•  

    Au musée du Louvre<o:p></o:p>

    Watteau gravé<o:p></o:p>

    Présent du 14 août 2010<o:p></o:p>

    Watteau mort à 37 ans en 1721, un de ses amis, Jean de Jullienne, entreprit en 1723 de faire graver dessins et tableaux. Jullienne était négociant en teintures, il vivait et travaillait aux Gobelins, connaissant les métiers d’art il organisa cette entreprise d’envergure avec méthode et sans lésiner : près de 35 graveurs participèrent à ce travail considérable qui nécessita douze années de travail. Six cents planches, imprimées sur les plus beaux papiers d’Auvergne, donnèrent quatre tomes connus sous le nom de « Recueil Jullienne ». Ce recueil constitue un épisode unique dans l’histoire du mécénat posthume et amical.<o:p></o:p>

    Il fut tiré à cent exemplaires, mais les estampes pouvaient être achetées à l’unité, au fur et à mesure de leur achèvement. Leur publication était annoncée par le Mercure de France, dirigé par un autre ami de Watteau : Antoine de La Roque. L’exemplaire du Louvre, ainsi que la plupart des gravures en feuilles libres, proviennent de la collection Rothschild.<o:p></o:p>

    Les tomes III et IV reproduisent l’œuvre peint. Graver des tableaux était une pratique banale et l’on n’avait pas attendu la mort de Watteau pour s’y lancer. Sous le titre général de Figures de différents Caractères, les volumes I et II concernent l’intégralité des dessins : la démarche de Jullienne était en cela originale, à la hauteur de son admiration. Elle montre la qualité de son goût et son indifférence à l’égard de la hiérarchie des genres.<o:p></o:p>

    Le volume III est ouvert sur la gravure de L’Enseigne, célèbre tableau hélas très tôt coupé en deux, gravé ici par Pierre Aveline, morceau de bravoure où on mesurera son habileté à mettre en évidence les figures sur un fond de mille et un gris. Le volume I est ouvert à la page du Rémouleur, gravé par le comte de Caylus. Le dessin original est présenté, ainsi que d’autres, à comparer avec leur transcription en gravure.<o:p></o:p>

    Quelques graveurs sont médiocres, comme Michel-Guillaume Aubert (L’indiscret), ou Louis Sururgue dont Les Amusements de Cythère révèlent le métier mou, l’interprétation mécanique. Ils sont l’exception : sinon le Recueil Jullienne ne serait pas ce qu’il est. Laurent Cars donne une magnifique version des Fêtes vénitiennes, Louis Crépy de la Perspective. Jacques-Philippe Le Bas grave une Assemblée galante et une Ile enchantée pleines de poésie. Je n’aurais garde d’oublier Louis Desplaces, avec deux singeries : La peinture et La sculpture, ni Bernard Baron (Les deux cousines, d’après une huile exposée. L’énigmatique silhouette de dos se dresse comme une version féminine du Commandeur, muette et rigoureuse jusque dans les plis de sa robe). <o:p></o:p>

    A ces gens de talent, s’ajoute François Boucher. L’exposition Watteau est – d’une pierre deux coups – tout autant une exposition Boucher. Né en 1703, Boucher n’a que vingt ans lorsque Jullienne le recrute dans l’équipe de graveurs. Elève de François Lemoine, élève de Cars (le père du Laurent Cars susnommé), Boucher est chargé pour l’essentiel de graver les dessins, mais aussi quelques tableaux. C’est avec aisance et rapidité qu’il s’acquitte de la tâche, et avec un art étonnant. Techniquement, graver des tableaux requérait l’eau-forte et le burin, ce qui limitait cette partie aux graveurs de métier confirmé ; graver les dessins requérait juste l’eau-forte, à la portée des amateurs. Cependant la contrepartie de la facilité technique était la difficulté de l’interprétation d’un dessin. Boucher grava les dessins avec une compréhension du trait de Watteau qui resta inégalée. Et du coup, après Lemoine, Watteau se trouva être le second maître de Boucher (par le même chemin que Velasquez le fut de Goya).<o:p></o:p>

    Sous sa main, les gravures de tableaux offrent de franches oppositions de noirs et de blancs, une gamme étendue de gris (illustration). Les gravures d’après dessin en imposent par un trait vivant, quel que soit le sujet : persan, savoyard avec marmotte et hautbois, femme en pied ou en buste, ou à balançoire, galant de village ou gandin de la ville, paysage (Passage d’une passerelle par des bestiaux). Quatre chinoiseries restituent le décor du château de La Muette, disparu. Le dénicheur de moineau est une autre composition décorative dont le vocabulaire détermine déjà l’élégance naissante du siècle.<o:p></o:p>

