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Par schwa1 le 2 Novembre 2006 à 19:06
MAZETTE
Français.
- Lart contemporain, cher au ministre de la C. et de la C., R. D. de V., va bénéficier dun «plan daction et de développement». Rien de choquant puisque lart contemporain est lart officiel: à ce titre il doit être soutenu. Soutenu et enseigné: le Centre Européen de Création contemporaine projeté servira aussi à cela. Le caractère pervers de ce plan daction saffirme dans la volonté de mêler art contemporain et patrimoine: des uvres seront prêtées aux musées régionaux et la Galerie des Gobelins rouvrira pour des expositions «alliant lart contemporain et les collections nationales de tapisseries et mobiliers», histoire que la confusion sétablisse et que prévale lidée dune continuité créative, dune parfaite égalité entre les époques - alors que lart contemporain revendique le principe de rupture totale avec le passé.Américain. -
Le milliardaire Steve Wynn a percé dun coup de coude un Picasso de sa collection. «Oh m..., regardez ce que jai fait», a-t-il lancé après avoir perforé la toile alors quil la montrait à des amis. Il sapprêtait à la revendre au prix de 139 000 000 $, «la plus grosse somme dargent jamais payée pour une peinture» selon lui - une réflexion à la hauteur de ses préoccupations esthétiques.Etasunien. -
La Kesting Gallery, à New York, senrichit dune nouvelle création de Daniel Edwards: Suri Cruises First Poop, comprenez: «premier popo de la fille des très-médiatiques Katie Holmes et Tom Cruise». Pas tout à fait de lart pour lart, malgré les apparences, puisque le bronze est mis aux enchères au profit dune association humanitaire (pour une valeur estimée de 10 000 $). Une précédente sculpture de Daniel Edwards, aux rayons immondices, était plus ambitieuse: la chanteuse Britney Spears accouchant à quatre pattes sur une peau dours. Ce monument se voulait «Pro-Life», hommage à une femme qui privilégie sa famille et non sa carrière. Telle est la forme plastique que prennent les bons sentiments quand ils sexpriment de façon moderne (lhyper-réalisme étant lune des deux ornières de lart contemporain).GAZETTES
Local. -
Dans la Gazette du Val dOise du 20/09/06, aperçus du procès dun exhibitionniste (multirécidiviste et en psychothérapie) devant le Tribunal correctionnel de Pontoise: «Le psychiatre dit que cest pour combattre ma timidité que je fais ça. Le juge dapplication des peines estime quil faut beaucoup de courage pour se mettre nu en public et que je devrais maintenant utiliser ce courage pour aller vers les autres.» Du courage et de la timidité en effet, puisquil cible les adolescentes (sa plus jeune victime avait onze ans). Pour le reste: jet de pierres sur le train Survilliers-Paris, tandis que le Saint-Lazare-Gisors est stoppé sur les voies, caillassé, tagué ; ailleurs deux personnes sont agressées par vingt autres armées de battes et de barres de fer. Joubliais: le déjeuner champêtre du Front National naura pas lieu à épinay-Champlâtreux, grâce à lintervention du maire. Tout va donc très bien.Ecclésial. -
Lecture instructive que celle de léditorial de La Vie du 14 septembre dernier, à limage de son auteur Jean-Pierre Denis: bien-pensant impitoyable. Reprochant à labbé Laguérie davoir été «successivement catholique, lefebvriste et sans-église-fixe», il montre dans quelle estime il doit tenir les «sans», sans-domicile ou sans-papiers; son sens bourgeois des convenances est heurté par le fait que labbé Laguérie ait célébré les obsèques dun condamné et quil ait été, un temps, «au centre dun procès». On laura compris: J.-P. D., ami de lordre public et soucieux de «lémotion de nos nombreux lecteurs protestants et orthodoxes», napprécie pas «cet agitateur». Doù une rafale de questions: «êtes-vous daccord, abbé Laguérie?... Mais alors, que faites-vous...? êtes-vous daccord, abbé Laguérie?... Mais alors, continuerez-vous...? êtes-vous daccord, abbé Laguérie?... Mais alors, que dites-vous...? êtes-vous daccord, abbé Laguérie?...» être assesseur dun inquisiteur ne lui aurait apparemment pas déplu: M. Denis aime être du côté du manche. Notre époque, qui méconnaît les talents, lui a donné un emploi de Père Fouettard à La Vie, ce magazine qui porte «un regard ouvert et généreux sur lactualité».
