• Delacroix et la photographie

    Au musée Delacroix<o:p></o:p>

    L’œil et la lentille<o:p></o:p>

    Présent du 3 janvier 2008<o:p></o:p>

    Un an après le musée Rodin, le musée Delacroix s’intéresse aux liens qui existèrent entre son artiste éponyme et la photographie. Le rapport n’est pas le même car Rodin (1840-1917) est postérieur à l’apparition de la technique, tandis que Delacroix (1798-1863) est l’exact contemporain de Daguerre (1781-1851) et de Talbot (1800-1877).<o:p></o:p>

    Delacroix, curieux d’un nouveau moyen de représentation du réel, ne se refusa pas à l’objectif des Carjat, Nadar, Petit, Durieu… tout en confinant les photographes au rang de techniciens face à lui l’artiste. Il exerce pleinement son œil critique à la fois par métier et par volonté de diffuser une image conforme à la représentation qu’il veut donner. Il n’hésite pas, « effrayé », à demander à Nadar d’« anéantir » les plaques et les clichés réalisés la veille. Jugement impartial de l’œil professionnel mêlé au jugement partial de l’homme qui admet ou refuse l’image livrée au public : complexité de la photographie à la fois objective et interprétative. D’autant que Delacroix ne s’aimait pas : « Je me vis dans une glace et je me fis presque peur de la méchanceté de mes traits… », relevait-il jeune, et vieux il interdit qu’on prît l’empreinte mortuaire de son visage. Nadar se garda bien de détruire les plaques, et cette « triste effigie » – selon Delacroix – est devenue pour la postérité une fière image (illustration).<o:p></o:p>

    Delacroix dessina d’après photographies. Quand son cousin Léon Riesener le prend en daguerréotype, il dessine des autoportraits d’après la plaque, ajoutant une subjectivité à une autre. Il possède des photos d’œuvres classiques qui lui servent de motifs pour s’exercer. Les photographies commencent ainsi à remplacer les gravures dans la constitution de ce qu’on appelle « le musée imaginaire » des artistes. L’heure n’était pas encore à la couleur mais on a constaté depuis, qu’il n’y a rien de plus difficile que d’obtenir une photographie fidèle à l’original sur le rapport des couleurs – disons-en même l’impossibilité. Une bonne reproduction en noir et blanc est moins déloyale. Elle révèle même les tares : « Promenade le soir dans la galerie Vivienne, où j’ai vu des photographies chez un libraire. Ce qui m’a attiré, c’est L’Elévation en croix de Rubens qui m’a beaucoup intéressé : les incorrections, n’étant plus sauvées par le faire et la couleur, paraissent davantage. » (1853)<o:p></o:p>

    Des photographes comprirent que vendre aux artistes des clichés de nus académiques représenterait une bonne affaire, ils allègeraient l’artiste de la recherche d’un modèle et immobiliserait une pose mieux que toutes les remontrances. Delacroix eut en sa possession de tels clichés de L.-C. d’Olivier et de J. Vallou de Villeneuve. Cependant, peut-être pour se différencier des clichés érotiques, les poses étaient conventionnelles, encombrées d’un décor à prétention esthétique. Autre défaut aux yeux de Delacroix, les clichés étaient trop précis : le daguerréotype fut soutenu par l’Académie des Sciences en raison de sa précision tandis que Delacroix y voyait un motif de le récuser (tout comme les tirages au collodion qui présentaient le même défaut). Le peintre s’était suffisamment interrogé sur les rapports des parties au tout, sur celui des détails à la masse, pour repousser les photographies précises à rebours de l’œil humain. Il préférait « celles où l’imperfection même du procédé pour rendre d’une manière absolue, laisse certaines lacunes, certains repos pour l’œil qui ne lui permettent de se fixer que sur un petit nombre d’objets. »<o:p></o:p>

    Dans le but d’obtenir de valables clichés de nus, il mena avec son ami Eugène Durieu un essai de nus académiques (avec un modèle masculin et un modèle féminin) pour lequel fut utilisée la technique du calotype qui donnait les certains flous qu’il souhaitait. Delacroix indiqua les poses et limita les accessoires à la peau de bête et au bâton, comme cela se pratiquait en atelier. Durieu aux manettes, Delacroix en réalisateur : l’album de vingt-six clichés est le fruit unique d’une collaboration expérimentale entre un peintre et un photographe.<o:p></o:p>

    Delacroix regarda souvent « avec passion et sans fatigue ces photographies d’après des hommes nus, ce poème admirable, ce corps humain sur lequel j’apprends à lire et dont la vue m’en dit plus que les inventions des écrivassiers. »(Hormis Dante et Shakespeare, il n’aimait pas les écrivains, Balzac ô combien.) Delacroix dessina d’après ces clichés, particulièrement lorsqu’en séjour hors de Paris il n’avait pas de modèle à sa disposition. C’est vraiment pour faire ses gammes qu’il travaillait ainsi, car il peignit peu suivant ce procédé ; document exceptionnel, une petite Odalisque (huile sur toile) reprend une pose de l’album Durieu en la vêtant partiellement. <o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Delacroix et la photographie,

    jusqu’au 2 mars 2009, Musée Delacroix.

    Illustration : E. Delacroix par Nadar, 1858 (papier salé) © BNF

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