    Comme s’égrène la mandoline dans le largo d’un concerto de Vivaldi, il sonne dans l’œuvre de Watteau la grêle mélancolie d’un être qui, sauvage dans la vie, n’avait guère que l’art pour s’exprimer ; le sentiment de solitude – une solitude que, n’arrivant pas à en venir à bout, il augmentait par son comportement – lui fit créer ces rêves de compagnies enchantées. Il fallait les graveurs les mieux doués pour restituer ce désir décanté qui point légèrement. <o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Antoine Watteau et l’art de l’estampe.

    Jusqu’au 11 octobre 2010, Musée du Louvre.

    illustration : François Boucher d’après Watteau, La Troupe italienne © 2009 Musée du Louvre / Angèle Dequier<o:p></o:p>


    votre commentaire
  •  

    Les Petits Hommes verts<o:p></o:p>

    Les Envahisseurs ont apporté leur langage, leurs lois, leur religion et leur mode de vie. Venus sauver votre planète, ils vous incitent à collaborer. Cette rubrique a pour but de vous aider à les mieux comprendre.<o:p></o:p>

    Attablé. L’association Slow Food lutte contre la mal-bouffe des fast-foods, en aidant les gens à devenir des « éco-mangeurs ». Créée en Italie en 1989, l’association est présente dans 150 pays et pratique le lobbying afin de promouvoir les conditions d’une production et d’une consommation « bonnes, propres et justes ». Parmi ses membres, les plus militants deviennent des « Sentinelles du goût » : ils veillent sur la biodiversité des produits du terroir. Ne pensez pas qu’ils protègent la cuisine bourgeoise, il va de soi que Slow Food s’inscrit « dans une mouvance politique proche du mouvement altermondialiste ». (Source : Pause santé.)<o:p></o:p>

    Mixé. – A Malmö, en Suède, cet heureux constat : « de l’éco-quartier naît la mixité ». Le tri des déchets – surveillé –, les machines à laver – communes – favoriseraient donc l’intégration et cette manière de biodiversité qui consiste à loger ensemble 3 000 Bosniaques, Somaliens et Turcs. Safija témoigne : « Regardez-moi, je porte le voile mais ça ne m’empêche pas de porter un casque de vélo comme tous les Suédois ! »<o:p></o:p>

    A Hanovre, l’éco-quartier de Kronsberg, construit en 2000, rassemble 7 000 habitants. « La répartition des habitations a été pensée pour assurer la plus grande mixité sociale possible. » On a de l’Allemand, du Turc, du Polonais, du Russe. Hélas le quartier « a raté son melting-pot ». Ce paradis vert se révèle être un gigantesque dortoir à chômeurs et ce ne sont pas les mares éparses au milieu des immeubles qui y changeront quelque chose. Qui plus est, explique un habitant dépité, « les frontières sont dans les têtes ». Les frontières sociales : les propriétaires côtoient les locataires mais les uns les autres ne se parlent pas. Les frontières culturelles : les Russes boivent entre eux. Les frontières environnementales : « Les livres de la bibliothèque qui parlent d’écologie, jamais empruntés, ont été enlevés. » (Source : Terra economica.)<o:p></o:p>

    Lavé. – Préparez la rentrée prochaine en choisissant une « écolo-crèche » pour le petit dernier : « parce que les crèches sont des lieux d'éducation pour les enfants et d'ouverture d'esprit pour leurs familles, nous pensons qu'il est particulièrement intéressant d'y mener une démarche d'engagement vers le développement durable. » Le label « écolo-crèche » s’appuie sur trois points : équité sociale, efficacité économique et qualité de l'environnement. Dans la pratique, la pédagogie verte s’assure le contrôle du petiot, grâce « aux nombreux apprentissages de l'éco-citoyenneté qu'il pourra intégrer à travers les gestes de son quotidien ».<o:p></o:p>