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Par schwa1 le 2 Novembre 2006 à 19:03
La poésie est bien mal en point, depuis plus dun demi-siècle. Non quon nen veuille plus : on en veut, comme le montre le succès de quelques chanteurs français de variété, chez qui la poésie, fatiguée, semble être en villégiature. On trouve chez tel ou tel, des traits poétiques qui, sans atteindre des sommets, gardent une authenticité et un charme certains, lesquels charme et authenticité font cruellement défaut aux poètes professionnels, qui tournent à vide, ayant fait du contournement un maniérisme dont ils ne se dépêtrent point. René Char tu aurais mieux fait de partir, René Char ! , que son passé de résistant a élevé au rang de prince des poètes, reste le meilleur exemple dobscurantisme :
pour labondance
de larme répandue
du haut
en bas
par le bas au plus haut trop grande foi
par jeu vie perdu
de soif
mourir par abondant défaut
Je mégare : il me revient que, sous cette orthographe et disposition typographique contemporaine, se cache en fait un quatrain de Nostradamus :
Pour labondance de larme respandue,
Du haut en bas par le bas au plus haut :
Trop grande foy par ieu vie perdue,
De soif mourir par abondant defaut.
(Centurie VIII, C)
Nostradamus prophétisait en vers, nos poètes versifient des obscurités. La filiation sétablit aisément par les romantiques qui ont fait du poète un prophète (celui-ci parlait encore clair), et par Rimbaud qui en fit un voyant pas toujours lumineux ; Mallarmé accrût lobscurité. Nous en sommes aux poseurs de devinettes sur la route de Thèbes.
Ne désespérons pas. Le xviiie eut aussi son désert. Sûrement quen ce moment deux trois poètes inconnus écrivent les vers qui nous réjouiront demain. Quant à la poésie, qui était ainsi vêtue du temps dAndré Chénier :
Lamiante et la soie, en un tissu divin,
Répandaient autour delle une robe flottante
(Bucolique)
victime de la loi contre lamiante et grande pudique, elle sest retirée dans ses appartements. Quand reviendra-t-elle ? Dans quels atours de quel couturier ? Ce sera en tout cas une belle surprise. Alors rentreront dans le néant tous ces « poèmes » qui ne sont rien, suivant ce que disait déjà le bienheureux Raymond Lulle : «Les écrits inintelligibles sont comme sils navaient jamais été écrits.»1
I.
Quon ne sache pas profiter de la poésie déjà chantée est autrement plus grave que cette éclipse. Quel massacre ! On ampute allègrement les vers de tel ou tel pied en ne tenant pas compte de la diérèse et du e muet, sans entendre que cela claudique. Vulcain dansant Or la poésie est avant tout une question de rythme. Daprès la définition donnée par Edgar Poe, elle est « une création de beauté par le rythme »2 , définition générale, valable pour toute langue, précise et sûre, contrairement à tant dautres qui se crurent obligées dêtre nébuleuses parce que la poésie a quelque chose de céleste. Ce principe du rythme est la base de toute réflexion sur la poésie.3 Pour avoir méconnu ce principe (les traités de versification courants consacrent grosso modo un paragraphe à la prosodie et le reste du livre à répertorier les vers, les strophes et les licences ce sont des catalogues et non des traités), nos Modernes ont appelé archaïsmes des procédés intimement liés à lexpression du rythme.
Le français, comme toute langue, a son rythme propre, qui naît de la succession de syllabes accentuées et non-accentuées (temps forts, temps faibles). Laccent tonique en français se pose sur la dernière syllabe prononcée du mot. Cette accentuation vient de lévolution des mots latins, qui se répartissaient en trois catégories suivant leur accentuation,
1. mots oxytons : les mots dune syllabe. Laccent reste sur cette unique syllabe en français. Ex : sal, sel.
