• Chanson française

    Une trentaine de militants anarchistes ont été interpellés mercredi soir à Toulouse pour outrage à la police. Ces contestataires s’étaient rassemblés devant le commissariat pour y chanter Hécatombe, chanson où Brassens ridiculise les forces de l’ordre, et y crier « Mort aux vaches ». L’occasion ? Manifester leur soutien à un Rennais de 27 ans, récemment condamné parce qu’il avait, selon Ouest-France, entonné ce même texte devant des policiers, à Cherbourg.

    A Toulouse, les forces de l’ordre ont encerclé les anars et les ont emmenés dans le commissariat pour y relever leur identité. Ce concert malsonnant devrait se terminer par de simples rappels à la loi.

    Parmi les personnes interpellées, une jeune femme qui a trouvé cela ridicule et surréaliste : « Je croyais qu’il n’y avait rien de mal à chanter Brassens devant un commissariat. Apparemment, il y a certaines personnes auxquelles on ne peut pas toucher. » Excusons cette jeune femme, elle est Italienne. En France on peut impunément toucher les policiers, à coups de barre de fer, de marteau, de pierre, de parpaing, voire de gros électroménager, mais à condition d’être « jeune ». Ainsi, dans le récent guet-apens des Tarterêts (cf. l’article de Caroline Parmentier du 7 juin), aucun jeune n’a été interpellé – la police, elle, étant mise en cause.

    Ici il ne s’agissait que de chanson. Le texte de Brassens raconte une dispute de mégères sur le marché de Brive-la-Gaillarde, qui se retournent comme un seul homme contre les gendarmes venus les séparer. Un texte de 1952, rigolard et quasiment littéraire, comparé aux raps où l’incitation à la haine des keufs est nettement moins policée. Les rappeurs échappent en général aux condamnations, au nom de la libre expression des « jeunes ». La susceptibilité des policiers toulousains ne montre-t-elle pas que les forces de l’ordre ont cinquante ans de retard dans leur gestion des outrages et de l’ordre public ?

    Martin Schwa

    Présent du 11 juin 2011


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  • DSK


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  • Les amitiés douteuses de Pierre Perret

    Même s’il n’a pas obtenu le gros lot qu’il demandait, 215 000 euros, Pierre Perret a eu de la chance, le vendredi 13 dernier : une plainte en diffamation lui a rapporté 10 000 euros.

    Le chanteur avait porté plainte après lecture, dans le Nouvel Obs en janvier 2009, d’un article de Sophie Delassein : « Perret et le pot aux roses ». La journaliste y niait la réalité des rencontres de Paul Léautaud et de Pierre Perret, que celui-ci situe dans les années 1954-1955 et qu’il a racontées dans Adieu, M. Léautaud (1972). Des souvenirs de Perret, G. Lindenberger écrivait : « Au fil des pages le lecteur est invité à admirer naïvement quel être d’exception est ce Pierre Perret, seul visiteur admis par Léautaud, seul être humain à ne pas l’avoir déçu. (…) Le but du livre fut atteint : il conféra au chanteur un brevet de penseur hardi » (1).

    Sophie Delassein ne faisait que rouvrir un dossier sur lequel l’opinion de la République des Lettres a peu varié : l’amitié profonde entre les deux hommes n’a jamais convaincu personne. Autant l’amitié de Montaigne et La Boétie sonne juste, autant celle-là manque de vraisemblance. Entre l’écrivain anticonformiste, à l’esprit libre – « C’est après 1945 qu’il devient réellement subversif, sans trop le savoir » (Georges Laffly) – et le chanteur dont la carrière a été une suite de chansons tout ce qu’il y a de plus correctes politiquement, les points communs manquent.

    Mieux, Perret lui-même a fortement contribué à semer le doute sur leur amitié. Lorsqu’en 1998 le Mercure de France lui demande de préfacer un choix de pages du Journal, il écrit avoir peu connu Léautaud. Anodin dans les années 1950-1970, « l’antisémitisme » de Léautaud était devenu un crime impardonnable dans les années 1990. Du coup, Perret ressentait « un certain agacement, voire une amère déception » à l’égard de l’écrivain décédé en 1956.

    Alors, soit l’amitié avait été réelle et le chanteur la reniait, soit elle avait été inventée de toutes pièces – et il la reniait également. « Renier par intérêt une amitié qu’on a inventée par intérêt, n’est-ce pas le comble de l’opportunisme », s’interrogeait G. Lindenberger.

    Pierre Perret a gagné, il n’est plus permis de mettre en doute l’amitié dont il a lui-même écrit la palinodie ? Pas exactement. Le jugement porte sur l’impossibilité, pour Sophie Delassein, de prouver que Perret n’a jamais rencontré Léautaud. En effet. Il est reproché à la journaliste d’avoir manqué de prudence dans les termes employés. Pour le reste, les attendus du jugement sont cruels pour le chanteur. La 17e chambre relève les « invraisemblances » de ses souvenirs, où divers indices « nourrissent incontestablement l’impression générale que la partie civile [Pierre Perret] ait pu, à quelque occasion, flatter ses propres souvenirs, ou plus simplement se tromper en divers points ». Que les rencontres aient été fréquentes et amicales, la justice elle-même en doute.

    Sophie Delassein accusait par ailleurs Pierre Perret d’avoir « pillé » des textes de Brassens, de Garcia Llorca. Cela également a été jugé diffamatoire.

     

    MARTIN SCHWA

    (1) « Le faux ami, ou le reniement de Pierre », Lovendrin n° 10, mars-avril 2006.