    Autre possibilité : avoir recours aux services d’une « Nounou Nature ». Qu’est-ce ? C’est une Mary Poppins verte, qui « a à cœur de répondre à la demande des parents en matière de parentage ». Qu’est-ce ? Parentage signifie éducation, en mieux : « éducation non violente », « éducation positive ». Les pollueurs, c’est connu, battent leurs enfants, qu’ils ont nombreux. « La Nounou Nature accepte les choix faits par les parents en matière d’hygiène, d’alimentation, d’éducation positive, de préservation de l’environnement. »<o:p></o:p>

    Livresque. – Lisez à vos enfants l’histoire d’un tigre indien devenu vert après s’être baigné près d’une centrale nucléaire (c’est plausible), et qui conséquemment se bat pour l’environnement. Un tigre, nous dit l’Ecolomag, « avec un petit côté militant écolo, un peu cynique mais animé de bons sentiments, plein d’humour légèrement subversif ». Subversif ? Il paraît en règle avec la morale.<o:p></o:p>

    Tsoin-tsoin. – Les festivals de musique avec leurs déchets, les dégradations de la végétation, les spectateurs qui viennent en voiture, s’alignent sur la partition écologique. Pas seulement le Reggae Sun Ska Festival pour lequel l’herbe est un ingrédient de base, également les Solidays, les Vieilles Charrues, les Francofolies, tous participent, jusqu’aux Eurockéennes qui affichaient ce slogan : « La biodiversité c’est ma nature. » Très rock, comme mot d’ordre, très rebelle. Le « Collectif pour les événements responsables », qui regroupe entre autres la Fondation Nicolas Hulot et l’Union française des Œuvres laïques, a mis au point un outil d’autodiagnostic qui permet de diminuer l’impact écologique des festivals, lesquels sont l’occasion « de véhiculer un certain nombre de messages citoyens ». Une question d’« éco-responsabilité ». On note que la pollution sonore provoquée par ces réunions est passée sous silence.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Présent du 10 août 2010<o:p></o:p>


    votre commentaire
  •  

    Au musée du Louvre<o:p></o:p>

    L’Arabie

    d’âge en âge<o:p></o:p>

    Présent du 7 août 2010<o:p></o:p>

    « Mobilité et immobilité des Arabes » : les pages que Benoist-Méchin a écrites en guise de prologue à la biographie d’Ibn-Séoud, constituent, à grands traits, un aperçu de l’histoire de la péninsule arabique. Histoire d’une continuelle migration sud-nord. De la riche extrémité sud, le Yémen, terre d’agriculture surpeuplée, partent des vagues poussées toujours plus haut, qui se nomadisent à travers l’immense désert avant de se sédentariser à nouveau en touchant le nord plusieurs siècles après.<o:p></o:p>

    L’Arabie, restée longtemps mystérieuse du fait des difficultés pour pénétrer le désert puis de l’interdiction faite à l’Infidèle d’accéder aux lieux saints, a véhiculé des mythes : le Yémen n’était connu des Romains que par ouï-dire, l’imaginant paradisiaque ils le nommèrent « Arabie heureuse ». <o:p></o:p>

    Avant l’islam<o:p></o:p>

    L’occupation humaine préhistorique s’intensifie à partir du VIIe millénaire. Le néolithique se signale par des stèles anthropomorphes. Parfois la tête n’est pas séparée du bloc, parfois elle trouve son assiette sur les épaules auxquelles la rattache un cou épais. Les bras sont sommairement indiqués, avec raideur, terminés par des doigts en peigne. Rudimentaires, elles tendent pourtant à l’individuation. L’homme est équipé d’une dague, d’une ceinture. On date ces stèles du IVe millénaire, elles sont fort proches des stèles toscanes du musée de Pontremoli (IIIe millénaire). Emouvant témoignage de l’activité artistique de l’homme.<o:p></o:p>

    Très tôt intégrée aux liaisons commerciales entre les grands empires de sa périphérie, l’Arabie développe pendant le premier millénaire avant Jésus Christ des royaumes passagers enrichis par l’encens, mais aussi par les cultures : certaines oasis prospères furent d’inépuisables greniers. Les rois de Lihyân ont laissé de colossales statues qui montrent des influences des arts égyptiens et hellénistiques (VIe-Ier). Certains torses sont modelés savamment. Les sites de Pétra (Jordanie), de Dédân et de Hégra, sont célèbres pour leurs tombes creusées dans la montagne où c’est toute une façade qui est sculptée avec un vocabulaire hellénistique de frontons, colonnes et entablements.<o:p></o:p>

