• Avant-garde russe

    Au musée Maillol<o:p></o:p>

    L’avant-garde et la Révolution<o:p></o:p>

    Présent du 24 janvier 2009<o:p></o:p>

    Dans les années 1910, les artistes ne font plus le voyage de Rome mais de Paris, où l’avant-garde à l’œuvre les attire. De nombreux Russes et Baltes y viennent étudier, s’y établissent ou repartent vers l’Est, porteurs de ferments nouveaux. Les idées circulent vite et les artistes demeurés à Moscou, à Saint-Pétersbourg, à Vilnius, à Riga, etc., ne restent pas en dehors du courant : quelques années plus tard ils seront eux-mêmes l’avant-garde. L’existence de groupes artistiques tels que la Rose bleue, la Toison d’or, est signe de vitalité. Le Valet de carreau, fondé en 1910, rassemble Chagall, Malevitch, Larionov, Gontcharova…<o:p></o:p>

    Marqués par le cubisme français et le futurisme italien, les artistes s’éloignent rapidement du figuratif. Ivan Klioune peint en 1910 de façon symboliste (La femme de l’artiste, ou : La tuberculose), puis dans les années vingt il organise des éléments géométriques : Construction sphérique, Diagonales dans l’espace… Lioubov Popova peint en 1907 une nature morte bien brossée avec panier et pot à eau, mais en 1918 s’adonne à « l’architectonique picturale ». <o:p></o:p>

    Chacun y va de son concept, Rodtchenko et le linéarisme, Matiouchine et l’organicisme, Redko et le luminisme, Nikritine et le projectionnisme. Filonov promeut l’art analytique, tandis que Koudriachov s’épuise en « compositions cosmiques ». Art envahi par la géométrie, péri corps et biens dans les –ismes. Le cérébral l’emporte et la matière s’appauvrit : la peinture est étalée sans amour sur la toile, comme à regret, comme une concession au monde sensible.<o:p></o:p>

    L’-isme vainqueur est le suprématisme de Malevitch (1915 – quête d’un art absolu au-dessus du réel, qui aboutira au fameux carré blanc sur fond blanc) auquel se rattache le non-objectif (la forme détachée de toute référence à l’objet). L’influence de Malevitch est orbitale. Son groupe Supremus attire Popova, Klioune, Oudaltsova qu’on a connue, retour de Paris, cubiste convaincue avec pichet, guitare et violon. L’enseignement de Malevitch à l’école d’art de Vitebsk puis à Petrograd contribue à la diffusion du suprématisme dans toute l’Europe.<o:p></o:p>

    C’est enfin, au début des années vingt, le constructivisme, synthèse de l’esprit géométrique et de l’esprit révolutionnaire qui séduit les artistes pressés d’en finir avec l’art bourgeois. On trouve dans la boîte du peintre équerre et marteau, faucille et compas. Au service de la Révolution, l’affiche et la typographie prennent un coup de jeune. L.Popova s’illustre dans la calligraphie de slogans : « Tous au meeting », « Que les jeunes remplacent les vieux, vive la Jeunesse communiste ». G. Kloutsis réalise cinq cartes postales à l’occasion des premières Spartakiades (jeux olympiques prolétariens, Moscou, 1928) : « Pour une jeunesse saine », Saluons les ouvriers sportifs du monde entier » (ill). Très actif, Kloutsis dessine des projets de haut-parleurs, de tribunes destinés à la propagande. <o:p></o:p>

    Cependant ces vibrants engagements tournent court, comme l’acquis artistique qu’ils sont censés véhiculer. L’imposition du Réalisme soviétique par Staline au début des années trente fait de l’art d’avant-garde un art subversif et proscrit. Cercles, carrés, lignes droites savamment combinées sentent la méditation élitiste, dédaigneuse des saines réalités ouvrières, impuissante à les exprimer et dénuée d’effets stakhanovistes. La glorification du régime requiert le réalisme monumental qui convainque l’Europe que l’utopie est réalisée. Lénine aide les camarades à transporter un madrier, l’ouvrier s’épanouit en bleu de chauffe : oubliées, les « constructions d’un mouvement rectiligne » de Koudriachov !<o:p></o:p>

    Sur les trente-six artistes exposés au musée Maillol, deux émigrèrent en France (A. Exter et P. Mansouroff), deux furent victimes des purges de 1938 (A. Drévine, exécuté ; G. Kloutsis – notre fieffé propagandiste – disparu au Goulag). Les autres surent se faire discrets et certains, comme Nikritine ou Malevitch lui-même, devinrent adeptes du réalisme dialectique – montrant qu’au fond l’art à leurs yeux pesait moins lourd que la Révolution.<o:p></o:p>

    On doit à Georges Costakis (1913-1990), d’origine grecque, d’avoir sauvé de nombreuses œuvres de l’oubli. D’abord chauffeur de l’ambassade de Grèce à Moscou, puis de celle du Canada, il se forme à l’art en promenant les visiteurs chez les antiquaires riches des œuvres « rapportées » des campagnes militaires. Pris de passion, il acquiert pour rien les toiles que le courroux du Parti rend sans valeur marchande. Considéré comme embarrassant, il quitte l’URSS à la fin des années soixante-dix. Sa collection est répartie aujourd’hui entre la prestigieuse Galerie Tretyakov et le musée de Thessalonique. Si cet art est daté, la page d’histoire reste intéressante.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    L’avant-garde russe dans la collection Costakis, <o:p></o:p>

    jusqu’au 2 mars 2009, Musée Maillol.<o:p></o:p>

    Illustration : G. Kloutsis, Carte postale des Spartakiades © Adagp Paris 2008

    <o:p>voir également:</o:p>

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