• On s’en voudrait de ne pas signaler l’existence de cette belle publication : La Voix des Cultures, « journal de libre expression » qui veut « donner naissance à une nouvelle culture humaniste » et « construire des ponts entre les cultures » (Édition Paris 17e/18e, avril 2005). Ses intentions ne sont-elles pas  proches de celles de lovendrin ?<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

    Kevin et Christine (la rime est défectueuse, mais qu’importe ?) racontent leur rencontre d’un couple SDF (Mindo et Irène), dans la nuit. Nous diront-ils qu’Irène est enceinte ? Non : « Le ventre bombé d’Irène m’assomme de clairvoyance. » Je voudrais être eux pour avoir écrit une telle phrase.<o:p></o:p>

    L’article sur « une cité du quartier qui cherche la sérénité » est révélateur. « Depuis de longues années, la cité est victime d’un trafic de drogue, de <o:p></o:p>

    situations qui produisent des nuisances pour les habitants et un sentiment d’insécurité ». J’aime ces mots « sentiments d’insécurité » : ils nous montrent que, dans une société déshumanisée, les Français restent de grands sentimentaux. Page 7, je lis que les questions de coopération internationale sont « le problème qui est la source de la misère, des violences et de l’immigration. » J’avais entendu dire que l’immigration était une chance pour la France ; la voilà mise à côté des misères et violences. N’est-ce pas du fascisme larvé ?<o:p></o:p>

    Vous comprenez qu’en lisant ce journal, vous serez assommés de clairvoyance par toutes ces idées (bombées ? concaves ?). La poésie de Mokrane (« Humanité bafouée ») n’échappe pas à l’engagement. Rien que ce vers :<o:p></o:p>

    Qui êtes-vous ? Mais vous êtes qui ?<o:p></o:p>

    est une question judicieuse.<o:p></o:p>

    Amédée Schwa<o:p></o:p>


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  • Notre collaborateur G. Lindenberger mentionne dans son article (cf. page précédente) le poète Léon Valade « si affadi par le temps ». Affadi, et totalement oublié : son nom n’est connu que des spécialistes de la période. Léon Valade (1842-1884) fit partie du groupe des Hydropathes, cercle de poètes et d’artistes fondé en 1878. Les Hydropathes tenaient des réunions informelles et chahutées au cours desquelles de bons ou de mauvais poètes, connus ou non, disaient leurs propres vers, où les chanteurs chantaient leurs textes et les comédiens jouaient des monologues (ainsi appela-t-on les premiers sketchs). Ces soirées furent de grands moments du Quartier latin, avant que celles du Chat Noir et Montmartre n’en prennent le relais[1]. Léon Valade collabora à de nombreuses revues : c’était l’époque bénie où elles foisonnaient, mais ne publia qu’un seul volume : Avril, Mai, Juin (1863). Ses vers posthumes furent édités par Alphonse Lemerre en 1890, ainsi classés : poèmes vénitiens, médaillons et silhouettes dramatiques, rimes familières, triolets et gazettes rimées, poésies diverses. Une bonne partie de ces vers est désuète ou sans grand intérêt. Les poèmes sur Venise sont froids. Les rondes écrites pour « Chœur de Petits Jardiniers et de Petites Bouquetières », ou « Chœur de Petits Moissonneurs et… etc. » sentent leurs années soixante-dix définitivement. Ailleurs, çà et là, on trouve une strophe qui « parle » encore :<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Mais jamais tu ne te révèles :<o:p></o:p>

    Et dans les verres où les baisers<o:p></o:p>

    De tes lèvres s’étaient posés,<o:p></o:p>

    Je n’ai bu que des soifs nouvelles.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Ce début de « Bouquet » survit :<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Pauvres fleurs d’un bouquet de fête,<o:p></o:p>

    Votre fraîcheur, que peu d’instants<o:p></o:p>

    Flétriront, ne semble pas faite<o:p></o:p>

    Pour promettre d’aimer longtemps.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Peut-on sans ironie amère<o:p></o:p>

    Engager l’avenir lointain,<o:p></o:p>

    Quand on est la rose éphémère<o:p></o:p>

    Ou le liseron d’un matin ?<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    « Personne » mérite, non le détour, mais un court arrêt :<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Je possède une femme, et de ce bien chéri<o:p></o:p>

