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Par schwa1 le 15 Juin 2006 à 19:03
NOTES SATIQUES<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
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Le Piège de Méduse, comédie lyrique dErik Satie, est un texte déroutant par lutilisation outrancière qui est faite de labsurde. On présente ordinairement ce texte comme une première dadaïste ou surréaliste, et pourquoi pas, mais prétendre que les sept pièces dansées seraient la musique du surréalisme est abusif. Ces pièces, de la veine des Sports et Divertissements, sont dune limpidité qui nappartient quà Satie et qui font un contraste saisissant avec le texte. Nous voudrions aujourdhui éclaircir certains aspects de ce livret.<o:p></o:p>
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Polycarpe, le domestique, tutoie le Baron Méduse. Celui-ci en donne lexplication à Astolfo : « Polycarpe a fondé un important syndicat, il y a quatorze ans Un jour que javais la berlue souffrant au point de ne savoir où me mettre Polycarpe moffrit dentrer dans son syndicat, chose qui me ferait le plus grand bien, assurait-il Un mois après, jétais guéri et chauve. Par reconnaissance, jai été obligé, daprès les statuts du syndicat secret, daccorder une certaine liberté, une certaine latitude au frère Polycarpe, pour lexécution de son service. Polycarpe était devenu mon frère Cest assez curieux, nest-ce pas ? Sans men douter, la berlue mavait rendu socialiste, par Polycarpe. » (scène VII)<o:p></o:p>
Il est facile dy voir une thèse politique, Satie ayant été socialiste puis communiste. Lengagement resta relatif : P.-D. Templier note qu « il aimait à se sentir dans les réunions enfumées où il savourait le ridicule de certains militants bavards »[i], et Satie remarqua vite que les communistes quil côtoyaient restaient, en art, des Philistins. Dire que la berlue rend socialiste nest pas non plus flatteur pour ce parti. Polycarpe na pas toujours le beau rôle : il est hargneux (scène V), méprisant (scène VII). Au delà dune signification politique, ce tutoiement a dabord un effet comique. Or cela a échappé jusquà maintenant aux glossateurs Feydeau avait employé cet effet dans Le Dindon, (1896). Un domestique, Gérôme, tutoie son maître, Rédillon (Acte III, scène I et suiv.). Dans les deux cas, leffet comique est accentué puisque le maître, lui, vouvoie le domestique, et un tiers, surpris, demande des explications.<o:p></o:p>
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FEYDEAU<o:p></o:p>
SATIE<o:p></o:p>
Scène 2<o:p></o:p>
Rédillon Je te demande pardon, cest un vieux domestique de la famille.
Amandine Il est plutôt familier ! [ ]<o:p></o:p>
Rédillon Quest-ce que tu veux, il ma vu naître, et pas moi.<o:p></o:p>
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Scène VII<o:p></o:p>
Méduse Il mest très dévoué On ne trouve plus de tels serviteurs. Je lai vu naître lorsquil avait vingt-cinq ans.<o:p></o:p>
Astolfo Pourquoi vous tutoie-t-il ?<o:p></o:p>
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Dans les deux cas, le vieux domestique est râleur : « il est incorrigible », dit Gérôme de Rédillon ; « il faut avoir une patience de cheval, pour vivre de toi ! » dit Polycarpe de Méduse. Polycarpe déclare : « Jai voulu faire quelque chose de toi ; mais jabdique » Gérôme : « Tu me fais de la peine. » Face à ces domestiques envahissants, il arrive un moment où, en vain, les maîtres tentent de reprendre la situation en main.<o:p></o:p>
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Scène 6<o:p></o:p>
Gérôme Eh bien ! Quest-ce que tu fais là ?<o:p></o:p>
Rédillon Est-ce que jai des comptes à vous rendre ? Allez-vous-en ! <o:p></o:p>
Gérôme Oui !<o:p></o:p>
Rédillon Et fermez la porte !<o:p></o:p>
Gérôme Pourquoi, tas froid ?<o:p></o:p>
Rédillon Parce que je vous le dis Et puis, nentrez plus sans que je vous appelle.<o:p></o:p>
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Scène VIII<o:p></o:p>
Polycarpe Tu as encore sonné ?<o:p></o:p>
Méduse Certainement Jai sonné avec ma voix. Je donne ma démission de membre du syndicat. [ ] Notre pacte est rompu ; & je tiens à vous dire que si vous nêtes pas convenable envers moi, je vous chasse, . Je vous fais fusiller.<o:p></o:p>
