• Tramway T3: les oeuvres

    Des plasticiens le long des voies<o:p></o:p>

    Présent du 24 fév. 2007<o:p></o:p>

    A lire la présentation officielle des artistes qui ont œuvré pour embellir le parcours du tramway nouveau, il faudrait être insensible pour ne pas, esthète, frissonner. Voici Sophie Calle, qui « procède par effractions, dissimulations, jeux de piste et de cache-cache. » Vient Dan Graham qui « interroge les fonctions historiques, sociales et idéologiques de la culture contemporaine » en « manipulant la perception du spectateur ». Lui succède Peter Kogler dont les motifs « reprennent les données de l’espace ou du bâtiment tout en semblant les annuler », suivi de Angela Bulloch qui estime nécessaire « la dimension participative du spectateur, qui doit expérimenter la manière dont il peut s’impliquer dans l’œuvre d’art ». Claude Lévêque a une approche qui mélange « attirance et répulsion pour déstabiliser le spectateur et déjouer son attitude contemplative ». Christian Boltanski est détenteur d’une « formidable faculté d'analyse critique de nos systèmes de représentation, de nos rêves et de nos archétypes. » Bertrand Lavier, lui, cherche « à perturber notre perception de l’art et du réel en créant ce qu’il appelle des zones de turbulence ». Didier Faustino, enfin, crée des constructions qui sont « des espaces de prise de conscience sensorielle, que l’on peut sculpter selon ses propres actions, ses propres désirs ». En empruntant la ligne T3, j’allais donc être tour à tour, voire simultanément, fracturé, manipulé, déséquilibré, impliqué, déstabilisé, analysé, perturbé et conscientisé. J’enviai ces usagers des boulevards sud qui chaque jour gagnent à être – tour à tour, voire simultanément – fracturés, manipulés, etc., sans augmentation du coût de leur carte Orange.<o:p></o:p>

    Disons-le sans tarder : mon voyage n’eut pas l’épaisseur attendue. Tout commence sur le pont du Garigliano où est installée une cabine téléphonique évoquant une fleur, composée de 6 pétales métalliques à l’aspect de papier froissé, d’où vous ne pouvez pas appeler mais où l’artiste peut essayer de vous joindre pour vous raconter une histoire – elle s’y est engagée par contrat. (photo 1.) Porte d’Ivry, tout finit par une structure de 17 mètres de haut, composée de coques translucides qui laissent deviner une surface habitable, pour exprimer « l’espace confiné de l’intime exposé aux regards ». (photo 2)<o:p></o:p>

    Ces terminus encadrent sept autres merveilles. Un doublet basé sur le principe du reflet : à la Porte de Versailles, c’est une « salle d’attente » (deux arcs de cercle imbriqués) dont « la structure en verre sans tain permet de jouer sur les oppositions observateur/observé », tandis qu’à l’arrêt Montsouris le miroitement de grands panneaux d’inox varie « selon les déplacements du tramway, des piétons et des nuages. »<o:p></o:p>

    Un second doublet, basé lui sur la lumière : des caissons lumineux, à l’entrée de l’école de puériculture (porte de Vanves), s’animent à l’approche du tramway ; sur le pont tout proche, un panneau lumineux fait défiler une image animée qui « devient partie intégrante du décor sous lequel se glisse le tram. » (Déjà démonté pour des raisons techniques, il sera réinstallé courant mars.)<o:p></o:p>

    Je passe sur un planisphère concave qui sert aussi de piste de skateboard et les bancs qui font entendre des confessions amoureuses dans diverses langues pour illustrer « le caractère multiculturel et le contexte cosmopolite des boulevards des Maréchaux ». (C’est déjà bien, mais la dénonciation de la montée du fascisme est étrangement absente du programme.)<o:p></o:p>

    Au niveau de la Poterne des Peupliers, un dispositif hydraulique dresse de manière aléatoire sept grands palmiers en métal (photo 3) : c’est un mirage – et la palme du mauvais goût à un artiste qui œuvre « avec une grande lucidité, un sens de la subversion teintée d’humour et un goût prononcé pour le jeu ».<o:p></o:p>

    Est-ce parce qu’elles s’intègrent parfaitement dans leur environnement que la plupart de ces œuvres ne se voient pas ? C’en est gênant, puisqu’elles ont la prétention de perturber le champ de vision de l’usager, ou de l’y faire participer. On cherche vainement « le surcroît de sens » qu’elles sont censées apporter aux boulevards. A Jean-Paul Huchon elles paraissent agréables, ludiques et essentielles ; à nous, puériles et inconsistantes ; elles font toc. Appartenant à la veine débile de l’art contemporain (lequel se divise grosso modo en veine débile et veine malsaine), elles ont un aspect d’œuvrettes qui ne permet pas d’envisager pour elles une longue durée de vie ni un retentissement extraordinaire. D’où cette précision : « Dès la première année, un budget de 80 000 € est réservé à l’entretien des œuvres et les services techniques de la Ville sont mobilisés pour répondre aux éventuelles dégradations » lesquelles dégradations, après tout, pourraient être faites au nom de notre droit à interroger les fonctions historiques, sociales et idéologiques de la culture contemporaine, et à critiquer nos systèmes de représentation de façon turbulente (cf. supra)…<o:p></o:p>

    En décembre dernier, la Maison des Artistes a protesté contre l’attribution de toutes ces commandes à des artistes étrangers. Outre qu’il ne va pas de soi que la préférence nationale doive s’appliquer dans ce domaine, il est probable que le choix d’artistes français n’aurait pas modifié sensiblement le résultat, vu le caractère international de l’art contemporain (d’aucuns diront apatride) et l’aspect politique d’un programme qui se veut représentatif d’une culture déterminée : les neuf zœuvres (appelons-les ainsi) « constituent un ensemble exemplaire de ce qu’est la commande publique artistique à Paris. » On ne saurait être plus clair.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>


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