    N’entends faire part à personne ;<o:p></o:p>

    Que personne n’en veuille à mon front de mari,<o:p></o:p>

    Je n’en veux au front de personne.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    De deux sous, tout autant ! Dieu m’a daigné renter,<o:p></o:p>

    Et je ne les dois à personne ;<o:p></o:p>

    À personne, d’ailleurs, je n’ai rien à prêter,<o:p></o:p>

    Je n’emprunte rien à personne.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Personne ne mettra la main sur mon collet,<o:p></o:p>

    Car ma vieille rapière est bonne !<o:p></o:p>

    Personne, je le dis, ne sera mon valet,<o:p></o:p>

    Ni moi le valet de personne.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Je veux vivre joyeux et libre, et, Dieu merci !<o:p></o:p>

    Ne m’attristerai pour personne ;<o:p></o:p>

    Si personne, après tout, de moi ne prend souci,<o:p></o:p>

    Je n’aurai souci de personne.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    D’autres pièces intéressent l’histoire littéraire. « Le miroir de Sarcey » est une moquerie à l’encontre du critique béotien qui fut l’objet des sarcasmes répétés d’Alphonse Allais.<o:p></o:p>

    ………………………<o:p></o:p>

    Voyant devant lui la figure<o:p></o:p>

    Notoire d’un homme d’esprit,<o:p></o:p>

    Sarcey sourit comme un augure<o:p></o:p>

    À son reflet qui lui sourit.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Il songe, les mains sur son ventre :<o:p></o:p>

    « Toutes !... à toutes même sort !<o:p></o:p>

    On me dit « monsieur ! » quand on entre,<o:p></o:p>

    Et « Francisque ! » lorsqu’on sort…[2]<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Avec le poème « Allez, la musique ! », Léon Valade réagit à cette phrase d’Émile Zola : « Les poètes peuvent continuer à faire de la musique pendant que nous travaillerons… » L’écrivain bourgeois est moqué par le bohème :<o:p></o:p>

    ………………………<o:p></o:p>

    De conscience, nul n’en a<o:p></o:p>

    Plus que Zola, quand il travaille.<o:p></o:p>

    Zola fait son œuvre : Nana,[3]<o:p></o:p>

    Et va, sans que le cœur lui faille.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Il poursuit, le front dans ses mains,<o:p></o:p>

    La « grande enquête universelle »<o:p></o:p>



    Commencée avant les Romains.<o:p></o:p>

    Il poursuit , le front dans ses mains…<o:p></o:p>

    L’amas des « documents humains »<o:p></o:p>

    Charge sa table qui chancelle.<o:p></o:p>

    Il poursuit, le front dans ses mains,<o:p></o:p>

    La « grande enquête universelle ».<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Un homme est entré dans la cour.<o:p></o:p>

    Quoi ! jusque chez lui, ces poètes<o:p></o:p>

    Braveront le Balzac du jour !<o:p></o:p>

    Un homme est entré dans la cour.<o:p></o:p>

    Le portier gueule sans détour :<o:p></o:p>

    « Détalez, feignant que vous êtes ! »<o:p></o:p>

    Un homme est entré dans la cour.<o:p></o:p>

    Quoi ! jusque chez lui, ces poètes…<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Zola se lève dédaigneux<o:p></o:p>

    Et jette un sou par la fenêtre<o:p></o:p>

    Dans le chapeau du pauvre vieux.<o:p></o:p>

    …………………………<o:p></o:p>

    Ô Naturalisme, merci !<o:p></o:p>

    Chanter sera moins amer, si<o:p></o:p>

    Nos chants bercent ton labeur vaste !<o:p></o:p>

    Ô Naturalisme, merci<o:p></o:p>

    D’alléger notre sort néfaste !<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Le recueil posthume se termine par une pièce en vers, qualifiée de « féerie », où se mêlent le marquis de Carabas, Géronte (financier), Pancrace (académicien), et différents jeunes filles & jeunes gens, amants les uns des autres. Rien d’extraordinaire, sauf les considérations climatiques de Pancrace :<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Monsieur, le corps savant dont j’ai l’heur d’être membre<o:p></o:p>

    Impute la rigueur croissante des saisons<o:p></o:p>

    Au refroidissement du globe… […]<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    la baronne, soupirant, à Pancrace.<o:p></o:p>

    La science dit vrai : quand j’étais jeune fille,<o:p></o:p>

    Je n’avais jamais froid !<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    pancrace.<o:p></o:p>