Polycarpe Je suis aux ordres de Monsieur le Baron.<o:p></o:p>
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La différence est entre les maîtres : Rédillon, homme à femmes, est lantithèse de Méduse, solitaire. <o:p></o:p>
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On note que, de lévidence dite par Rédillon (« il ma vu naître, et pas moi »), Satie tire une absurdité : « je lai vu naître lorsquil avait vingt-cinq ans ». Ce procédé est repris pour une autre réplique.<o:p></o:p>
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FEYDEAU<o:p></o:p>
SATIE<o:p></o:p>
III, 2<o:p></o:p>
Amandine Il est plutôt familier !<o:p></o:p>
Rédillon Eh bien ! oui, puisquil est comme de la famille ! Cest mon oncle de lait !<o:p></o:p>
Amandine Ton oncle de lait ? <o:p></o:p>
Rédillon Autrement dit, cest sa mère qui a nourri papa. Nous sommes parents par le lait.<o:p></o:p>
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Scène II<o:p></o:p>
Astolfo Nest-elle pas votre fille ?<o:p></o:p>
Méduse Frisette est ma fille de lait. Oh ! cest toute une histoire. Je ne vous la raconterai pas : vous ny comprendriez rien Moi non plus, du reste.<o:p></o:p>
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Cela est effectivement incompréhensible et donne limpression (qui nexiste pas chez Feydeau, où la tournure employée est amusante parce quinattendue, sans plus) que Frisette nest pas la fille de Méduse. Dune épouse, dune Baronne Méduse, il nest dailleurs jamais question. Méduse naurait pas de famille, ce qui en fait encore plus un isolé.<o:p></o:p>
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La concordance entre le texte de Feydeau et celui de Satie me semble patente. Un troisième rapprochement est à faire. Dans un article intitulé « Parfait entourage », Satie dit posséder, grâce à la modestie de sa fortune, « un magnifique faux Rembrandt », un « Téniers simulé ». On rapprochera cela des paroles de Pontagnac, toujours dans le Dindon, qui déclare avoir « un Corot fils et un Rousseau cousin ! [ ] ça coûte beaucoup moins cher. » (I, 11) Ornella Volta note que dans cet article de Satie « sans encore dire son nom, le Baron Méduse vient déjà rêvasser [ ] de la vie bourgeoise »[ii]. Les dates concordent : cet article paraît lété 1912, à un moment où vraisemblablement la pièce est en gestation (elle sera achevée fin mars 1913).<o:p></o:p>
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Souvenons-nous que le syndicat secret fondé par Polycarpe la été, suivant le Baron, il y a quatorze ans. Ce nombre est assez précis pour quon en tienne compte. Si on enlève ces quatorze ans à 1912-1913, on remonte aux années 1898-1899. Cest justement en 1898 que Satie écrivit, en collaboration avec Jules Dépaquit, une première version du Piège de Méduse (en cinq actes, fort différente de la version que nous connaissons)[iii]. Date qui nous rapproche de celle de la création du Dindon, 1896.<o:p></o:p>
Troublant. Dans Les Nuits, les Ennuis et les Âmes de nos plus notoires contemporains, Ernest La Jeunesse, un auteur dont il faudra reparler, fait dire à Émile Zola : « Je suis donc né à vingt-cinq ans peut-être ou à trente » (p. 102), ce qui nous reporte aux propos de Méduse de la scène VII. Or ce livre date de 1896.<o:p></o:p>
Une lettre à son frère Conrad, du 1er juillet 1899, se termine par ses mots : « ton petit frère de lait chaud ». Le jeu de mot est anodin, mais le thème est là.<o:p></o:p>
1898 est aussi lannée où il sinstalle à Arcueil, dans un logement sordide. Quel lien avec Le Piège ? Ma foi, pourquoi ne pas se fonder sur lexergue même de la pièce ? « Le rôle du Baron Méduse est une façon de portrait Cest même mon portrait un portrait en pied. Erik Satie ». Le thème de la solitude ouvre la pièce. « Suis-je seul ? Bien seul ? Il regarde sous tous les meubles & va sasseoir au bureau. Jaime la solitude, la tranquillité. » Ces interrogations peuvent sentendre à double sens : est-il possible que je sois si seul ? Suis-je bien, étant seul ? Regardant sous les meubles, le Baron Méduse naimerait-il pas y trouver quelquun qui lui tienne compagnie ? <o:p></o:p>
