o:p>

    La première influence italienne est celle des médailles. L’usage se répand d’en offrir. En Italie, la médaille est affaire de sculpteurs ; en France, d’orfèvres. Le roi René a deux médaillistes à son service : Pietro da Milano et son élève Francesco Laurana. Ils glorifient le couple royal, qui a chanté son union en vers et en enluminures, en juxtaposant les profils de René et de Jeanne ou deux tourterelles liées par le col : « paire non pair » (couple sans pareil).<o:p></o:p>

    A leur suite on verra Michel Colombe réaliser la médaille de Louis XII, frappée par un orfèvre, Jean Perréal dessiner les médailles de Charles VIII et d’Anne de Bretagne, réalisées par des orfèvres.<o:p></o:p>

    Michel Colombe est actif dans la vallée de la Loire. A l’époque qui nous intéresse il a soixante-dix ans (et beaucoup de poussière) : une belle maturité de sculpteur. Les œuvres de sa jeunesse sont inconnues. Son art est mesuré, gracieux quand il le faut, monumental toujours : une Vierge à l’Enfant (terre cuite) résume bien son talent.<o:p></o:p>

    Son neveu et collaborateur, Guillaume Regnault, ne démérite pas. Un de ses élèves, Jean Guilhomet, non plus. Pierre II de Bourbon fait appel à lui. On a vu le duc, sa femme et leur fille, peints par Jean Hey. A Guilhomet, il commande leurs trois saints patrons, belles et grandes pierres : saint Pierre, sainte Anne et la Vierge enfant, sainte Suzanne. La mouvance de Colombe s’illustre par un gothisme atténué, une mesure qu’on qualifierait volontiers de pré-classique, ou de française.<o:p></o:p>

    Cet esprit coexiste avec des productions restées gothiques d’esprit, mais non moins remarquables. Tandis que les œuvres de Jacques Bachot, le maître de Chaource, sont inspirées par l’austérité, comme d’autres sculptures champenoises (Christ de pitié, Mussy-sur-Seine, Aube), beaucoup de sculptures se signalent par une gracieuseté franche ou maniérée : la sainte Marie l’Egyptienne (Saint-Germain-l’Auxerrois), la sainte Madeleine (Montluçon), Notre-Dame de Grâce (Toulouse), l’Annonciation normande du musée de Cluny. Cette dernière était polychrome. La nudité de la pierre laisse paraître le travail approfondi de l’artiste.<o:p></o:p>

    Les médaillistes italiens n’ont pas changé le cours des choses, ce sont les artistes ramenés par Charles VIII qui, par instillation, apportent un air nouveau aux ateliers français. Il faudra attendre les années 1530, le chantier de Fontainebleau, pour voir peser le maniérisme. Pour le moment, les artistes français et italiens font connaissance.<o:p></o:p>

    Le tombeau des enfants de Charles VIII est une collaboration entre l’atelier de Colombe, pour les figures, et l’Italien Jérôme Pacherot (Girolamo Paciarotto) pour la base, ornée de rinceaux et de figures en relief (putti, Hercule…). On l’a noté pour les enluminures : la Renaissance arrive par voie ornementale, la figure restant « gothique ».<o:p></o:p>

    Pour sa chapelle de Gaillon, le cardinal d’Amboise associe encore Colombe et Pacherot (Saint Georges tuant le dragon, retable), et emploie Antoine Juste, autre Italien venu en France avec son frère Jean : le Christ et douze apôtres, des terres cuites polychromes, lui sont commandés. Reste le Christ, saint Jacques, la belle tête de saint Pierre (illustration).<o:p></o:p>

    ***<o:p></o:p>

    Deux articles, et le « matériel » de l’exposition n’est pas épuisé. J’ai laissé de côté les fortes gravures sur bois, les émaux, les tapisseries… Qu’on regrette, vraiment, l’esprit dispersé dans lequel « France 1500 » a été conçue ! Une vache gothique n’y retrouverait pas son veau Renaissance.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    France 1500, entre Moyen Age et Renaissance.
    Jusqu’au 10 janvier 2011, Galerie nationale du Grand Palais.

    illustration : Antoine Juste, Tête de saint Pierre (musée du Louvre) © RMN / René-Gabriel Ojéda<o:p></o:p>


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    Au Grand Palais<o:p></o:p>

    France 1500 (I)<o:p></o:p>

    Présent du 20 novembre 2010<o:p></o:p>

    France 1500 ! Intitulé lapidaire pour désigner un foisonnement artistique remarquable mais que le parcours de l’exposition ne rend pas lisible, au contraire. Le morcellement des écoles artistiques entre 1450 et 1530 réclamait une concision thématique et non une fragmentation supplémentaire.<o:p></o:p>