                                       Oui, des calculs certains<o:p></o:p>

    Expliquent depuis peu par les volcans éteints<o:p></o:p>

    Ce marasme incurable où languit la nature,<o:p></o:p>

    En qui le feu central se meurt…<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Il y a quinze ans, on nous expliquait le refroidissement du globe, aujourd’hui on nous prouve le réchauffement de la planète : ce genre de considération, on le voit, n’est pas neuf. <o:p></o:p>

    Mais refermons les poésies de Léon Valade, en souhaitant que ses mânes ne nous en tiennent pas rigueur.<o:p></o:p>

    Smartin<o:p></o:p>



    [1] Au sujet des Hydropathes, je renvoie le lecteur à l’excellente réédition de Dix ans de bohèmeÉmile Goudeau (Champ Vallon, 2000 ; première édition : 1888), abondamment commentée et documentée, par M. Golfier et J.-D. Wagneur. Cousin de Léon Bloy, É. Goudeau fut le fondateur et le principal président des Hydropathes.<o:p></o:p>

    [2] Un autre poème commence par ce vers : « Sarcey fleurit : les temps héroïques sont clos. » (p. 174).<o:p></o:p>

    [3] Nana paraît en 1880.<o:p></o:p>



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  • De nombreuses gens passent pour des puristes de la langue qui ne connaissent que deux trois points particuliers pour lesquels ils mènent une guerre continue, sans comprendre les tenants et les aboutissants du minuscule territoire qu’ils défendent. Ces moitiés de pédants que n’excuse pas la science puisque souvent ils ignorent le chemin qui mène des racines indo-européennes au français moderne, qui au nom de l’eau pure servent de l’eau plate, je les appelle des faux-puristes.<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

    *<o:p></o:p>

    Un exemple très simple, ces gens qui vous reprennent lorsque vous dites que telle machine « ne marche pas » : « On dit : elle ne fonctionne pas ! Elle n’a pas de jambes ! » Qui leur expliquera que la moitié des mots échappent à leur étymologie ?<o:p></o:p>

    *<o:p></o:p>

    S’avérer faux est, selon une grammaire, une horreur, et selon Robert, abusif. C’est ignorer que dans s’avérer, il n’y a plus, depuis longtemps (déjà en ancien français, voyez le lexique de Godefroy), la notion de vrai mais celle de réel ; notion qui en est issue, bien sûr, mais non pas identique. Une chose qui s’avère fausse se manifeste, se révèle fausse. Il est donc vrai qu’elle est fausse. Cela est tellement juste, qu’une chose, pour s’avérer, doit s’avérer vraie. Dans leur logique, les faux-puristes font alors un pléonasme, et dieu sait qu’ils n’aiment pas ça.<o:p></o:p>

    *<o:p></o:p>

    Dans bien des cas, la langue française s’honorerait de ne pas avoir de mots pour nommer l’innommable. L’Académie a prôné épinglette au lieu de pin’s. Outre que cette substitution nous prive de la blague bien connue, établir un mot de trois syllabes face à un monosyllabe est une aberration : grossière méconnaissance de l’instinct de moindre effort des organes phonatoires ! Surtout, quel besoin de désigner cette chiure de la réclame, qui a passé et qui mauvieillit dans les caisses des brocanteurs de plein vent ?<o:p></o:p>

    *<o:p></o:p>

    On nous recommande d’utiliser courriel à la place d’e-mail. Depuis quand un montage bâtard est-il plus correct qu’un emprunt ? Aulu-Gelle, parlant de mots grecs transcrits tels quels en latin, remarque que, ce faisant, les auteurs « n’ont pas voulu créer des mots qui auraient été ridicules. » (Nuits Attiques, XVIII, 14) Nous n’avons pas cette honte. Que le terme courriel soit employé au Québec suffirait à en justifier l’usage, selon les faux-puristes. Il y a une admiration béate pour la langue québécoise, une obligation de pâmoison, dont je m’explique mal la cause. <o:p></o:p>

    *<o:p></o:p>

    On me signale un lettré qui blâme les mots composés d’une partie latine et d’une partie grecque. Je suppose que cet homme ne roule pas en bicyclette, ne regarde pas la télévision et ne fait jamais de photocopies. Il ne pratique ni le deltaplane ni le parapente. Il dédaigne les autocollants. Vous ne le verrez pas sous un parapluie ou dans un autocar : cet homme est un puriste ! Mais de quelles mœurs ? Seuls bi et trans ont son aval… Cas extrême.<o:p></o:p>