À cette solitude du Baron Méduse déjà constatée, et qui correspond tellement à Satie, à cette solitude soppose le mariage dAstolfo et Frisette, ainsi que celui du domestique Polycarpe qui lannonce à son maître : « je te laisse dans ton coin sombre, bourbeux. Du reste, je vais me marier Tu resteras tout seul. À ta place, jaurais honte & je me tuerais à coups de bâton dans les jambes. » (scène VII) Le coin sombre et bourbeux décrirait assez bien la chambre de Satie à Arcueil. « Tu resteras tout seul » : ton de la malédiction[iv]. « Se tuer à coups de bâton dans les jambes » : pirouette habituelle de Satie quand il est près de se livrer trop intimement. Reportons-nous encore à lexergue : « Cest ici une pièce de fantaisie sans réalité. Une boutade. Ny voyez pas autre chose. » Derrière les boutades de Satie se cachent toujours des confidences à lire entre les lignes. Cet exergue est une invite à y regarder de plus près. Le Piège de Méduse ne serait-il pas une comédie de la solitude ? Une comédie aigre-douce ? Ce nest plus dabsurde quil sagit alors, mais dune réalité cruelle que connaissait bien Erik Satie.<o:p></o:p>
Amédée SCHWA<o:p></o:p>
[i] Erik Satie, Paris, 1932, p. 67 (rééd. Les Introuvables, 1975).
[ii] Erik Satie, Ecrits, Paris, 1977, p. 240.
[iii] Voyez Erik Satie, Correspondance presque complète, Réunie et présentée par Ornella Volta, Fayard/Imec, Paris, 2000, p.83.
[iv] Sur la vie sentimentale de Satie et la question du mariage, nous renvoyons à Samuel Martin, « Trois Pauvres : Léon Bloy, Erik Satie, Vincent Van Gogh », in Les Provinciales, n°54-55, juin 2000.
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Par schwa1 le 15 Juin 2006 à 18:59
Le Christ couché<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
de la Trinité dAngers<o:p></o:p>
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Les livres nous montrent toujours le même chapiteau, les cartes postales toujours la même statue. La connaissance dun édifice doit se compléter par des visites in situ, raisonnées, attentives, rêveuses. On finit un beau jour par voir et comprendre ce qui avait échappé aux autres et à soi-même. Souvent hélas on se heurte aux portes closes de nos lieux incultes ; et, si la porte est ouverte, on est confronté à une harpie qui a pris possession de ces halles désertes. Cest ce qui mest arrivé lautre jour à la Trinité, à Angers, dans la Doutre, où, tandis que je photographiais tant bien que mal les chapiteaux de la crypte, surgit de nulle part une de ces maritornes qui détiennent les clés des églises avec plus de jalousie que Saint Pierre lui-même. Je me crus une seconde dans les mines de la Moria, assailli par une Orque. Elle prétendait minterdire de photographier quoi que ce soit. Je lui rétorquai que jétais catholique et angevin, ce qui mautorisait à vaquer en ce lieu et à photographier des pierres dont elle ne vendait aucune reproduction ; que je ne partirai pas avec, sous le bras, un de ces chapiteaux coincés entre un fût et une retombée de voûte. Bref il y eut des éclats de voix que je regrette en partie, mais justifiés par cette exclusion flagrante, à laquelle, sans doute, un Vatican III remédiera. La dispute terminée, je poursuivis mes travaux à lextérieur. Je mintéressais à une curieuse figure repérée lors dune précédente visite.<o:p></o:p>
Ce Christ couché ainsi lappellerai-je, sans oublier quil est aussi bénissant, ni quil tient le Livre, mais ces gestes le caractérisent moins quune posture si peu commune se laisse malaisément distinguer au premier coup dil. Il est situé au portail ouest qui, cest visible, a été lobjet de remaniements.<o:p></o:p>
La Trinité (église paroissiale de labbaye du Ronceray), qui date de la seconde moitié du douzième siècle, a en effet été très restaurée dans les années 1870, particulièrement son ornementation. Il présente deux parties. Larcade de la porte est presque en anse de panier ; le dessin nest pas sans rappeler la voûte de la nef de labbatiale du Ronceray. Les claveaux ne sont pas extradossés, larc est mouluré dun boudin à langle de lintrados, sa clef est saillante et pendante. Cest à cette clé que lon voit que les archivoltes sont décalées par rapport à cet arc : leurs clés ne sont pas alignées. Ces archivoltes dessinent un arc de cercle, doù, entre larc et la limite inférieure de la voussure, une portion de mur en forme de croissant de lune.