    Au XVe siècle, les arts se répartissent en aires auliques : autour du duc de Bourgogne, qui soutient les arts flamands, autour du roi René qui emploie un Flamand (Barthélémy van Eyck), des Picards (Nicolas Froment, Enguerrand Quarton), deux Italiens (Laurana, Pietro da Milano), des peintres du val de Loire (Georges Trubert) ; en Provence où l’installation de la papauté a constitué des foyers artistiques, et où le roi René finit sa vie. Paris, malmené par la politique, est désormais secondaire. L’accaparement royal, avec et après Louis XI, ne fait pas cesser la circulation des artistes, qui suivent leurs protecteurs en fonction des charges. La famille d’Amboise, aux alentours de 1500, compte un archevêque, deux évêques, un abbé, un gouverneur d’Italie… tous mécènes, s’adressant autant aux artistes locaux qu’aux artistes plus nationaux ou étrangers.<o:p></o:p>

    Le quinzième siècle a ceci de satisfaisant que les talents ont de plus en plus un nom. Les œuvres s’incarnent, même si l’histoire de l’art est encore tributaire de « Maître de… ». C’est à ces noms que nous nous attacherons, en délaissant le hachis chrono-thématique de l’exposition – et en mettant de côté les sculpteurs, pour la semaine prochaine.<o:p></o:p>

    Les génies du XVe siècle ont nom Enguerrand Quarton, Nicolas Froment, Jean Fouquet. Ce dernier, grand harmoniste, grand « formel ». Il signe le premier autoportrait français : un médaillon peint à l’or. Le regard fermement posé sur le monde, dans la simplicité du face-à-face, mais aussi le regard inquiet de l’artiste scrutant le divorce, ici-bas, parfois, de l’intelligence et de la beauté, du beau et du vrai, pour les raccorder dans ses peintures.<o:p></o:p>

    Ces trois peintres n’ont pas la descendance qu’ils méritent.<o:p></o:p>

    Les enluminures de Jean Bourdichon, un élève de Fouquet, sont ambitieuses : il se lance dans les effets de nuit (Nativité, arrestation du Christ) mais Barthélémy d’Eyck, auparavant, a fait mieux. Bourdichon manque de nerf.<o:p></o:p>

    Jean Poyer enlumine les Heures d’Henri VIII. La Vierge en majesté est remarquable par son volume ; elle s’inscrit dans une niche post-gothique, ou pré-Renaissance, comme on voudra. Dans les Heures de Marie d’Angleterre, des putti en bas de page témoignent d’un goût italianisant. Le repas chez Simon est une grande huile sur bois, non dépourvue de sens religieux, auquel s’ajoute un don d’observation qui se manifeste dans la rusticité du buveur de soupe attablé, du convive qui, en bout, se balance sur son petit banc.<o:p></o:p>

    Jean Perréal est l’un des artistes qui auront contribué à répandre l’italianisme, par son art du petit portrait en buste, par son entregent entre artistes et commanditaires : il est à Lyon, en Italie, en Angleterre… Citons encore Jean Colombe (peintre de batailles avant la lettre), Jean Pichore (une charmante Ariane, belle Italienne découplée : page tirée des Héroïdes), Robinet Testard (au style dur, qui blesse l’œil).<o:p></o:p>

    C’est à deux peintres venus du Nord qu’il faut demander du caractère : Josse Lieferinxe et Jean Hey.<o:p></o:p>

    Lieferinxe s’est fixé en Provence. Son œuvre dispersée çà et là est impossible à rassembler. On voit ici deux panneaux d’un retable consacré à saint Sébastien. Saint Sébastien soigné par sainte Irène est un tableau particulièrement inspiré, la qualité des drapés sert la noblesse des attitudes. La hachure n’est pas impersonnelle : elle est déjà une touche qui exprime la forme et la personnalité de l’artiste.<o:p></o:p>

    Jean Hey, au service des Bourbons, a travaillé à Moulins, à Lyon. Pierre II de Bourbon, son épouse Anne (fille de Louis XI), leur fille Suzanne (illustration, vers 1492), ont été portraiturés dans des retables, comme plus tôt le cardinal Rolin (Nativité). Femmes et enfants témoignent de l’influence du Brugeois Hugo van der Goes. Les donateurs entrent de plain-pied dans la scène religieuse dont ils sont témoins, parrainés par leur saint patron. Les harmonies froides et claires sont une transposition, à l’huile sur bois, du monde des miniatures.<o:p></o:p>

    Il serait injuste d’omettre le « Maître de saint Gilles », qui ne mérite pas l’anonymat. Le panneau qui raconte la découverte, par les chasseurs, de l’ermite blessé d’un flèche alors qu’il protégeait sa fidèle biche prouve la fraîcheur de l’huile, quand on y prend garde ; la fraîcheur de l’âme du peintre, son talent : plus à l’aise à peindre la nature que l’architecture (La messe de saint Gilles), il donne à la scène une atmosphère qui n’est que pureté.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    (à suivre)<o:p></o:p>

    France 1500, entre Moyen Age et Renaissance.

    Jusqu’au 10 janvier 2011, Galerie nationale du Grand Palais.

    illustration : Jean Hey, Suzanne de Bourbon (musée du Louvre) © Rmn/Gérard Blot<o:p></o:p>


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