Un truc dans l’œil de la Joconde
Inflammation médiatique : la Joconde serait un homme ! Un chercheur italien aurait trouvé, cachés dans les yeux, un L et un S, comme Leonardo et Salai – ce dernier, un de ses apprentis et amant. Une trouvaille réfutée par le Louvre, qui explique que les microscopiques craquelures de la couche picturale suffisent à expliquer cette lecture. Les désœuvrés chercheront-ils, dans ce regard, les alphabets latin, hébreux et runique, ad libitum ? En 1919, Marcel Duchamp avait affublé la Joconde des lettres L.H.O.O.Q. L’initiative était moins bête : elle avait la franchise inutile du dadaïsme.
L’hypothèse que la Joconde soit un homme, présentée comme nouvelle par des médias incultes, est assez ancienne. Plus qu’incultes, les médias promeuvent surtout Giton et compagnie, voire la gender theory : quelle belle application culturelle du libre choix de l’identité sexuelle, vue comme une option elle aussi culturelle.
Sans compter les innombrables délires ésotériques qu’éveille la Joconde dans les esprits brumeux, les suggestions d’identification du modèle s’accumulent : portrait de Salai ? autoportrait travesti ? portrait de la mère de l’artiste ou de Catherine Sforza ? Un chercheur analyse le portrait comme celui d’une indigne prostituée, un autre comme celui d’une respectable femme enceinte… Dans ce débat, qui accouche, sinon – d’idées peu viables – les cerveaux de tous les Dan Brown au petit pied ?
Hypothèse audacieuse, hétérosexuelle : et si la Joconde était le portrait de Lisa del Giocondo ?
Martin Schwa
Présent du 11 février 2011