Les voussures sont au nombre de quatre. Chaque claveau est ornée dun motif dinspiration végétale, mais tous nont pas la même dimension : cest alors le motif qui sadapte au claveau, lit de Procuste. Jy vois une preuve dancienneté. Ces variations nont rien de flagrant (contrairement à une voussure de Montceaux- lÉtoile en Saône et Loire), car elles restent minimes.<o:p></o:p>
La première voussure nest pas ornée sur sa face, mais sur son angle en quart de rond, avec des palmettes que bordent des dents de scie.<o:p></o:p>
La deuxième sorne de feuillages.<o:p></o:p>
La troisième présente une saillie arrondie très prononcée, qui se projette en avant, rejetant dautant en arrière et la voussure précédente, et son propre décor de feuillages.<o:p></o:p>
Un fin bandeau la sépare de la voussure extérieure. Cette dernière, au niveau des sommiers, tourne à angle droit, formant imposte. À cet endroit, on voit un oiseau au nord (un aigle, dont la tête est cassée, mais larrachement indique assez quelle était tournée vers lintérieur), un ange tenant un phylactère au sud. La voussure est ornée dun motif végétal et de ce Christ couché à la clé[1]. Les trois figures (Christ, ange, aigle) sont du même ciseau. Le Christ et lange ont la même souplesse ; laigle me semble plus vigoureux. Pour chacune, le sculpteur a utilisé le trépan pour orner les vêtements ou les ailes. <o:p></o:p>
Nous sommes devant une pose originale où le Christ a les gestes quil a en majesté trônante mais couché. Manque-t-il pour autant de majesté ? Non, et félicitons lartiste de Lui avoir prêté cette pose sans en faire un pique-niqueur ou un Romain banquetant. La figure est traitée comme les bons gisants, dont les drapés ont une tenue qui ne répond pas à la pesanteur mais à la dynamique de la forme plastique. Le corps sinscrit dans le mouvement de la portion de cercle de larchivolte, quil ferme en tant que clé. <o:p></o:p>
Celle-ci mesure le double des contre-clés. Centré dans cette clé, le Christ allongé occupe précisément la dimension dun voussoir. À sa droite et à sa gauche, emplissant les deux quarts restants de la clé, un motif de feuillage continue le motif de la voussure, raccordant ainsi la clé et la figure du Christ à lensemble. La transition se fait en souplesse. Les masses même ne sopposent pas : elles ont sensiblement la même présence. Cest tout lart médiéval que dinscrire avec rigueur et succès la sculpture dans larchitecture.<o:p></o:p>
Quil soit aussi fondu dans lensemble amène à se demander si cest discrétion ou maladresse. Comment supposer de la maladresse à lartiste qui a taillé ce charmant morceau ? La pose est gracieuse, les proportions agréables et le ciseau a été bien mené. Lidée dintention simpose.