    *<o:p></o:p>

    J’ai eu au collège un professeur de français excellent. Il s’appelait M. Valade. Descendait-il de Léon Valade, ce poète affadi par le temps, je l’ignore. Il donnait à aimer la littérature, était rigoureux quant à la méthode ; mais sa rigueur l’avait fait tomber dans quelques manies. Il écumait à l’idée qu’on dise : « C’est la rentrée. » Selon lui, seuls les redoublants pouvaient le dire, les autres auraient dû dire qu’ils faisaient leur entrée en telle classe. Vieille question des préfixes affaiblis, qui lui échappait vraiment : il avait des réticences pour le verbe énerver, car quand on n’a plus de nerfs, on est calme ! À l’époque déjà je trouvais curieuse cette réflexion, sans savoir expliquer pourquoi.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    G. Lindenberger<o:p></o:p>


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  • remarques sur de vieilles épitaphes<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Pour compléter cette étude sur l’art funéraire, voici des fragments d’épitaphes latines des xvie et xviie siècles ; manière comme une autre de mesurer les progrès de la civilisation.<o:p></o:p>

    Le devoir de mémoire, si à la mode aujourd’hui, existait déjà : « Louis de B. et Anne G., époux très chers, prirent le soin de faire graver ceci pour que mémoire en soit gardée.[1] » ; « Ce monument ayant été élevé à la pieuse mémoire des ancêtres et en exemple aux descendants[2] ».<o:p></o:p>

    Parlant d’enfants, garçons puis filles : « Eux, honorés par des fonctions brillantes ; elles, mariées de façon éclatante, à commencer par Madeleine qui épousa son céleste époux au couvent des Filles de Dieu. Dispersés par des destins variés, tous ont été réunis dans ce sépulcre familial.[3] » Cette dernière phrase illustre remarquablement la vie d’une famille, sa vie post mortem y compris.<o:p></o:p>

    Parlant d’un fils mort avant son père : « il devança son père dans le cours que suit toute chair en cédant aux destins le 21 juin 1636 [4]». Ces expressions reviennent souvent :  parcourir le cours de toute chair, céder aux destins, céder à la nature [5] ; également : « il changea la vie pour la mort [6]».<o:p></o:p>

    La fidélité dans la charge est louée : « il passa trente ans dans la même dignité au service de la chose publique, toujours actif ; le royaume ayant vacillé, il resta fidèle au Roi malheureux.[7] » ; autre formule (plus concise en latin) : « comme il avait vécu il mourut : pour le Roi.[8] »<o:p></o:p>

    Voici un compte rigoureux du temps qui passe : « Elle usa de cette lumière 66 ans, 8 mois, 10 jours, et nous quitta le 3 des calendes de juin 1615 ; ils vécurent ensemble 40 ans, 10 mois et 14 jours.[9] »<o:p></o:p>

    « Ayant connu l’une et l’autre fortune, il a été enterré ici l’année 1650 [10]». L’une et l’autre fortune, la bonne et la mauvaise, le bonheur et le malheur…<o:p></o:p>

    Le souci de l’au-delà est bien sûr présent : « réfléchissant sérieusement à la mort et à la résurrection, il ordonne d’être enterré ici avec le pardon préalable du Dieu très bon et très grand.[11] ».<o:p></o:p>

    On pourrait citer bien d’autres phrases éloquentes, simples. La tenue ou l’originalité de leur formulation contrastent singulièrement avec les manières contemporaines. Elles évoquent un temps où la parole publique était digne.<o:p></o:p>

    Amédée Schwa



    [1] hoc incidi curavere ne memoria excidat Ludovicus de Bragelogne, Anna Galand, coniuges charissimi.<o:p></o:p>

    [2] ad piam majorum memoriam ad posterorum exemplum hoc excitato monumento.<o:p></o:p>

    [3] illi praeclaris muneribus honestati, istae illustribus matrimoniis elocatae, Magdalenae imprimis quae in coenobio Dei Filiarum nuncupato coelesti sponso nupsit nonnulli in hocce familiari sepulchro conditi alii alio pro varia sorte illati.<o:p></o:p>

    [4] in hoc universae carnis curriculo patrem antervertit, fatis concessit xxi iunii anno mvicxxxvi.<o:p></o:p>