2. mots paroxytons, accentués sur lavant-dernière syllabe. La dernière syllabe a disparu et la syllabe accentuée est devenue finale. Ex : bonitate, bonté.
3. mots proparoxytons, accentués sur lantépénultième. La réduction syllabique aboutit au placement final de la syllabe accentuée. Ex : opera, uvre.4
Cet accent tonique sur la dernière syllabe est la clé de la poésie française.5
Linitiation à la poésie devrait passer par cette prise de conscience de laccent tonique. Apprendre à « mettre le ton » est bien ; « entendre laccent » devrait être enseigné dès que possible.*
Cependant, dans un groupe de mot formant grammaticalement un tout, la tendance est daccentuer le dernier mot du groupe, les accents des mots précédents disparaissant. Comparez : la maison est belle et la belle maison ! Laccent nest donc pas fixe : la poésie va abondamment jouer de cette variabilité. Bien sûr, la suppression des accents ne peut se faire que si le nombre de syllabes concernées est restreint, car on revient au principe la phrase a besoin daccents. Ainsi « belle » sera accentué si on ajoute une syllabe à ce même groupe nominal : la très belle maison ! Cette obligation davoir des accents nous permet de poser comme loi que quatre syllabes peuvent se contenter dun seul accent final, alors que cinq et plus demandent un second accent intérieur, qui sera légèrement plus faible que le final. Le même phénomène se constate pour les mots de plus de quatre syllabes. Quelques exemples chez Chrétien de Troyes :
Felenessemant santrespruevent
(Yvain, v. 835)Par sa longueur, ce mot réclame un second accent : un accent intérieur, comme pour un groupe de mots. Le mécanisme est le même. Il semble quil puisse recevoir cet accent indifféremment sur la deuxième ou troisième syllabe (felenessemant ou felenessemant) ; cependant, si on replace le vers dans son contexte, la première solution est la bonne :
Et sor les piz, et sor les hanches,
essaient les espees blanches.
Felenessemant santrespruevent.
Il semble que laccent se porte sur le deuxième pied du vers par mimétisme avec le vers précédent, nous constaterons cette tendance dans dautres cas. Dans la même uvre on rencontre des mots de six syllabes :
Et vos man savrïez6 mal grési vos recorrocerïez
et men remenacerïez. (vv.
1687-1688)À lépoque de la Renaissance, on se méfie de ces mots ; lexemple de quelques mots grecs et latins inutilisables en vers à cause de leur structure prosodique a pu influencer cette méfiance.
lisez l'intégralité de l'essai d'Amédée Schwa dans lovendrin n°14
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Par schwa1 le 2 Novembre 2006 à 18:59
Voltaire tel quen lui-même...
Les contemporains avaient noté le caractère dogmatique, intolérant et sectaire des Philosophes français et de Voltaire tout particulièrement. Mais Condorcet, en publiant la Correspondance du Maître, lavait amicalement expurgée de tout ce qui pouvait nuire à son image. Plus récemment, les sérieux auteurs du Dictionnaire général de Voltaire (2003) avaient pris le soin, par des notes euphémiques et des glissando habiles, den guider la lecture : une paire dillères, pour ainsi dire, était fournie avec. Une lecture objective, un dépouillement des textes et des volumineuses correspondances du XVIIIe, auront eu raison de ces travestissements: avec Voltaire méconnu, le Pr. Xavier Martin signe un «Voltaire mis à nu» aussi inattendu (et pour certains aussi scandaleux) que le fut la sculpture de Jean-Baptiste Pigalle.
