• Aux Beaux-Arts
    Baroques et Flamands<o:p></o:p>

    Présent du 6 mars 2010<o:p></o:p>

    Il a été récemment parlé de l’ENSBA pour une ridicule histoire de calicots installés en façade, ôtés avant d’être remis en place. Travailler plus pour gagner moins : variations sur un thème présidentiel, l’artiste se croyant provocatrice, la direction prétendant à la neutralité – c’est Guignol. En fait, l’événement artistique est à l’intérieur. Rien d’inconnu dans ces dessins baroques flamands, mais le Beau, depuis l’Expulsion, est une provocation.<o:p></o:p>

    Au XVIIe siècle en Flandres tout le monde gravite autour de Rubens (1577-1640). Il fonde son atelier en 1609 à Anvers ; en 1611 c’est près d’une centaine d’élèves possibles qu’il refuse. Le Maître distingue et encourage tout homme talentueux qui croise sa route. <o:p></o:p>

    Parmi les artistes qui ont fréquenté son atelier, on trouve Schut, poète, peintre et graveur un peu froid ; Soutman, aux beaux lavis encore humides (L’enlèvement de Proserpine) ; Van Thulden, qui vint avec Rubens à Paris et collabora aux tableaux du palais du Luxembourg ; Van Diepenbeck, entré à son retour de Rome chez Rubens qui sut développer son talent de coloriste. Et il y a le grand Van Dyck (1599-1641).<o:p></o:p>

    Jean-Baptiste Descamps, dans sa Vie des peintres flamands, allemands et hollandais, rapporte une anecdote qui illustre la reconnaissance précoce du talent d’Antoine van Dyck. Rubens étant sorti prendre l’air après une journée de travail, quelques élèves pénétrèrent dans son cabinet afin d’ « observer sa manière d’ébaucher et de finir ». Le susnommé Diepenbeck trébucha, tomba sur le tableau : effacé, le bras de la Madeleine ! Effacés, la joue et le menton de la Vierge ! Le travail de la journée était perdu. Les élèves s’apprêtaient à s’enfuir lorsque l’un d’entre eux proposa qu’on essayât de repeindre la partie perdue ; et d’ajouter que Van Dyck était l’unique qualifié pour cela, ce à quoi les autres opinèrent. Van Dyck tergiversa puis s’y résolut : perdu pour perdu… Le lendemain matin, Rubens, « en présence de ses Elèves qui tremblaient », examina son tableau et dit : « Voilà un bras et une tête qui ne sont pas ce que j’ai fait hier de moins bien. » Certains prétendent que, mis au courant, Rubens effaça la partie incriminée ; d’autres qu’il la laissa telle quelle. On parle là de la Descente de la Croix de la cathédrale d’Anvers.<o:p></o:p>

    Le martyre de sainte Catherine date des années 1618-1621, années où Van Dyck se dégage de l’influence de Rubens. Tant de mouvement, tant de lumières heurtées : le sujet ne se dégage que lentement. Il semble que Van Dyck ait choisi de représenter l’instant où un ange fait éclater les roues prévues pour le supplice de la jeune fille qui, non contente de refuser de sacrifier aux idoles, avait converti le général, l’impératrice, les soldats. L’explosion tua 4000 païens.<o:p></o:p>

    Le portrait du peintre Gérard Seghers, son ami et contemporain (1591-1651) est un admirable dessin à la plume, au lavis brun et encre de Chine (illustration). Drapé dans son manteau, les cheveux en désordre, l’homme montre le caractère doux et aimable qui était le sien. C’est une esquisse pour une gravure de l’Iconographie des hommes illustres.<o:p></o:p>

    Franz Snyders (1579-1657) n’est pas un élève de Rubens mais un collaborateur occasionnel. Excellent dans les fruits et les animaux, il se chargea de ces parties dans certaines toiles de Rubens, tandis que celui-ci peignit des personnages pour les tableaux de Snyders. Les Anciens ne voyaient aucune difficulté morale ni technique à procéder ainsi. De Snyders, l’Ecole possède des ricordi, dessins secs à la plume, relevés de trois peintures afin de garder trace des compositions.<o:p></o:p>

    Une dizaine de dessins de Jacob Jordaens (1594-1678), autre collaborateur du Maître, témoigne d’une facilité aimable et de la tendance vulgaire de son trait. Il utilise le lavis brun relevé de tons de gouache qui colorisent l’ensemble. La Scène de cuisine, mélange de scène de genre et de nature morte, est assez typique de sa manière. Elle était destinée à devenir un carton en vue d’être tissée. D’autres dessins également, Jordaens ayant transcrit en carton nombre de dessins de Rubens. <o:p></o:p>

    Un grand dessin, intitulé La fabrication et l’adoration des idoles, daté du 20 mars 1658, représente un atelier où un sculpteur achève la statue d’une femme nue portant une corne d’abondance, devant laquelle se pressent déjà des adorateurs. Il s’agit vraisemblablement d’une allusion à l’Eglise catholique. Jordaens devait quelques années plus tard se convertir au calvinisme.<o:p></o:p>

    Je ne terminerai pas sans mentionner les petits paysages de Gillis Neyts, plume, encre et aquarelle, délicats et sensibles. Le Louvre en possède également une série, ainsi que des figures pour lesquelles il n’était pas moins doué.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Le Baroque en Flandres : Rubens, Van Dyck, Jordaens

    Jusqu’au 7 mai 2010, ENSBA, 14 rue Bonaparte, Paris VIe.

    illustration : Anton van Dyck, Portrait de Gérard SeghersInv. n° E.B.A. 1712 (van Dyck)<o:p></o:p>


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