• Il faut se méfier des petits jeunes hommes à la mine modeste, à peine relevée par un bouc effilé, aux discrètes lunettes cerclées de fer, au léger sourire en coin. Cette apparence bénigne cache parfois un esprit fort qui ne s’en laisse pas compter, par personne, à commencer par lui-même. Etonné par l’admiration que professait pour lui Octave Mirbeau, de l’attention dont, sans qu’ils se connaissent, l’écrivain célébré, membre de l’académie Goncourt, honorait le presque débutant ayant si peu publié, le jeune Léautaud, dans son Journal, tentait de se l’expliquer ainsi, à la date du 21 novembre 1907 : «Je comprends néanmoins son goût pour moi, et je crois que je peux le croire sincère. Nous avons en effet le même goût pour le trait vif, dit sans ménagements ni périphrases, pour l’anecdote ou le mot méchants, l’ironie mauvaise, le trait satirique dur. Je comprends qu’il ait aimé In Memoriam, où il y a un peu de tout cela, avec la morale très libre qu’il montre aussi lui-même dans ses livres, la blague pour les préjugés de société autant que de sentiments.» Méchant, mauvais, dur : Léautaud ne s’épargne pas.

    A cette aune, si l’on est bien obligé de le croire sincère, il est en revanche bien difficile de comprendre le goût pour Léautaud affiché par Philippe Delerm dans le bref essai qu’il vient de lui consacrer, Maintenant, foutez-moi la paix! (dernières paroles prononcées par lui avant de mourir). Prototype de l’écrivain pour table basse, où ses livres sans aspérité font bon ménage avec la dernière livraison de Télérama, Delerm semblait peu fait pour s’emballer en faveur de l’abrasif Léautaud, pour ce ton sec, percutant, cet esprit grinçant, libre de tout préjugé et de toute hypocrisie, cette horreur des conventions bourgeoises, cette parole dénuée de toute prudence qui obéissait moins au plaisir de choquer qu’à l’irrépressible besoin de dire et d’écrire, en toutes circonstances, rien que la vérité, mais toute la vérité, de sa pensée.

    Retrouvez l'intégralité de l'article de Laurent Dandrieu

     dans lovendrin n°10.


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  • Diocésain. -
    Le lancement d’un synode dans le diocèse d’Angers est l’occasion d’une production écrite abondante. De Mgr Bruguès, on retiendra cette parole courageuse : les menaces de persécutions ne viennent plus de nos jours de Dioclétien ou de Maximien, mais de « Cronos, le temps qui passe en dévorant ses enfants». Dans Horizon 49, Faire église en Anjou (n°109), quelques témoignages : Suzanne J., responsable de l’Action Catholique Générale Féminine, présente au lancement du synode, assure que « c’était très riche. On nous a dit de former des équipes. Dans notre mouvement c’est habituel.» Donc rien de neuf. Elle ajoute : « Mon mari, lui, est plus engagé dans le sport, mais je sais que le synode l’intéresse aussi. » Forcément, les équipes! La palme revient à William G., qui hausse l’amphibologie à la hauteur d’une figure de style : « J’ai accepté cet appel de notre évêque parce que je pense naturel d’accepter des appels de ce type-là. »

    Retrouvez la rubrique impertinente "Idées et langages"

    dans chaque numéro.


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  • La huitième joie du mariage, c’est quand celui qui est marié a tant fait qu’il est pris dans la nasse, où il s’est amusé, a pris tous les plaisirs et délices pendant deux, ou trois, ou quatre ans, ou plus ou moins ; quand sa jeunesse a commencé à refroidir et qu’il veut passer à autre chose car on ne saurait toujours jouer aux barres, ni courir et sonner du cor en même temps. Il se peut qu’il ait vécu pas mal des infortunes et malheurs susdits, dont il est si fort abattu qu’il ne pense pas à s’enfuir, bien dompté et bien attaché qu’il est. Il se peut également que sa femme ait deux, ou trois, ou quatre enfants, ou plus ou moins, et qu’elle soit encore grosse ; mais elle est plus malade de cette grossesse que de toutes les autres, d’où la grande douleur du bonhomme, et le grand souci qu’il a de lui procurer ce qu’elle désire.