Lartiste sest donné lair de sculpter un portail tout en motifs mais y a mi-caché, avec science, un Christ, nhésitant pas à Lui prêter une pose inaccoutumée. Christ couché, certes, mais aussi Christ discret : telle est loriginalité de cette clé oblongue, que je tenais à signaler à lattention du fidèle curieux et aux artistes de passage.
Samuel
[1] Que le Christ soit à cette place nest pas étonnant. Voyez la définition de la clé darchivolte : « parfois les archivoltes des portails déglises sont terminées à leur sommet par une clef sur laquelle est sculptée une figure devant occuper la place dhonneur, comme le buste du Christ ou celui de Dieu le Père. » (Glossaire Zodiaque). Cest la pose et la relative invisibilité du Christ dans lensemble du portail qui sont notables.
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Par schwa1 le 15 Juin 2006 à 18:55
CHRACULA<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
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Peter Schlemihl na pas dombre, ni Dracula de reflet : ayant vendu leur âme, ils nont plus dêtre. Dorian Gray, lui, garde et son ombre et son reflet ; son visage reste jeune et beau mais son portrait peint, dans un lieu écarté, prend tous les stigmates du vice quil pratique et de la damnation qui lattend.<o:p></o:p>
Les visages me fascinent. Un trajet en bus ou en métro ne mest pas une corvée, occasion dexaminer leur infinie diversité. Ici jétudie comment tourne une arcade sourcilière, là comment se placent les pommettes. Parfois, fixant toute mon attention sur un visage plus intéressant que dautres, je le peins ou sculpte en pensée. A latelier, je tenterai den retrouver les volumes.<o:p></o:p>
Eh bien, fort de cette expérience, jaffirme que Jacques Chirac na pas de visage. Comme les personnages cités plus haut, il y a quelque chose qui cloche. Regarder sa face, en faire lanalyse plastique sont choses impossibles. Son visage se dérobe constamment. Le jour que jai constaté cela je macharnais à étudier une photo de Chirac en vain je me crus atteint dune hallucination hétéroscopique négative. Puis je compris la répulsion quinspire cet individu. Cela expliquait tout Chirac, le vil, le malfaisant et le malfaiteur, le renégat et lavorteur, le minable. Car il est avant tout un minable : la transaction na pas dû coûter cher. Ses grandeurs aberrantes et ses déculottées brutales forment une suite si incongrue quon peut y deviner la dérision diabolique exercée à légard dun sous-fifre. <o:p></o:p>
Comme le dit le diable à un joueur qui a perdu son âme au jeu : « Celui qui a acheté un cheval ne doit-il pas avoir aussi la bride ? [ ] Cheval et bride, cest-à-dire âme et corps. » (dans un conte dHenri Pourrat) Et le diable emmène le tout. Alors, qui a emporté le visage de Chirac ? Et où ? Voilà ce que je préfère ne pas savoir. On pourrait parcourir les archives photographiques et déterminer à quel moment de sa vie il a perdu son visage, si un jour il en eut un. Quelle recherche déprimante ! On comprend que nul ne lait tentée.<o:p></o:p>
Il me revient à lesprit une scène amusante qui se déroula lannée dernière dans le bus Gare de lEst- Porte dOrléans. Un Africain monta dans le bus en parlant tout haut et tout seul. Après quelques propos incompréhensibles puisquils continuaient un monologue commencé à larrêt, il parla de Le Pen : Le Pen aime son pays, comme lui aime le sien ; le vrai Français nest pas raciste ; les étrangers qui se plaignent nont quà rentrer chez eux. Gêne des passagers. A mes côtés, un homme, rouge comme un gratte-cul, se cache dans Libé. Des usagers apeurés descendent plus tôt quils nont coutume : ils marcheront ! Ce brave homme nous parla ensuite de Chirac, nous révélant quun sorcier gabonais lui avait fait manger du chien pour assurer sa réélection aux présidentielles de 2002. Propos difficilement vérifiables, mais on imagine si bien le repas. Propos plausibles qui me confortèrent dans lidée que Chirac est impliqué dans une transaction douteuse, à la facture bien réelle.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
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Par schwa1 le 15 Juin 2006 à 18:54
DES UNS & DES AUTRES<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