    [5] naturae concessit.<o:p></o:p>

    [6] vitam cum morte commutavit.<o:p></o:p>

    [7] et in eadem dignitate quam per annos 30 gessit publicae rei causae nihil non agens nutante regno Regem coluit etiam in felicem.<o:p></o:p>

    [8] ut Regi vixit sic moritur.<o:p></o:p>

    [9] hac luce usa est 66 annis mensis 8, dies 10 migravit 3e Kalendas januarii anno 1615, una 40 annos, menses 10, dies 14 vixerunt.<o:p></o:p>

    [10] utramque expertus fortunam hic sepultus est anno M VIc L.<o:p></o:p>

    [11] serio de morte ac resurrectione cogitans, praefata Dei optimi maximi venia hic sepeliri sejubet.<o:p></o:p>



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  • Nul de nos mornes impies n’aurait le courage de faire graver sur sa tombe l’équivalent de cette épitaphe grecque : « Ci-gît Timocréon de Rhodes, qui a beaucoup bu, beaucoup mangé et dit beaucoup de mal des hommes. » Ce cynisme affiché me gênerait moins que le gâtisme de la prose funéraire actuelle, prose idiote et fort inférieure à celle des tombeaux païens dont les épitaphes s’achevaient par cette simple prière : Sit tibi terra levis, que la terre te soit légère. Formule poétique, si pleine de compassion et de dignité ; si humaine. Elle existe chez d’autres païens, en Afrique de l’Ouest, où elle se fait formule de condoléances.[1] Tout paganisme pré-chrétien a une dignité naturelle ; le christianisme arrivant, cette dignité est accrue et transcendée ; mais s’il vient à se retirer, ou qu’on l’en retire, le paganisme obtenu – on le constate, puisque le phénomène se produit sous nos yeux – est sans aucune dignité : il n’y a plus qu’une religiosité vague qui laisse s’épanouir la vulgarité : vulgarité d’attitude, de pensée, d’ex- pression. Vulgarité qui n’est pas le propre d’une populace, mais le commun du peuple, des bourgeois, des artistes, des curés, des politiques. Il n’est que de regarder autour de soi. Voici comment le responsable du crématorium du cimetière des Joncherolles présente les salles omnicultes : « Lecteur CD, micro sans fil… Et quand le corps va partir, les deux portes en bois s’ouvrent automatiquement et on lance un jeu de lumières. » [2] Tout n’est-il pas dit ?<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

    Vous promenant dans un cimetière, vous ne trouverez pas la tombe du suicidé décrite par le poète : « Trois grands lys Trois grands lys sur ma tombe sans croix ». Vous n’y trouverez ni lys ni croix, mais des fleurs en céramique [3] et toutes sortes de babioles en lieu et place de la croix. Il y a bien, épars, du religieux d’un point du vue thématique ; mais artistique, non. Croix informes, personnages « logotypés » en deux trois courbes sont clairement la version funéraire des ornements et décors liturgiques Vatican ii. De façon inattendue, les édicules néo-gothiques qui furent élevés en nombre à la fin du xixe et qui ont si mal vieillis, ont été remplacés par de petits édifices, appelés à se répandre, utilisant les matériaux de construction modernes (ill. p. 2) Hélas, on croit voir, de loin, une petite serre ou, pire, un abribus. En somme, il y aura peu de signes ostentatoires à ôter des cimetières le jour où… à moins qu’ils aillent croissant ?<o:p></o:p>

    Religieux ou non, cet art ne présente aucune qualité technique minimale. La sculpture n’est qu’une gravure médiocre dont les creux sont blanchis pour que ressorte un dessin minable sur un granit soit reconstitué soit si poli qu’il paraît vernis.

    <o:p></o:p>

    Pire, les motifs sont tirés de catalogue : un semblant de personnalisation est donné en les associant deux à deux. Voici des fleurs couplées à un cœur ; quelques tombes plus loin, les mêmes fleurs associées, cette fois, à un ovale (cf. ill. p. 4).<o:p></o:p>

    Sur ces affreuses dalles se multiplient les plaques votives. Le sentiment naturel qui nous fait nous adresser à nos morts est corrompu par une détestable manière de s’exprimer. Les plaques prêt-à-porter portent des inepties de ce style : <o:p></o:p>

    « Quelqu’un meurt, et c’est comme un silence qui hurle, mais s’il nous aidait à entendre la fragile musique de la vie. » <o:p></o:p>