Le Voltaire dépeint ici (colérique, rancunier, hypocrite, jaloux, méprisant, haineux) séloigne radicalement du buste ordinaire ; et, sil est normal de séparer un homme de son uvre, dans le cas de Voltaire qui eut le rôle dun donneur de leçons on est fondé à les rapprocher car il apparaît, dune part, que des défauts fort répandus dans lhumanité atteignent chez lui un seuil pathologique et que, dautre part, son tempérament est trop en contradiction avec les idées quil professa pour quon ne puisse pas parler dhypocrisie. Dautant plus quoutre les défauts communs Voltaire en cultiva de plus rares, comme celui de dénonciateur ou dembastilleur. Le Pr. Martin avait dans un précédent ouvrage (LHomme des droits et lhomme et sa compagne) évoqué le racisme voltairien ; ce racisme se relie très logiquement à sa haine de lhumanité en général, à sa haine de lhomme fait à limage de Dieu - notion insupportable pour Voltaire.
On mesure page après page lignominie dun Voltaire souvent monomaniaque ; on finirait pas trouver Rousseau sympathique. Cest assez indiquer le caractère de luvre et de lhomme.
Xavier Martin, Voltaire méconnu, Aspects cachés de lhumanisme des Lumières (1750-1800), Dominique Martin Morin, septembre 2006, 350 pages, 26 euros.
Commandez ce livre sur internet:
http://www.decitre.com/livres/Voltaire-meconnu.aspx/9782856523032
http://www.librairiecatholique.com/Livres/Litterature/Essais.asp
http://www.amazon.fr/Voltaire-m%E9connu-lhumanisme-Lumi%E8res-1750-1800/dp/285652303X
Maurras enfin
Tous les auteurs passent par une période de purgatoire, mais cest des enfers quil fallait avoir le courage de tirer Maurras. Stéphane Giocanti le fait avec succès avec sa biographie Maurras, Le chaos et lordre. Il aborde les questions compromettantes (lantisémitisme, la Collaboration) avec une hauteur de vue paisible qui fâchera, jimagine, ceux quelles rendent hargneux. Par ailleurs écrire la vie de Maurras nécessitait un solide appétit intellectuel : matériellement, la tâche avait assez dampleur pour effrayer les bonnes volontés puisque la vie de Charles Maurras représente soixante-dix années dactivités politiques et littéraires « non-stop ». Cela aussi, lauteur la mené à bien, sans pédantisme aucun, mais de façon vivante; il fallait ce ton pour évoquer un auteur qui, à linverse de limage quon pouvait avoir de lui, celle dun homme tout en matière grise, se révèle bon vivant et grand amoureux.
Le sous-titre de la biographie « Le chaos et lordre » ne doit pas induire au faux sens : pour Maurras lordre nest pas un ordre policier, un ordre sarkozyen lacunaire et dapparence, mais - le pléonasme est nécessaire - un ordre cosmique ; lordre opposé au chaos, cest la lumière opposée aux ténèbres - une notion dexigence, délévation intellectuelle et spirituelle.
Stéphane Giocanti, Maurras, Le chaos et lordre, Flammarion, septembre 2006, 576 pages, 27 euros.
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Par schwa1 le 2 Novembre 2006 à 18:56
A contre-courant (Journal 1962-1964)
1er juillet 1962 Je viens décrire le mot Fin Mon roman est dun pessimisme épouvantable. Il illustre ma pensée quil ny a de bonheur total quen échappant au monde par le rêve ou la folie. Et le mot démilia qui conclut mon roman est à ce titre bouleversant. Jai sangloté tout au long du passage où Jeanne évoque son fiancé. Enfin jaimerais quon me fît crédit pour tout ce qui est contradiction et foisonnement dans mes pages : cela est destiné à traduire de manière incernable la vérité, la vérité qui est incernable. Je crois que je naurais jamais joué aussi bien quici avec le symbole et son approximation - car je lui refuse lexactitude. évidemment je suis heureux davoir écrit cet ouvrage. Je le crois destiné à durer bien des générations.