    L’image humaine n’est pas aussi répandue que l’épigraphie. Les inscriptions, en saba’ique, en ma’înique, en lihyânite… présentent des caractères qui sentent encore leur phénicien, ainsi que d’autres plus curieux. La nécropole de Qaryat al-Fâw, ville caravanière sur la piste menant du sud au Golfe persique, a livré de belles inscriptions en sud-arabique (illustration). A Hégra, une seule inscription latine témoigne que la cité appartint à l’Empire (sous Marc-Aurèle).<o:p></o:p>

    L’Arabie islamique<o:p></o:p>

    C’est riche d’une histoire déjà longue que l’Arabie fut le berceau de l’islam – quel beau bébé. Mahomet, en cumulant les trois rôles de poète, de prophète et de guerrier, fut pour ses contemporains l’Arabe idéal. Il unifia les tribus de la péninsule. Les routes des caravanes devinrent les routes des pèlerins. La Ka’ba, édifice pré-islamique autour duquel, selon un rituel préhistorique répandu, on pratiquait la circumambulation, fut nettoyée, vidée des idoles que le syncrétisme y avait apportées. Rendue à sa nudité intérieure, la Ka’ba devenait une réduction du désert et de son dieu aride. <o:p></o:p>

    Les califes souverains des deux lieux saints, La Mecque et Médine, mirent un point d’honneur à habiller la Ka’ba avec magnificence, la dotant de tentures ou de portes, comme ces portes monumentales fabriquées en Turquie au XVIIe au nom du sultan Murad IV (placage de feuilles d’argent, martelées, gravées et dorées sur âme de bois), après que des inondations eurent abîmé le monument.<o:p></o:p>

    Pour un musulman, être enterré à La Mecque est bien sûr un souhait profond. Malgré la prescription coranique que rien, de la tombe, ne soit au-dessus du sol, les stèles fleurirent. L’important choix de stèles des IX-XVIe siècles du cimetière de al-Ma’ha permet d’apprécier encore l’épigraphie. La surface de la stèle était rarement aplanie, elle garde ses courbures, ses irrégularités. La calligraphie est variée : elle est tantôt souple, tantôt angulaire ; l’inscription est plus ou moins aérée ; le cadre décoratif est discret ou envahissant. Les inscriptions peuvent être assez longues, composées d’une invocation, du nom, de l’ascendance, du métier ; à partir du XIIe siècle, la poésie y trouve sa place.<o:p></o:p>

    La naissance de l’Arabie moderne est évoquée. L’Arabie s’affirme par à-coups, en luttant contre la domination ottomane affaiblie par la montée en puissance des Européens. D’Abdulaziz (1880-1953), on voit l’épée, le fourreau ; son manteau. Lire Benoist-Méchin pour en savoir plus sur ce grand roi.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Routes d’Arabie. Archéologie et histoire du Royaume d’Arabie saoudite.

    Jusqu’au 27 septembre 2010, Musée du Louvre. <o:p></o:p>

    illustration : Inscription de la tombe de 'ljl bin Haf'am, musée national de Riyad, inv. 887 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities<o:p></o:p>


    votre commentaire
  •  

    Au musée Marmottan Monet
    <o:p></o:p>

    Monet et les abstraits<o:p></o:p>

    Présent du 31 juillet 2010<o:p></o:p>

    Le musée Marmottan Monet se propose de montrer la filiation existant entre Claude Monet et la peinture abstraite, européenne et américaine, d’après la Seconde Guerre.<o:p></o:p>

    Ce n’est pas du Monet de l’impressionnisme qu’il s’agit, mis sur la voie de l’observation de la nature par Eugène Boudin, mais du Monet d’après. Comme Renoir, Monet a eu une longue vieillesse post-impressionniste qui est loin de valoir sa peinture antérieure.<o:p></o:p>

    Bernard Dorival (auteur de La peinture française, 1946, dans l’excellente collection « Arts, styles et techniques » de chez Larousse) a des mots sévères pour la voie que Monet emprunte à partir de 1890 jusqu’à sa mort en 1926. « Effets faciles », harmonies « facilement fausses »… « le contact avec la nature se perd dans les ensembles téméraires qu’il entreprend, sans en avoir peut-être le souffle » : les fameux nymphéas de l’Orangerie. S’opposent, d’une part, des toiles comme Impression, soleil levant où la touche est signifiante (1873, illustration), Bras de Seine à Giverny, paysage d’une extraordinaire netteté (1885) et, d’autre part, Bras de Seine près de Giverny, soleil levant, recouvert d’une taie blanche et savonneuse (1897), Le pont japonais, où la touche dégouline (1918), Le saule pleureur où elle est filasse (1919).<o:p></o:p>

