• Balzac en dandy

     

    Gavarni, Robe de chambre d’Humann © Maison de Balzac / Roger-Viollet.

    Maison de Balzac<o:p></o:p>

    Balzac en dandy<o:p></o:p>

    Présent  du 13 février 2010<o:p></o:p>

    « A l’incroyable, au merveilleux, à l’élégant, ces trois héritiers des petits maîtres, […] ont succédé le dandy, puis le lion », écrit Balzac. Dandy est resté en usage ; lion, dans ce sens spécial, a disparu. Le lion est un dandy, avec une nuance : c’est un dandy pour lequel le vestimentaire n’est pas une fin, mais un moyen. Le lion est un arriviste dont la meilleure arme est la fatuité.<o:p></o:p>

    Laissons la parole à Félicien Marceau. « Ce que veulent les lions, c’est vaincre le monde. Prendre des femmes ? Oui. Mais pour pouvoir, grâce à elles, triompher dans le monde, dominer, s’enrichir. Les lions de Balzac sont les frères cadets de ces colonels de trente ans qui, derrière Napoléon, ont dérangé toute l’Europe. » (Balzac et son monde, chap. III) Condamnée à l’inactivité par une Restauration gérontocratique, certaine jeunesse trouve à s’employer en intriguant, en tirant des ficelles qui peuvent être des lacets. Parmi les personnages froids de cœur que sont les lions, on trouve Rastignac, Rubembré, Raphaël de Valentin et, le pire de tous, Henri de Marsay, le « corrupteur dogmatique ». <o:p></o:p>

    D’autres tentent d’être des lions, sans arriver à la cheville joliment bottée des susnommés. Puis vient « la touchante cohorte des lions qui n’étaient qu’agneaux déguisés. Voici les dandys écrasés. » (Victurnien d’Esgrignon, Savinien de Portenduère…)<o:p></o:p>

    Les années 1830 ont été les belles années du dandysme. Empruntés à l’Angleterre (qui nous avait emprunté façon), les mots fashion, fashionable reviennent souvent chez Balzac sans lui être propres. Ils appartiennent à l’époque, aux écrivains comme aux caricaturistes. Gavarni dessine trois « Fashionables ». Son œil observateur, son crayon tour à tour sec et moelleux saisissent et restituent ce mélange d’élégance et de ridicule. Deux gandins qui n’assument pas leur mise traversent un groupe de bourgeois communs : « Passons vite », dit l’un. Les créations du tailleur Humann sont parfois le sujet même de l’estampe, costumes, chapeaux. Une robe de chambre cossue, damassée, enveloppe un être mollet avachi sur un sofa (illustration, lithographie coloriée). <o:p></o:p>

    Le peintre Delacroix, le duc de Fitz-James ont eu une réputation de dandy, comme les gravures nous le rappellent. Balzac lui-même s’est laissé aller à jouer les muscadins. On a entre autres le témoignage de Léon Gozlan, l’auteur du Balzac en pantoufles (1856). « Il fut le lion de la quinzaine, mettons de l’année, puis [les journaux] le laissèrent après l’avoir grossi, exagéré et démesurément enflé. » Il est vrai que les apparitions de Balzac ne furent pas discrètes, facile matière à copie pour les journaux. Le romancier, « demeuré jusque-là caché dans les mines de la méditation, revêt tout à coup l’habit d’Humann, endosse le gilet blanc, hausse le carcan de sa cravate, saisit une canne d’or, et vient, en pleine lumière d’Opéra, se carrer dans la belle loge d’avant-scène, à côté de M. Véron. » (Il s’agit du docteur Véron, fondateur de la Revue de Paris.) <o:p></o:p>

    La canne à pomme d’or incrustée d’une ébullition de turquoises a été commandée au joaillier Lecointe en 1834. Elle a « plus de succès en France que toutes mes œuvres », assure Balzac à Mme Hanska, à qui il précise qu’il a créé « la secte des Cannophiles dans le monde élégant. » A la fois trop voyante par sa taille, trop féminine par ses pierres, elle attire l’attention mais déclenche les moqueries. Balzac feint-il de ne pas s’en apercevoir ?<o:p></o:p>

    Delphine de Girardin publie en 1836 un petit roman sous le titre de La Canne de M. de Balzac, prêtant à l’accessoire une vertu magique – à défaut de lui reconnaître de la distinction. Le plâtre de Dantan, portrait-charge, représente le romancier avec cette canne comme une massue, de même qu’une vignette par Lorentz, laquelle met en évidence la silhouette rondouillarde déjà profilée par Théophile Gautier. Car Balzac n’avait pas ni le tempérament du dandy, ni le physique de l’emploi. Le Charivari moque ce « Chérubin hydropique ». Des toilettes recherchées, sur un tel mannequin, prêtaient à sourire. Aussi, continue Gozlan, « après cette violente explosion […] il pendit son habit au clou, jeta sa cravate blanche dans un coin et cacha sa ridicule canne d’Alcibiade. »<o:p></o:p>

    Cet attribut brille encore dans une vitrine de la maison de Passy. Il n’émeut pas autant que la cafetière du romancier, moins dérisoire puisqu’une partie de l’œuvre y a passé. Une partie seulement. Lorsque la boisson n’eut plus l’effet escompté, Balzac essaya l’ingestion d’une cuillerée de café en poudre, froid et sec. « Dès lors tout s’agite : les idées s’ébranlent comme les bataillons de la Grande Armée sur le terrain d’une bataille, et la bataille a lieu. » On reconnaît mieux notre romancier en tacticien cérébral qu’en dandy compassé.<o:p></o:p>

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    Samuel<o:p></o:p>

    Les dandys dans l’œuvre de Balzac.

    Jusqu’au 28 mars 2010, Maison de Balzac (47 rue Raynouard, Paris XVI). <o:p></o:p>


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