Un fragment déternité (Journal 1970-1972)
29 mai 1970 - Aperçu hier, dans un hebdomadaire ou mensuel du style Elle ou Marie-Claire : Le mariage est contre nature. Les imbéciles, ils le remplaceront par quoi ? Car il y a les enfants. Dire « contre nature » ce qui est une institution sans doute immémoriale est du reste ne pas savoir ce qui est « naturel », naturel à lhomme, jentends. On veut tout ramener au coït et voir en lui la seule finalité de lhomme. Mais alors cest ne pas se soucier de lhomme naturel, cest se soucier de lanimal dans la nature, de linfra-homme, cest, fût-ce symboliquement, arrêter la création un jour plus tôt. Je crois que je nai rien écrit daussi juste pour expliquer cette civilisation, que les quelques lignes de La Couleur du Gris où jassocie technocratie et pourrissement. Le technocrate, cest le Néron moderne, qui gouverne dans le mépris de ceux quil endort par la satisfaction quil leur procure du pain et des jeux.
16 juin 1970 Je songe à ce qui fait un des intérêts les plus grands du journal intime, et dailleurs aussi bien pour le lecteur que pour son rédacteur, qui, plus tard, se relit : cest linattendu. Rien qui nécessairement senchaîne. Et cela me fait songer que, dans cet ordre, un journal doit être dautant plus intéressant, parce que plus inattendu en ses notes, que lauteur vibre en davantage de cantons de la vie. Lui, est le risque unique de monotonie, non le monde qui offre tout. Que le scripteur soit divers, autrement dit : riche, et le journal est sauvé.
20 août 1970 - Le soir. Je viens de relire les pages qui terminent la scène où Bourgain et le libraire Simon se rencontrent, où Bourgain sen va sans vouloir entendre son secret, où Despérant survient, si fade, si dérisoire... Cest atroce, mais dune grandeur désespérée. Le pouvoir, quand même, des mots, quand on sent ! Jen suis tellement remué que je marrête, je reporte à demain ma seconde lecture.
5 mars 1971 - Un silence de murmure, qui tout à coup, appelé comme du fond dun abîme, emplit les minutes des apparences de la vie. On le voudrait sans fin. Car au-delà, on retombera. On le sait. Cette peur de la chute vertigineuse ! Et qui nécessairement va venir, quon reporte, accroché à la paroi des hauteurs, sy tassant, la pensée tassée avec le corps, capable enfin de confondre précarité et éternité, fragment et tout, chair et monde. Délivrance panique de la pesanteur par elle-même ! Puis linexorable précipitation, au fond de la nuit, reins brisés
Pour achever ma journée, lecture du Monde, puis poursuite du livre sur les régimes politiques en URSS. Je me soûle de telles lectures. Ai-je raison ? Je ne voudrais aucune lacune dans mon information. Certes, pourquoi, puisque je nai jamais loccasion dêtre discuté ? Jai le sentiment dengranger des précisions pour rien : dabord, mon intuition devrait me suffire ; ensuite, la mort annulera ce que jaurai acquis avant que jaie eu à men servir. Ce nest pas même planter, ici. Cest entasser de lor dans une lessiveuse, enterrée, que personne après moi ne pourra trouver. Cependant, quoi faire dautre, puisque je nai plus, au soir, le courage décrire, et que je passe ma vie lucide à appréhender (tel que je fus enfant) de ne pas savoir. Alors, apprendre.
Journal dun Sculpteur, 1974-1993
14 mars 1975 - Train de 10 h pour Paris... Que jen revienne à Jean, à la sculpture. à lArt. Avec cette majuscule, échelle qui permet de monter de quelques degrés, de gagner quelques degrés au-dessus des boues. Autre échelle de Jacob. Mythe peut-être. Qui en tout cas satisfait ma conscience. Et plus, les poumons. Ce besoin de respirer jusquau fond, de se tenir dans les fraîcheurs natives. De vivre.
- Goethe était entouré des moulages des Grecs.
24 février 1977 - Trouvé en rentrant de Paris ce billet de Belmondo :
« Paris le 18 février 1977
Cher Monsieur,
Jai reçu votre lettre qui ma fait beaucoup de plaisir. Je vous en remercie infiniment. Voua avez raison, notre société est en un état de décadence avancée. La médiocrité triomphe. Heureusement que notre passion pour notre art et notre travail assidu sont une consolation.... »
les 8 volumes du Journal de Roger Bésus
sont publiés par les Editions Bertout (Luneray, Seine-Maritime)
http://www.editionsbertout.fr/
photos d'oeuvres de Roger Bésus: http://lovendrin.oldiblog.com/?page=photos&idgal=192741
3 commentaires -
Par schwa1 le 2 Novembre 2006 à 18:51
La publication du septième volume du Journal de Roger Bésus nous donne loccasion dattirer à nouveau lattention sur un des plus solides romanciers de la génération dont les débuts se situèrent dans les premières années daprès-guerre.