    En abordant toute chose par la lumière et non par la forme, les impressionnistes allaient à l’impasse. Renoir, Monet cherchèrent à en sortir. Monet, en refusant toujours la forme, devait logiquement aboutir à l’informel. On comprend comment les peintres abstraits y trouvèrent des morceaux tout rôtis pour leur bec. On comprend aussi qu’ils sont le terme d’une suite d’erreurs.<o:p></o:p>

    L’idée même d’une peinture « abstraite » est absurde. La peinture, par le fait de ses deux dimensions, est une abstraction de la réalité qui en a trois. Elle s’abstrait même d’une quatrième dimension, le Temps, en se présentant sans déroulement, à l’inverse des vers, de la mélodie. Les formes et les couleurs, qui constituent le langage plastique, sont des abstractions, des pensées ; et l’artiste exprime sa pensée par le biais de la réalité qui n’est pas là comme fin mais comme langage. (Voyez L’art et la pensée d’Henri Charlier, chap. L’art et l’intelligence.) <o:p></o:p>

    Le peintre Jean Legros n’écrivait pas autre chose : « Ce qui est le plus abstrait est ce qui est le plus mental et si l’on me demandait de désigner ce que je considère comme étant la peinture mentale, je désignerais Vinci, Piero Della Francesca, Vermeer, et non pas la grande part de la peinture d’aujourd’hui qualifiée d’abstraite sous le prétexte qu’il y a absence d’objets. » L’art dit abstrait a été un art plus intellectuel que mental. Cependant Jean Legros s’exprima par une peinture non-figurative (ce terme est préférable à abstrait), croyant, on le devine en le lisant, à un « sens de l’histoire de l’art » qui aurait rendu caduc le figuratif.<o:p></o:p>

    La seconde moitié du vingtième siècle est imprégnée de cette croyance en l’avènement inéluctable d’un non-figuratif supérieur. En effet, si le problème se pose en termes d’un art abstrait d’un côté, d’un art concret de l’autre, implicitement le débat s’embarrasse des valeurs qu’on peut attacher à ces termes : un art d’idées pures, éthéré, l’emporte sur un art prosaïque, grossier.<o:p></o:p>

    Qui dit supériorité dit hiérarchie. Inavouée mais perceptible, la hiérarchie des genres exista au XXe siècle, impérieuse. Les ouvrages consacrés à l’art de cette période n’envisagent que le fleuve de l’art abstrait. L’art figuratif n’y apparaît pas, ou qu’à titre de ruisselet. On peut cependant mépriser cette hiérarchie, car le recul, l’expérience permettent de savoir que le Temps, s’il travaille contre les pigments, trouve à chaque toile la cimaise qu’elle mérite.<o:p></o:p>

    Les toiles de Monet vieillissant, les toiles des peintres qui lui sont rattachés, respirent la tristesse. Ce n’est pas le vocabulaire risible qu’elles suscitent qui l’amoindrira. L’un des rédacteurs du catalogue parle de la nature qui « se nappe dans son devenir-peinture » chez Rothko (peintre américain d’origine lettone, 1903-1970), de l’« alliage non-compositionnel » chez Riopelle (québécois, 1923-2002) – deux abstraits et un abstrus.<o:p></o:p>

    ***<o:p></o:p>

    Le musée Marmottan Monet, pour ses collections, est à visiter. Il est riche en peintures et enluminures des XVe-XVIe siècles, possède toute une collection de petits portraits de Louis Léopold Boilly. Et puis il y a un Gauguin sur grosse toile, à la matière lourde et mate (Bouquet de fleurs, 1897), un fin Renoir (Portrait de Julie Manet, 1894), un Caillebotte suranné (Rue de Paris, temps de pluie, 1877) et toute une série de tableaux de Berthe Morisot, frais et savants : Eugène Manet à l’île de Wight (1874), Les foins à Bougival (1883)…<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Monet et l’abstraction.