des bas-bleus<o:p></o:p>
Deux titres dexposition, lune dune peintre, lautre dune sculpteur : « Les tremblements de lâme » et « Corps et âmes ». De lâme, de lâme, mais peu desprit.<o:p></o:p>
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À peine sèche, cette aquarelle est encadrée, exposée : elle accède au rang duvre. Quand on connaît linsatisfaction de lartiste, et quon sait que ses meilleures toiles ne sont jamais, pour lui, que ses moins mauvaises Elle me demande mon avis. Je lui réponds que mon avis doit compter pour rien, puisquelle estime bonne sa peinture.<o:p></o:p>
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Cette autre donne à tous vents sa moindre esquisse. Vous linvitez à dîner : elle vous remercie par un fusain pas fixé. Vous lui prêtez un livre : elle ne vous laissera pas repartir sans cette huile encore fraîche. Cette femme est un automne à elle toute seule lharmonie en moins.<o:p></o:p>
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Il y a dans la Conjuration des imbéciles un excellent chapitre (ils le sont tous), où on assiste à une exposition de croûtes féminines. Ignatius Reilly arrive là-dedans comme dans un jeu de quilles : délicieux. (Ce roman de John K. Toole est le Satiricon de la littérature moderne.)<o:p></o:p>
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Portraits de quelques élèves femmes dun cours de modelage.<o:p></o:p>
C., la quarantaine vulgaire, mâchouillant son chouingue-gomme. Fait des corps déformés. Elle déforme toute la soirée. Toujours mâchant, elle recule de trois pas, regarde son travail et dit : « Ça marche bien, ce soir. » Se remet au travail, et nous raconte avec le plus grand sérieux : « Quand jétais à San Francisco, je posais pour un peintre. Il peignait pendant des heures, pendant des heures il peignait sans me regarder. Il faisait de labstrait. »<o:p></o:p>
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E., boule dépressive, qui commence sans finir jamais. Grand manque affectif. Elle vous tripote le bras, parle parfois de son stérilet, entre en chaleur quand le modèle est masculin.<o:p></o:p>
Un homme ayant pris la pose genoux à terre et les coudes sur un tabouret, elle sexclame, frétillante : « Vous ne trouvez pas que cest une pose motivante, pour une femme ? » Lair surpris du modèle entendant cela.<o:p></o:p>
Un autre jour, elle cesse tout bonnement de travailler et sassied. Elle regarde avec langueur lhomme nu et répète à intervalles réguliers : « Comme on voit bien les muscles ! Quest-ce que cest beau ! » Sous prétexte détudier cette anatomie de plus près, elle sapproche tellement du modèle, par derrière, que celui-ci sursaute.<o:p></o:p>
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Je revois une de ces épaves qui échouent dans la terre à modeler, parlant à M. (un des rares hommes du cours, visage rouge brique, chevelure blanche, haleine vineuse), lentretenant de la thèse quelle avait écrite (le regard masculin sur le nu) et de ses réunions avec son groupe de psychanalyse. Pendant ce temps, le mari attendait sa soupe à la maison.<o:p></o:p>
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Pour être juste, il faut mentionner les vieux cochons de la Grande-Chaumière. Les jours quune femme pose, latelier est plein. Le mercredi, un homme pose : la salle est quasi déserte. Ce quon appelle lamour de lart.<o:p></o:p>
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Il est des hommes bas-bleus. Je nai assisté quune fois à un salon littéraire. Encore y allais-je avec larrière-pensée de me concilier un gars que jespérais marier à une de mes amies. Remarquez que beaucoup dautres des participants semblaient là pour une cause voisine : se caser. Le thème du salon était : lAcadémie française, et se tenait dans un café près du Panthéon. Il y avait parmi nous peu de grands hommes : surtout deux trois jeunes gens appliqués qui écrivaient sur des cahiers écoliers leur énième roman sur les Chouans. Je lus des extraits du pamphlet de Barbey dAurevilly : Les Quarante Médaillons de lAcadémie. Ça ne plut pas beaucoup. Jétais entouré de fervents partisans qui estimaient que, sans cette institution, il ny aurait pas eu de littérature française. Un paltoquet proposa que lAcadémie dresse des contraventions aux journalistes qui font des fautes Je commençais à me demander ce que je faisais là ça marrive souvent, dans des endroits variés. Je me promis de ne jamais remettre les pieds dans un salon littéraire, et je nai eu aucune peine à tenir cette promesse.<o:p></o:p>
