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Lovendrin, l'actualité des expos parisiennes!

Renoir

Au Grand Palais

Renoir

Présent du 21 novembre 09

Il est d’autant plus nécessaire de visiter la rétrospective Renoir au Grand Palais que Renoir un des peintres les plus imbuvables qui soient – en reproduction. On ne peut le voir qu’en peinture.

Autre raison : la période concernée, les vingt-cinq dernières années de sa vie (1894-1919), souvent oubliées, voire méprisées au profit des années impressionnistes. Renoir s’est détourné de l’impressionnisme dans les années 1880. Dans sa maturité, il privilégie la peinture d’atelier. Sa méfiance à l’égard de tout système et son admiration pleine de simplicité pour le monde qui l’entoure le poussent à peindre avec comme unique fin la satisfaction d’avoir saisi une miette de beauté. Son art est pour l’essentiel un art de la figure plus que du portrait, ses baigneuses situent le nu hors du temps. Dans ce début XXe où fleurissent les –ismes, il affirme sa volonté de se maintenir sur un plan décoratif.

On oublierait facilement, en regardant les toiles de la maturité, que l’artiste était perclus de rhumatismes. Il perdit l’usage de ses jambes, puis de ses mains, la gauche recroquevillée. Renoir apparaît filmé au chevalet, clope au bec. Un assistant lui tourne sa palette, lui met le pinceau en main. Il donne un coup de brosse, rejette le buste en arrière, cligne de l’œil. Le contraste entre le corps meurtri et l’œil vif, est saisissant. Le film est muet mais Renoir a la langue bien pendue. C’est une courte séquence qui correspond à l’image qu’a donnée de son père Jean Renoir, le cinéaste, dans les souvenirs qu’il lui a consacrés (Pierre-Auguste Renoir, mon père, 1962).

Du peintre, né à Limoges en 1841, le fils a retracé l’enfance dans une des vieilles maisons du XVIe siècle entre Louvres et Tuileries, puis au Marais rue des Gravilliers, autre couloir de maisons tortes. Marqué par cet environnement, Renoir concevra un profond mépris pour Viollet-le-Duc et Hausmann. Son père était tailleur. L’aîné fut mis en apprentissage chez un orfèvre de la rue des Petits-Champs, et lui chez un peintre sur porcelaine rue Vieille du Temple dans les années 1855.

Suivent les études dans l’atelier de Ch. Gleyre aux Beaux-Arts, la constitution de la bande impressionniste, le combat des années 1870 ; puis, le combat livré, le retour de chacun dans son foyer. Renoir trouve en Aline Charigot une épouse attentive à ce que la vie s’organise pour qu’il puisse peindre en toute quiétude. Entouré de ses enfants, de ceux du voisinage, des bonnes et des modèles, Renoir partage sa vie entre un Montmartre encore populaire, le village d’Essoye (Aube) d’où est originaire sa femme, puis Cagnes où le soleil soulage ses articulations. Il y achète le domaine des Collettes, qui devient un lieu de pèlerinage. Matisse fut un des visiteurs réguliers : « Le grand bénéfice que j’ai tiré de mes visites chez Renoir fut de constater qu’après une longue vie de travail, la curiosité d’un artiste pouvait ne pas être épuisée. Et c’est l’espoir d’un progrès à ajouter à son œuvre qui tenait Renoir en vie. »

Bien des aspects de la peinture de Renoir sont peu attractifs : la touche savonneuse, les harmonies acides, les tons roses et orangés répétitifs. Cependant certains tableaux ont un goût de revenez-y. En les rassemblant, je constate que ce sont ceux pour lesquels posa Gabrielle. Jeune paysanne d’Essoye, Gabrielle fut engagée pour s’occuper du jeune Jean. Plus tard elle s’occupa du vieux peintre malade. Elle fit partie de la famille Renoir entre 1894 et 1914. Pendant cette période, elle pose pour près de deux cents tableaux : Gabrielle et Jean (1895), Gabrielle à la rose (1899, puis autre version en 1911), Gabrielle lisant ou reprisant (1906)… Encore elle dans La danseuse aux castagnettes (1909) et, je suppose, dans cette femme qui se coiffe (illustration).

Renoir a eu beaucoup de modèles, mais Gabrielle ne paraît pas avoir été « une parmi d’autres ». La masse de sa chevelure brune constitue une base solide sur laquelle établir une harmonie contrastée, du coup la fadeur qui voile tant de toiles est absente. L’affinité entre un peintre et un modèle n’est pas si courant. De même qu’on associe Raphaël et la Fornarine, Maillol et Dina Vierny, on peut associer Renoir et Gabrielle, pour l’amour de l’art.

L’œil ingénu de Renoir lui a fait contempler le monde avec un grand bonheur. La crainte de « penser » son art l’a peut-être limité en partie. Il a toujours voulu rester dans les bornes d’un art vécu comme un artisanat. «Moi, du génie ? Quelle blague ! Je ne prends pas de drogues, n’ai jamais eu la syphilis et ne suis pas pédéraste ! Alors ?... » Alors il n’aurait pas fait un bon ministre de la Culture, mais il a été un bon peintre.

Samuel

Renoir au XXe siècle.

Jusqu’au 4 janvier 2010, Galeries nationales du Grand Palais.

illustration : P.-A. Renoir, La toilette, Musée d'Orsay © Rmn / Hervé Lewandowski

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