Roger Bésus eut une carrière atypique. Né à Bayeux en 1915, il passa sa première enfance et son adolescence au Havre. Ingénieur des Travaux Publics de lÉtat, il mena toute sa vie deux activités de front, ajoutant à son activité professionnelle, dabord celle de romancier, puis celle de sculpteur.
De 1947 à 1971, il publia dix-huit romans. Son uvre romanesque a été comparée, par Albert Béguin, à celle de Bernanos ; elle pourrait aussi être rapprochée de celle dun romancier de la génération perdue comme Faulkner : personnages typiques dune classe sociale et dune époque bien précises dont lanalyse est souvent poussée à lextrême par des dialogues cruels ou par un impitoyable monologue intérieur. Des romans comme Un Témoin ou France Dernière ne sont pas loin de Monsieur Ouine ou de Le Bruit et la Fureur. Lui-même se réclamait de Dostoïevski « par ma manière, écrit-il le 10 avril 1970, daller aux êtres, de les cerner en leurs contradictions ».
Bésus est dailleurs lui aussi un Sudiste et mène un combat darrière-garde ou, plutôt, refusant un aggiornamento qui nest quune fuite en avant, il maintient des positions que son esprit de fidélité lui impose de défendre contre les palinodies de lesprit du jour. Les déviations de la religion et de la morale, celles de lesprit et de lart sont fermement condamnées, et leurs symptômes en sont indiqués avec une sûreté de jugement que Jacques Vier, qui fut longtemps critique littéraire de LHomme Nouveau, et un de ses plus fermes soutiens, a toujours admirée. Dans France Dernière, paru en 1971, Despérant, journaliste catholique, sécrie : « Ma Mère lEglise me renie un peu plus chaque jour. Je navais plus de mère selon la chair, je ne vais plus en avoir selon lesprit. Je vais être orphelin pour léternité ». On aura compris que Bésus nétait pas entraîné du côté des nouveaux clercs, ni des théologiens de la révolution. Cest cette même année quil note dans son Journal son abonnement à Itinéraires.
Comme Faulkner, comme Balzac aussi, il a lambition de peindre une société totale. Préfaçant - une fois nest pas coutume - son douzième roman, Pour lAmour, il indique clairement son but : « La fin, ici comme dans la vie, cest la totalité. Totalité de lêtre, dans la totalité du monde. Point dentreprise romanesque digne de ce nom qui ne tente de créer les deux ». Roger Bésus, notait alors Jacques Vier « construit à coups de hache des communautés spirituelles dont les membres jurent dabord de se voir assemblés. Avec ou sans léglise, sinon contre elle, on le voit occupé à tirer un corps mystique des plus étranges rapprochements ».
Comme on découvre aussi Balzac dans sa correspondance - notamment avec ses lettres à sa famille, à son amie Zulma Carraud ou, plus tard, à Madame Hanska - on retrouve, depuis quelques années, Roger Bésus dans son Journal. Publié après sa mort, il semble en avoir préparé lui-même lédition, au moins en partie. De 1999 à 2006, sept volumes en ont été publiés, couvrant la période 1958-1972 , auxquels est venu sajouter, en 2005, le Journal dun Sculpteur. Cest dire que ce Journal forme déjà une somme, importante par létat desprit quelle révèle, moins subtil que Jouhandeau dans ses Journaliers et bien différent par sa spontanéité de celui dun Julien Green ou dun Gide.
lisez l'intégralité de l'article de Xavier Soleil dans lovendrin n°14
photos d'oeuvres de Roger Bésus: http://lovendrin.oldiblog.com/?page=photos&idgal=192741
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