    Article extrait de Présent
    du Mardi 17 mai 2011

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  • Mauvaises ondes

    Bellanger sauvé par le capital

    La mobilisation pour maintenir le directeur de Skyrock à son poste a payé (voir Présent du 15 avril). Payé, c’est le mot : le Crédit Agricole a fait affaire avec Axa et Pierre Bellanger.

    L’annonce de la mise à l’écart du PDG historique de la radio avait vu s’allier les « jeunes » (auditeurs, rappeurs) et les « vieux » de l’UMPS (Lang, Hollande, Mitterrand, Boutin…). Et tous de chanter en chœur un hymne à la diversité culturelle. A ces savetiers, manquait un financier, ce sera Jean-Paul Chifflet. Le directeur du Crédit Agricole, « touché » et « impressionné » par le mouvement, s’engage « pour que Pierre Bellanger puisse continuer son œuvre » – une œuvre essentiellement démoralisatrice et anti-nationale. Il a également vanté les « valeurs » de cet homme, condamné l’an dernier pour corruption de mineurs.

    Quand un banquier parle de « valeurs », il sait de quoi il parle. La banque, dans un communiqué, a annoncé vouloir « préserver tout ce qui fait l’esprit de Skyrock » (à savoir la liberté d’expression et la musique urbaine, pas agricole), mais également « développer » le groupe. Le montage est le suivant. Le Crédit Agricole et Bellanger créent une société dont celui-ci sera majoritaire à 51 %, laquelle société contrôlera le groupe Skyrock à 60 %, tandis qu’Axa Private Equity gardera 40 %.

    Jack Lang avait dénoncé les capitalistes qui en voulaient à « l’identité » de la radio. Il suffisait de trouver de bons capitalistes. En réalité, l’identité de Skyrock est aussi profondément capitaliste en sous-main qu’elle est libertaire au micro. Le groupe a toujours été l’objet de montages capitalistiques complexes et Pierre Bellanger n’a eu qu’à s’en féliciter.

    Lorsqu’en 1999 il faillit être débarqué par Morgan Grenfell qui entrait au capital, ce fut le Conseil supérieur de l’Audiovisuel lui-même qui exigea des repreneurs le maintien de l’équipe de direction « et en particulier de son président ». Cette protection, une parmi toutes, révèle le caractère factice des crises qui ont de temps en temps opposé Skyrock au CSA sur des points de « morale », de même que cette affaire montre combien cette radio appartient au système politico-culturel, qui veille sur elle avec soin.

    Martin Schwa

    Article extrait de Présent n° 7338
    du Vendredi 29 avril 2011

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  • Intégration : tout fonctionne

    Le Haut Conseil à l’intégration (HCI) a rendu public un rapport qui conclut à la bonne marche de l’intégration à la française. Le HCI contredit ainsi le président de la République, qui avait déclaré en novembre de l’année dernière : « Le système d’intégration français est en panne, tout le monde le voit bien. »

    Le rapport a été remis à François Fillon par Patrick Gaubert, président du HCI. Avant d’être à ce poste, Patrick Gaubert a été membre du cabinet de Charles Pasqua (chargé de la coordination de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie), président de la Licra. Et auparavant, docteur en chirurgie dentaire. Le Premier ministre pouvait donc le croire sur parole lorsqu’il lui a assuré que l’intégration à la française, « ça marche ».

    Portant sur les politiques d’intégration menées depuis 20 ans, le rapport a étudié les indicateurs tangibles que sont l’obtention de diplômes à la deuxième génération, la mobilité sociale, les mariages mixtes – le Français de souche qui se convertit pour épouser la beurette de son cœur est en effet en bonne voie de s’intégrer. La sécurité ne figure pas parmi les indicateurs tangibles. Patrick Weil, professeur d’université, est « d’accord avec ce constat », il juge que « l’intégration fonctionne mieux ici qu’ailleurs ». Quel est cet ailleurs, dans l’idée d’un spécialiste de l’immigration ? Lampedusa, peut-être.

    Tout ne va pas si bien, proteste France Terre d’Asile, organisation non gouvernementale dont la raison sociale dispense d’en dire plus sur ses activités. Elle trouve le rapport du HCI plein de « banalités » et d’« idées reçues » et dénonce une politique d’intégration défavorable et contraignante.

    Patrick Gaubert admet qu’« il y a des ratés », liés à une immigration mal maîtrisée (ah bon ?) et à une surconcentration des immigrés dans certaines régions, Paca, Rhônes-Alpes et Ile-de-France. Là où résident les immigrés, là s’installent les immigrés suivants, ces ghettos communautaires nuisent à l’intégration. Pour contrer cette fatalité, le HCI recommande l’application du principe de mixité sociale, une scie aux dents émoussées. Il propose aussi de lier l’obtention d’une carte de séjour au lieu de résidence. En s’installant dans une région autre qu’une des trois susdites, l’immigré obtiendrait plus rapidement un visa. Ainsi seraient diluées les concentrations de populations immigrées, si visibles, elles se distribueraient harmonieusement sur le territoire français. L’homogénéité hexagonale donnerait à la France une apparence lisse et honnête du meilleur effet. Et les trafiquants d’attestations de résidence s’en donneraient à cœur joie.

    L’intégration fonctionne, cela est corroboré par un recul des actes racistes et antisémites en 2010. Le rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), présenté mardi, l’affirme après décompte. Il s’inquiète cependant de ce qui ne se décompte pas. « La tolérance recule, les sentiments xénophobes se diffusent (…) alors que perdure l’image de l’étranger parasite ». Les Français font même un lien entre immigration et insécurité. Dans de prochains rapports, le HCI, la CNCDH pourraient s’interroger sur la raison de ce lien ?

    MARTIN SCHWA

    Présent du n° 7330
    du Samedi 16 avril 2011


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