    Voici qu’approche le temps de l’enfantement. Elle est si malade que c’en est terrible et que les femmes ont grand peur qu’elle n’en réchappe pas. Le bonhomme, alors, la voue aux saints et aux saintes ; elle, de son côté, se voue à Notre Dame du Puy en Auvergne, à Rocamadour et en plusieurs autres lieux. Il arrive, Dieu merci, que les prières du bonhomme sont entendues. Sa femme accouche d’un bel enfant – le Dauphin du Viennois ! – et reste longtemps alitée. Les commères viennent et organisent de belles et grandes relevailles. Voilà la dame en de bonnes mains, bien aise elle s’en donne à cœur joie. Elles se retrouvent à quatre ou cinq commères à faire la fête chez l’une d’elles, pour s’amuser et parler de leurs petites affaires. Je préfère ne pas parler du désordre qui s’ensuit : elles dépensent et gaspillent plus à cette partie de plaisirs que le bonhomme en huit jours pour sa maisonnée. [...]

    Lisez l'intégralité de la Huitième joie dans lovendrin n°11.


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  • [...] Exit l’Allemagne en mars 1916 : la partie orientale devint française, la partie occidentale anglaise. Dans les écoles de la République française, le français fut décrété unique langue d’éducation, avec interdiction de parler les langues locales ; mais les missionnaires catholiques, avec bon sens, laissèrent parler dans leurs écoles français et langues locales. Il en fut grosso modo de même en zone anglaise.Cette politique draconienne de l’administration coloniale, méfiante à l’égard des langues locales, ne doit pas occulter son action positive par ailleurs, car elle ouvrit partout des écoles, ce que n’avait pas fait les Allemands. C’est si vrai que la région Nord, où il y en eut très peu d’ouvertes à cause du caractère enclavé de la région, reste encore de nos jours la région la moins alphabétisée ; retard accru par le fait que le français n’y est pas langue véhiculaire, le foulbé jouant ce rôle. Le foulbé est la langue des Peuhls nigérians qui ont envahi cette région au XVIIe, et imposé aux populations et leur langue, et l’Islam. Mais cela ne trouble pas les à-tout-prix de la décolonisation, qui savent ne dénoncer que l’ignoble mainmise oppressive des langues européennes.

    Lisez l'intégralité de l'article de Obroni Koko dans lovendrin n°11.


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  • [Sur ce chapiteau du Lion-d'Angers] Les lions sont sculptés fort maladroitement : le sculpteur n’a pas su représenter deux têtes semblables de profil et de face : on dirait de deux animaux différents. Pas de crinières ; corps, pattes et queues sont informes. On en viendrait à douter qu’il s’agit de lions, s’il n’y avait les griffes, disproportionnées et précisément indiquées. Pour rattraper sa maladresse, l’artiste a renchéri sur les détails connus de lui et, en tant que détails, plus faciles à tailler. L’attention aux détails est souvent le fait d’un art inférieur, qu’elle soit due à une vision fautive par laquelle la partie supplante le tout ou à une technique peu sûre.

    L’absence de crinière est choquante, car pour nous qui avons vu des lions en photo et dans les zoos, la crinière indique mieux le lion que les griffes. Les artistes médiévaux n’avaient pas la tâche facile : ils devaient interpréter des documents (manuscrits, tissus orientaux) qui étaient eux-mêmes des interprétations. Dans les manuscrits, les lions n’ont souvent de crinière que dessinée dans l’encolure mais sans effet de chevelure. Les deux exemples (fig. E et F) sont tirés de manuscrits irlandais, pure coïncidence car il en serait de même dans les manuscrits continentaux. à partir de cela, on pourrait tenter un classement des innombrables lions romans en deux catégories : ceux à crinière, issus de modèles représentés sur les tissus orientaux ; ceux sans crinière, issus de manuscrits, en tenant compte des contaminations, des dégénérescences, etc. [...]

    Lisez l'intégralité de l'article de Samuel dans lovendrin n°11.


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