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G. Lindenberger
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Par schwa1 le 15 Juin 2006 à 18:52
VICTOR HERCULÈS<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
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Victor Hugo est le Johnny Hallyday du romantisme. Pourquoi un tel succès ? Il y avait une place à prendre comme chef de rayon, au rayon Épique. Les morts prématurées dAndré Chénier et de Maurice de Guérin, de talents plus fins, plus aristocratiques, étaient une aubaine. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Hugo fut dailleurs royaliste mais, et cest la seconde raison de son succès, il devint républicain, tellement il collait à son siècle. Il avait, de son siècle, lépaisse couenne bourgeoise. Il écrivait des vers comme dautres pèsent du buf haché :<o:p></o:p>
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Ce siècle avait deux ans, Rome remplaçait Sparte,<o:p></o:p>
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte.<o:p></o:p>
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Cette fécondité, ou ce productivisme, mot qui convient bien à ce contemporain des débuts de lère industrielle, nest pas pour rien dans ladmiration des foules pour cet homme : cest ce quon a nommé laune bourgeoise de la quantité, ladoration du nombre. Charles Péguy dira de Victor Hugo que « faire des mauvais vers lui était parfaitement égal, pourvu que tous les matins il fît, il eût son compte de vers. Il pensait quil valait mieux faire des mauvais vers que de ne pas en faire du tout. » (Notre Patrie) Ce quon reprochera à Hugo, ce nest pas davoir écrit de mauvais vers (on voudrait bien en avoir écrit daussi mauvais), cest de les avoir publiés. Parfois les épiciers vendent des produits périmés.<o:p></o:p>
Il y a dans ses carnets intimes de beaux passages de grandiloquence relatés avec le plus grand sérieux. Il lance dans la foule quelques mots quil estime historiques et, le soir venu, les recueille pieusement dans un petit carnet à spirale. <o:p></o:p>
« Chemin faisant, jai vu dans un bois un campement de soldats français, hommes et chevaux mêlés. Je leur ai crié « Vive larmée ! » et jai pleuré. » <o:p></o:p>
Cest, effectivement, à pleurer.<o:p></o:p>
« En entrant, jai dit aux blessés : « - Vous voyez un envieux. Je ne désire plus rien sur la terre quune de vos blessures. Je vous salue, enfants de la France, fils préférés de la République, élus qui souffrez pour la patrie ! » Ils semblaient très émus. » <o:p></o:p>
Ils devaient surtout souhaiter quon leur fiche la paix.<o:p></o:p>
« On a renoncé à me demander lautorisation de dire mes uvres sur les théâtres. On les dit partout sans me demander la permission. On a raison. Ce que jécris nest pas à moi. Je suis une chose publique. » <o:p></o:p>
Tel quel, sans sourciller.<o:p></o:p>
« Jai faim, jai froid. Tant mieux. Je souffre ce que souffre le peuple. »<o:p></o:p>
Quel bon pair courant à la députation, à lAcadémie ! « Ce jour-là, où était la fierté de la Muse romantique ? Ce jour-là, lhomme qui sest tant moqué des ailes de pigeon en a mis. » (Barbey dAurevilly) Oui, Victor Hugo avait du pigeon, cette manière de traîner dans les rues à faire le beau et y ramasser les femelles.
Mais il y a un autre Hugo : dans les poèmes ayant trait à la mort de sa fille Léopoldine, Demain dès laube , Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin , et dans ses carnets quand il évoque la mort de ses fils Charles (mars 1871) et Victor (décembre 1873). Laccent est pudique et sincère, le ton attachant. Cet homme qui mourut si vieux, sur qui la mort semblait avoir si peu de prise, y était en réalité fort sensible et la redoutait. Il baissait la voix en sa présence et, du coup, chantait juste.<o:p></o:p>
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Amédée SCHWA<o:p></o:p>
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