Editorial
Beata ubera - Birkini - Abou Dhabi
Une dépêche de lAFP du 28 février annonçait la découverte dune statue «dune Vierge impudique» du XVIe siècle. «Joyau de lart breton, la vierge de Kerluan tient entre ses doigts un téton fièrement dressé, prêt à nourrir le divin enfant. La statue, en granit, avait été cassée lors de la Révolution, puis reconstruite, avant dêtre enterrée par labbé Alfred Le Roy [en 1904], curé de Châteaulin, qui décida de la remplacer par une vierge en plâtre, plus pudique.» Brave curé de Châteaulin, en avance sur la réforme iconoclaste Vatican II ! Remplacer une Vierge en granit par une Vierge en plâtre est déjà une belle preuve de goût. Un détail en passant, de ceux qui échappent aux journalistes : la Vierge «a été mise au jour début février à la faveur de travaux entrepris après le passage de vandales dans la chapelle.» Des Vandales ? ou des Sarrasins ?
Réaction révélatrice, et sur deux points : artistique, social. Elle confirme que les journalistes nont aucune notion dhistoire de lart. Des Vierges qui allaitent, il y en a eu beaucoup, dès les treizièmes quatorzièmes siècles. Le Greco, De Vinci, Zurbaran, Gossaert, G. David, Bramentino en ont peint. Outre que cette représentation simposait quasi naturellement du fait de la Maternité de la Vierge, elle trouvait sa justification dans lévangile selon saint Luc quon lit le troisième dimanche du Carême (11, 14-28), avec ces paroles dune femme du milieu de la foule qui écoutait la prédication du Christ : «Heureux le ventre qui vous a porté, et les mamelles que vous avez sucées.» (Beatus venter qui te portavit, et ubera quae suxisti) Ce que le Christ ne contredit pas.
Elle confirme également que désormais lallaitement est choquant. Activité impure, contraire à lhygiène. En cela, cette histoire de sculpture est la suite de cette histoire de santon (lovendrin, n°15, page 12) représentant la Vierge enceinte (citons en passant la belle Madonna del Prato de Piero Della Francesca), ce quune dépêche jugeait devant être scandaleux. Cette haine de la représentation de la maternité correspond à la promulgation de limage positive de lavortement. Celui-ci encouragé, celle-là de plus en plus tabou.
Burkini
Résolument pudique sannonce la mode à venir, avec le burkini, costume de plage mis au point par une musulmane australienne pour que ses coreligionnaires puissent «elles aussi sadonner aux joies de la plage tout en respectant leurs convictions» (AFP) Article mensonger, puisque le burkini est annoncé «entre burka et bikini» ; or on nous le décrit enveloppant «lensemble du corps, des cheveux jusquaux chevilles» (photos), il na donc aucun rapport avec aucun bikini. Il y a là une manière de vouloir nous faire croire que lIslam entre en modernité via le respect de la femme alors quil nen est rien ; le mufti dAustralie Taj Aldin al-Hilali ne sy est pas trompé et a donné son accord pour la commercialisation de ce qui nest rien dautre que le costume de bain des années 1890, version polyester (et encore! celui de Mme Vernet dans Lécornifleur était «collant, révélateur, couleur de chair, transparent»). Calculez vous-même le retard, et imaginez un remake hallal dAlerte à Malibu
ou bien Ursula Andress sortant de leau en burkini... et faites faire un seul tour à votre sang.
Le Louvre sexporte en pièces détachées. Cela aboutira peut-être à son démantèlement. Si une concentration duvres en un lieu présente des risques imaginez le Louvre glissant tout entier dans la Seine, «et létang profond et croupi placé à mes pieds se referma tristement et silencieusement sur les ruines de la maison Usher» et si, donc, un semis minimum à létranger est souhaitable, les prêts envisagés dans le cadre du futur Louvre Abou Dhabi ne présentent pas toutes les garanties. Les émirats Arabes Unis sont-ils un endroit sûr ? Il nest pas évident que linstallation duvres occidentales chrétiennes agrée à tout le monde, ni que des nus féminins désarment des bras doryphores. Il est douteux quelle sorte les Arabiens de cette léthargie spirituelle quest laniconisme, lequel peut se transformer en un fébrile iconoclasme. Bien sûr, tout va pour le mieux : il sagit «de porter le message universel et humaniste voulu par les deux pays»* ; ou, comme la écrit Jacques Chirac au Président des éAU à cette occasion, de défendre «la conception dun monde où lon peut être fier de ses racines et de son identité, mais également tourné vers lAutre et conscient de légale dignité de toutes les cultures.» Cest pour de faux : car on sait que Chirac (qui va désormais habiter rive gauche) a honte de ses racines et quil est convaincu de la supériorité des cultures extra-européennes. En réalité ce discours culturel nest quun alibi, lapport financier de lopération étant lélément déterminant. Comme le constate Laurent Dandrieu : cette location «témoigne surtout de la faillite de nos finances publiques, et de lincapacité de létat à assumer les charges financières de sa politique culturelle tous azimuts. On avait pourtant cru comprendre que lexception culturelle, cétait de ne pas considérer les uvres comme des marchandises. Il faut donc en convenir : lexception culturelle est morte à Abu Dhabi.»** Le Ministre de la C. & C., Ph. D. de V., a quant à lui rassuré les conservateurs des Musées de France: les uvres prêtées seront insaisissables, les Français procèderont eux-mêmes à la sélection. Enfin «Non, il ny a pas dinterdits quant au choix des uvres. [...] Il est évident que nous devrons faire preuve de tact et que nous nallons pas délibérément rechercher la provocation en organisant par exemple une exposition sur lérotisme des grands maîtres.»* En cas de désaccord, je suggère quon revête les sculptures de burkinis.Abou Dhabi
Samuel
*Dossier de presse: Création du musée universel Louvre Abou Dabi, (6 mars 2007).
**Sur le blogue Valeurs Actuelles (7 mars 2007).