des visiteurs<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
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ors de lexposition Barnes au musée dOrsay (en 1993, me semble-t-il), exposition qui présentait la très-complète collection de ce docteur, je fis la queue deux heures et demi dans un froid prononcé et sous la neige. La joie de voir les toiles rares lemportait sur le désagrément du climat. Au cours de la visite, cependant, je fus amené à me demander ce qui avait poussé certains visiteurs à affronter lhiver, car lamour de lart nétait pas, à lévidence, ce qui les avait menés là. Devant un nu ovale de Van Gogh, un père expliqua à son jeune fils que cétait « mal peint exprès ». (On me rapporte quon put lire semblable appréciation sur le livre dor de lexposition Vuillard au Grand Palais : « Cest moche exprès. ») <o:p></o:p>
Il faut croire que les nus stimulent les imbéciles : toujours chez Barnes, devant un magnifique grand nu de Modigliani, un visiteur, montrant de lindex lombre de la raie des fesses, déclara à ses amis : « Celle-là, elle est mal torchée. » Jai honte de rapporter cette double grossièreté, et de langage, et de pensée la première étant bénigne, dailleurs, par rapport à la seconde mais elle est si significative ! Rien ni personne ne forçait ces gens à voir cette exposition, sauf peut-être que cétait une grande exposition. À ce titre, elle avait bénéficié dune réclame réitérée jusque dans les pages les plus culturelles des magazines télé, devenant ainsi un événement obligatoire pour les personnes les moins concernées.<o:p></o:p>
Les gens instruits peuvent avoir des sorties surprenantes. Lors dune expo- sition de gravures de Corot à la Bibliothèque Nationale, jentendis un vieux monsieur à serviette dire à un deuxième vieux monsieur à serviette : « Mais enfin ! Bracquemond était un graveur néo-platonicien ! » Perspectives infinies <o:p></o:p>
Plus redoutables que nimporte quels visiteurs isolés sont les groupes. Une douzaine de femmes se cultivant sous lautorité dune maîtresse-guide compro- mettent sans effort votre visite. À vous de ruser pour éviter leur attroupement inerte devant telle toile et surtout, surtout ! mettez tout en uvre pour ne pas entendre un seul mot de la guide. Il y a une chance que ce soit plat, un risque que ce soit une horreur. Jai entendu, à lexposition « Gauguin et Pont-Aven » (au Luxembourg), une guidesse expliquer avec un sourire entendu que « Gauguin aimait les petites filles. » Maudit soit-elle.<o:p></o:p>
On va dire que je men prends aux dames encore ! Ma chronique sur les bas-bleus dans le numéro de septembre ma valu des lettres ulcérées, la plupart de femmes qui nétaient pas visées mais sy sont reconnues. En réalité je ne fais que souligner la détestable oisiveté à laquelle les femmes sont soumises dans notre société sexiste : car si les méchants mâles les laissaient travailler, elles nencom- breraient pas les salles de musées. Cela mamène à un deuxième sujet.<o:p></o:p>
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des censeurs<o:p></o:p>
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ésormais vous serez passibles dun an de prison et dune forte amende lorsque vous utiliserez des termes sexistes ou homophobes ; je dis : vous, car moi je nen utilise jamais, comme bien vous pensez. Remarquons, en passant, que considérer pédé comme une insulte revient à reconnaître quêtre chevalier de la manchette est une tare (Jemprunte cette jolie expression à Jean-Jacques.) Mais je ne sais pas si le législateur et les obsédés censeurs voient si loin. Jaurais plutôt tendance à penser que leurs vues sont singulièrement bornées. Pour éviter cette malheureuse conséquence, allons au delà de cette loi timorée : obligeons tout un chacun à utiliser ces termes comme compliments. Que p***, s***, et autre c***, ainsi que t*** et p***, soient pris de façon laudative. On dira par exemple à la personne qui tient la porte devant nous : « Vous êtes une belle tantouse. » - en guise de louange. Si cette personne le prenait mal, elle serait poursuivie pour homophobie. Hélas, je sais que ma proposition sera jugée irrecevable, elle est trop audacieuse. Dommage, on se serait amusé un peu.<o:p></o:p>
G. Lindenberger<o:p></o:p>