    Ou bien : « Son souvenir est comme un livre bien-aimé qu’on lit sans cesse et qui n’est jamais refermé. » <o:p></o:p>

    Mais le souvenir n’est pas qu’un livre, <?xml:namespace prefix = v ns = "urn:schemas-microsoft-com:vml" /><v:shapetype id=_x0000_t202 path="m,l,21600r21600,l21600,xe" o:spt="202" coordsize="21600,21600"><v:stroke joinstyle="miter"></v:stroke><v:path o:connecttype="rect" gradientshapeok="t"></v:path></v:shapetype><v:shape id=_x0000_s1026 style="MARGIN-TOP: 495pt; Z-INDEX: 1; LEFT: 0px; MARGIN-LEFT: 162pt; WIDTH: 85.05pt; POSITION: absolute; HEIGHT: 198pt; TEXT-ALIGN: left; mso-position-horizontal-relative: margin; mso-position-vertical-relative: margin" stroked="f" o:allowoverlap="f" type="#_x0000_t202"><o:lock aspectratio="t" v:ext="edit"></o:lock><v:textbox style="mso-next-textbox: #_x0000_s1026"></v:textbox><?xml:namespace prefix = w ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:word" /><w:wrap anchory="margin" anchorx="margin"></w:wrap><w:anchorlock></w:anchorlock></v:shape>

     
    c’est aussi un rose, comme on sait : « Le souvenir est une rose au parfum discret, que chaque jour on arrose avec les larmes du regret. » <o:p></o:p>

    Pour ceux qu’un deuil inspire, les sociétés funéraires réalisent la plaque où s’inscrit la prose des endeuillés. On obtient des incipit sentimentaux : « Ma petite Mémère… » ou « Dors, Papy, dors… ». D’autres, suivant la tradition de l’épitaphe, écrivent la leur de leur vivant et nous

    laisse nous en régaler ensuite. La palme revient à ce texte : « Je suis seulement passé dans la pièce d’à côté. Je suis moi, vous êtes vous. » (voir ci-contre) Passer dans la pièce d’à côté ! On est loin de ce que souhaitait Boileau qui, dans le Discours sur le style des inscriptions, note que celles-ci doivent être rédigées en « style grave » et que, si le français est, sur ce point, plus difficile à manier que le latin, il faut éviter la pompe et le verbiage.<o:p></o:p>

    Pour ce qui est de l’iconographie, il convient de différencier les symboles des attributs. Les symboles les plus répétés sont le phare, le dauphin et le cygne. Libres à vous de vous livrer à une étude bachelardienne dans laquelle vous expliqueriez que le dauphin est signe d’eau ; le cygne, d’eau et d’air ; le phare, lui, des quatre éléments. Moi, je m’y refuse. Je me borne à constater que ces symboles suffisent à combler toutes les aspirations mystiques.

    <o:p></o:p>

    Les attributs se divisent en attributs professionnels ou de loisirs, mais il est parfois délicat, en l’absence de texte, de trancher. Les moyens de transport sont très représentés : moto, voiture de course, semi-remorque, locomotives. Un accordéon avec une portée, une batterie de casserole (odieux machisme que nous ne saurions cautionner), des cocotiers, une roulotte (à classer dans les symboles ?), une chaise sur laquelle sont posés un livre et des lunettes, un chien assis auprès… La liste est aussi étendue que les goûts de l’être humain. Retenons ce gros ours en peluche placé dans une boîte en verre sur une tombe (ill. p. 3). D’autres activités sont représentées par la figure humaine : couple de danseurs, et, très répandus, pêcheurs et joueurs de boules, loisirs innocents s’il en est. Quelques paysages paisibles, toits de village ou hautes montagnes, viennent confirmer <o:p></o:p>

    une aspiration à la paix – mais sous cette forme ?<o:p></o:p>

    Chacun complètera ce sombre tableau en se promenant dans n’importe quel cimetière. Ce qui a été mentionné ici est représentatif ; mais beaucoup d’autres horreurs, je le crains, restent à recenser.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

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    <o:p></o:p>



    [1] « Ala kà dugukolo sum’a kun », que la terre lui soit légère (en langue dioula).

    [2] Journal 20 minutes du 20 octobre 2004, p. 3.

    [3] Ou en plexiglace avec des incrustations de métal : telle est la nouvelle tendance, assez design.<o:p></o:p>



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