Au musée des Arts & Métiers
Un siècle de béton
Présent du 16/12/2006
Le béton est un thème qui convient à cette période de pénitence relative qu’est l’Avent, même si ce n’est pas cela qui a incité le Musée des Arts et Métiers à prolonger son exposition. La présentation (des schémas, des maquettes, des échantillons), essentiellement didactique, en réserve l’accès à ceux qu’intéressent l’architecture moderne ou les questions techniques.<o:p></o:p>
Le béton fut d’abord romain (les voûtes du Panthéon, à Rome, en restent le meilleur exemple) ; la recette se perdit jusqu’à ce que notre modernité, à tâtons, la retrouve et l’enrichisse. Déjà très employé depuis la fin du XIXe, bien que la discrétion dans son emploi ait été de mise par le jeu des parements (c’est le cas de l’église Saint-Jean de Montmartre), le béton est devenu fort visible dans les reconstructions d’après guerre, auxquelles sa mise en œuvre rapide répondait idéalement, et ce d’autant plus que naissait l’idée d’un béton assumant sa nudité, d’un béton matériau noble. Après avoir été armé, contraint, pulsé, le béton du futur s’annonce translucide, et même flottant : il l’est déjà à titre expérimental.<o:p></o:p>
L’approche est donc matérielle, quantitative et non esthétique – c’est toute la limite de l’exposition. A aucun moment n’est posée la question du résultat souvent inhumain de ces réalisations désincarnées, où l’obsession de la concrétisation d’une idée ne tient aucun compte de l’environnement dans lequel le bâtiment s’inscrit, ni des usagers qui le fréquenteront. Du mesquin béton de l’habitat démocratique au béton démesuré des chantiers de haut vol, seul semble importer le quantitatif. Il est manifeste que le gigantisme et la recherche de formes jamais vues tiennent lieu d’esthétique. Cette « audace » n’est-elle pas qu’apparente ? Les connaissances de la résistance et de la mécanique du béton, les calculs réalisés par ordinateur sont autant de garanties qu’un projet soit viable. L’effondrement du terminal 2E de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, en mai 2004, reste une exception (Paul Andreu, l’architecte, déclara niaisement : « Il y a des gens qui pleurent [les quatre morts] mais je sais que ce bâtiment a aussi rendu des gens heureux. »). Nos modernes prennent beaucoup moins de risques que les bâtisseurs gothiques dont on sait combien la volonté de s’élever toujours (plus orgueilleuse que pieuse) fut cause d’effondrements rapides, dont celui des voûtes de Beauvais en 1284 marqua durablement les esprits. Henri Charlier disait d’ailleurs que si les architectes gothiques avaient connu le béton ils l’eussent employé comme le matériau qui correspondait le mieux à leurs objectifs. L’exposition du musée des Arts et Métiers nous rappelle, par la place faite aux maquettes d’églises, que l’architecture religieuse moderne n’a pas hésité à l’utiliser, ce fameux béton ; l’aspect bizarroïde, voire patatoïde, de ces bâtiments semble l’expression ultime de l’idée de dieu que peuvent avoir les architectes athées à qui on fait en général appel – au mépris de la fin liturgique qui devrait primer tout autre considération. (Le Corbusier avec sa chapelle de Ronchamp est le grand absent de l’exposition, c’est regrettable : ses cités, ses « barres » promises au bonheur n’ont-elles pas tenu leurs promesses ?) Bref, la réflexion de Bernard Bouts est toujours d’actualité : le béton est un matériau comme un autre, mais qui n’a pas encore trouvé son architecte.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Béton: étonnez-vous,
Musée des Arts et Métiers jusqu'au 4 mars 2007
légende photo : Viaduc de Millau, © Photolibrary Eiffage
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