    Jusqu’au 26 septembre 2010, Musée Marmottan Monet.<o:p></o:p>

    illustration : Claude Monet – Impression, soleil levant, 1873 © musée Marmottan Monet, Paris / Bridgeman Giraudon<o:p></o:p>


    votre commentaire
  • Les Petits Hommes verts<o:p></o:p>

    Les Envahisseurs ont apporté leur langage, leurs lois, leur religion et leur mode de vie. Venus sauver votre planète, ils vous incitent à collaborer. Cette rubrique a pour but de vous aider à les mieux comprendre.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    Assis. – Vous avez mal à la conscience quand vous vous asseyez sur un siège qui abîme la planète ? Utilisez « le pouf Sushi éco-désigné… astucieux mélange de jeans et de velours pour vous asseoir confortablement, en toute conscience ». Ou bien le fauteuil Paul, « constitué à 70% de bouchons broyés collectés par l’association Les Bouchons de l’Amour », dans une démarche d’« éco-conception ». (Source : Complément d’objets n°5.)<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    Errant. – A l’occasion des départs en vacances, les « 10 commandements de l’éco-conduite » préconisent de bien gonfler les pneus, de pratiquer en douceur accélérations et freinages, etc., et enfin de bien préparer son trajet. Car, en se perdant, en cherchant son chemin, on parcourt des kilomètres supplémentaires, quelle pollution évitable ! Les animaux errants sont ramassés, mis en fourrière et éventuellement euthanasiés : le conducteur victime des aberrations du GPS, le juillettiste errant, l’aoûtien perdu connaîtront-ils le même sort, au nom de la protection de l’environnement ?<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    Lumineux.La station de métro Censier-Daubenton expérimente « l’éco-éclairage ». Dans les couloirs et à l’accueil, 20500 kWh sont économisés en une année, « de quoi alimenter un réfrigérateur pendant 68 ans ! » Rappelons qu’un frigo a une durée de vie moyenne de 15 ans. Sur les quais, ce sont 107500 kWh qui sont économisés, « soit la consommation d’un téléviseur fonctionnant 24h/24 durant 245 ans ! » Effarant ! Imaginez l’état d’un cerveau soumis à deux siècles et demi de télévision non-stop. Bonjour le bavoir. En quoi consistera la télé en l’an 2255 ? Où en sera la téléréalité ? La fiction française ? Le dimanche n’existera plus, mais Drucker ? <o:p></o:p>

    Ce genre d’équivalences aussi inattendues qu’énigmatiques, les écolos s’en sont fait une spécialité. Le magazine Terra economica, en calculant « la facture écologique » du président Sarkozy sur l’année qui a suivi le Grenelle de l’Environnement, indique que les 301236 kilomètres parcourus en déplacements officiels représentent, en équivalent CO2, 1750 tours de la Terre en voiture du genre Smart ou encore les flatulences méthaniques de 823 vaches. <o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    Sent-bon. D’ailleurs, prenez une bouse de vache. Cuisez-la en la pressurisant (une heure à feu doux) et vous obtenez une odeur de vanille à se damner. La vanilline ainsi produite permet de parfumer à bas prix des bougies aromatiques et… du shampoing. Et la pâte à crêpes ? Ainsi fonctionne « l’éco-bien-être olfactif », selon l’écolomag n°17.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    Infantile. – Eduquons les enfants ! Ma journée verte, de Melanie Walsh, leur enseignera 10 bonnes habitudes « pour que chaque jour soit une journée verte ». Du genre « faire sécher ses vêtements sur un fil », « terminer son assiette », ou « fabriquer soi-même le cadeau de grand-mère » (pauvre mère-grand !). Les esprits peuvent être dressés dès 4 ans avec Dis maman c’est quoi le développement durable ? Pour expliquer aux petits les termes « réchauffement climatique », « produit bio ». La théorie sans la pratique, ne vaut rien : quatre pages de jeux sur les « écogestes » agrémentent le livre. Voilà qui prépare des générations d’écobarges.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    Pas bien. – L’éditorial de l’écolomag n°17, signé La Chouette, s’en prend aux « écolo-phobiques », survivants « d’anciennes tribus d’hominidés » dont l’existence est « particulièrement périlleuse pour les espèces vivantes » (sic). Mauvais parents, ils « vont jusqu’à souiller volontairement leur territoire ». Bien entendu ! Une mère qui avorte mais qui mange bio est beaucoup plus respectueuse de la planète qu’une famille nombreuse qui épuise les ressources naturelles en chocos BN.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    Samuel


    Présent du 24 juillet 2010<o:p></o:p>


    votre commentaire