• Spilliaert (Léon)

    Au musée d’Orsay<o:p></o:p>

    Un maître du lavis

    <o:p>Présent du 14 avril 07</o:p>

    Léon Spilliaert (1881-1946) vécut presque exclusivement à Ostende et ne fut connu, de son vivant, que d’un petit nombre. Il entra chez l’éditeur Edmond Deman, figure importante du symbolisme belge, découvreur de talents, à qui la littérature française est redevable de la première édition du Mendiant Ingrat (1898). Grâce à lui, Spilliaert se lia avec des écrivains comme Verhaeren ou Zweig ; son intérêt pour les lettres le porta à peindre les portraits d’auteurs qu’il aimait, comme Nietzsche ou Barbey d’Aurevilly. Grâce à lui encore, il connut les œuvres de James Ensor, Fernand Khnopff, Odilon Redon, avec lesquelles les siennes présentent des analogies, tout en restant hautement personnelles. Début 1998, la galerie de la Seita avait exposé ses lavis de jeunesse : on avait pu découvrir des paysages plats, lunaires (bords de mer, terrains vagues…), où parfois se dresse une silhouette, qui rappelaient à leur manière les campagnes hallucinées et les villes tentaculaires du poète. Le musée d’Orsay s’intéresse maintenant à ses autoportraits, genre qu’il a beaucoup pratiqué.<o:p></o:p>

    Les psychanalystes professionnels ou amateurs aiment étudier de près la démarche qui consiste à se peindre soi-même : le narcissisme est dépisté, le regard est décrypté ; le miroir est prétexte à des envolées lyriques et obscures.<o:p></o:p>

    Ils oublient que l’autoportrait présente, pour l’artiste, des aspects commodes : il a un modèle malgré sa solitude (voyez Van Gogh), et ce modèle est à l’heure ! et il est fatigué en même temps que le peintre ! Ça n’a l’air de rien, mais le travail s’en trouve largement simplifié. Quant au regard, c’est en général celui d’un homme concentré. Celui de Spilliaert l’est, concentré, mais aussi fiévreux, et parfois lointain. Cet homme était mélancolique et tourmenté (on dit qu’il fut dépressif ; mais cela n’entrava jamais son travail) : « Jusqu’à présent ma vie s’est passée seul et triste, avec un immense froid autour de moi. J’ai toujours eu peur. Jamais osé… », écrivait-il en 1909. Il ne trouva une certaine sérénité qu’à la naissance de sa fille en 1917. L’autoportrait au miroir – un effet cadavérique qui illustrerait à merveille un conte d’Edgar Poe – est exceptionnel par sa violence, les autres témoignent plutôt d’un mal-être.<o:p></o:p>

    Léon Spilliaert avait aménagé son atelier dans une véranda. Une violente lumière zénithale éclaire ses autoportraits (il aimait les éclairages a priori à éviter : Silhouette du peintre est un total contre-jour), manière efficace de transmettre son inquiétude en conférant au visage une allure inquiétante : les orbites noyées dans l’ombre, les bosse frontales ou les pommettes violemment mises en lumière contribuent à façonner un individu énigmatique. Les photos nous montrent une belle tête émaciée, aux yeux légèrement exorbités, qui se prêtait à ces effets.<o:p></o:p>

    Spilliaert se forgea une technique bien à lui, avec des moyens fort simples mais utilisés avec originalité. Le lavis, cousin monochrome de l’aquarelle, autorise toute valeur du noir au gris. D’ordinaire usité en complément couvrant d’une technique au trait, il est prépondérant chez Spilliaert, le trait ne venant qu’au second plan. L’usage de crayons de couleur, de façon très localisée, rappelle l’effet des photos noir et blanc qu’on colorisait. Un critique a pu parler d’autoportraits en négatif. La colorisation partielle, souvent celle d’un objet (autoportrait « au crayon rouge », « au carnet bleu »), n’est pas sans augmenter l’impression étrange, irréelle de l’image, lui prêtant un caractère onirique. <o:p></o:p>

    Les surréalistes, les expressionnistes se sont reconnus dans certains aspects de l’œuvre de Spilliaert, assez déconcertante, difficile ; peut-être faut-il, comme l’artiste, être inquiet ou solitaire pour la goûter. <o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Léon Spilliaert, autoportraits, jusqu’au 27 mai, Musée d’Orsay

    illustration : Autoportrait au miroir © Ostende, Museum voor Schone Kunsten<o:p></o:p>


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