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Bronzes d'art XIXe
La galerie des Gobelins
à l’heure du bronze<o:p></o:p>
Présent du 4 décembre 2010<o:p></o:p>
Après la mise à mal du patrimoine mobilier des châteaux durant la Révolution, le remeublement incombe à Napoléon. Il n’agit pas en décorateur, mais en gouvernant. Il veut relancer un artisanat et une industrie, asseoir son règne en répétant, par le biais des arts décoratifs, les idées fortes qui le sous-tendent, marquer sa prééminence par un ameublement qui en impose.<o:p></o:p>
Questions pendules et candélabres – puisque l’exposition se concentre sur ces objets, bronzes où le noir contraste violemment avec les parties dorées –, les convenances distinguent. Un prélat ne saurait être meublé comme un maréchal ou un préfet. La pendule du salon ne saurait être celle de la chambre d’une dame, où Psyché et Cupidon, des cygnes, sont les figures imposées. Ces exigences nourrissent la variété des sujets, que les progrès en horlogerie permettent aux créateurs, moins prisonniers des impératifs mécaniques, d’accroître encore.<o:p></o:p>
L’Antique règne en maître, sous sa forme épurée, néoclassique. Hébé caressant un aigle dit la jeunesse et la vitalité de l’Empire. Les zéphyrs, souffles d’Occident doux et apaisants, disent la paix nationale retrouvée. Les cornes d’abondance et Cérès, la richesse entrevue.<o:p></o:p>
Minerve, déesse de la guerre, s’impose. Les Français ne sont-ils pas tous devenus soldats ? Si Rome est une référence politique, son ennemi Hannibal en est une autre, militaire : stratège foudroyant qui passe mers et montagnes, il a droit à sa pendule, d’après l’œuvre sculptée par Slodtz au XVIIIe. Autre emprunt, à la peinture cette fois : repris de David, le serment des Horaces, « en 3D », pour une pendule commandée par le prince Murat (1805). Tout patriotique combattant est sollicité : Achille, Agamemnon, Hector qui dit adieu à Andromaque.<o:p></o:p>
Minerve est aussi la déesse des arts et des sciences et, en ces temps de reconstruction, elle appelle à la poésie et à la lecture. Les poètes et leur lyre ont droit à leurs pendules, Homère, Anacréon, Sapho (illustration, pendule acquise pour la chambre à coucher de l’Impératrice aux Tuileries). Les personnages « à l’étude » sont nombreux.<o:p></o:p>
La gigantesque pendule-monument réalisée par Duguers en 1806 à la mémoire de Frédéric II est tout en allégories et symboles à la gloire du militaire et du juriste. Elle est monstrueuse. Elégantes, les pendules dites « architectures » peuvent être un arc de triomphe (celui du Carrousel date de 1809), un autel, une borne, une colonne. La campagne d’Egypte donne quelques candélabres en forme de « cariatides égyptiennes », quelques pendules ; cela reste limité.<o:p></o:p>
Que dire de cette production ? La mainmise de Percier et Fontaine sur le goût lui donne une unité. Décrivant l’habit démodé du cousin Pons, vêtu Empire, Balzac signale « ce je ne sais quoi de menu dans les plis, de correct et de sec dans l’ensemble, qui sentait l’école de David, qui rappelait les meubles grêles de Jacob » : cela s’applique à ces bronzes. Les objets vont du simple au compliqué, limite tarabiscotés parfois – mais on note alors que la lisibilité demeure. Le dessin est sec, mais le bronze est beau : les bronziers de l’Ancien Régime sont encore en activité. Thomire (1751-1843), ciseleur et fondeur, est le maître de cette période. Une pendule de 1809 comme La France écrivant (ou : Le génie de l’histoire) est dessinée par Percier, réalisée par Thomire, le mécanisme par Lepaute. Dans les décennies qui suivent, les artisans et les artistes coopéreront moins, ceux-ci estimant ces travaux indignes de leur « génie ». Il s’ensuivra un abâtardissement du goût.<o:p></o:p>
A la Restauration, l’Antiquité est moins présente. Oh, il y a toujours des Victoires qui prennent leur envol sur un globe, assurant aux bougies un piédestal maintes fois répété. Homère ne passe pas à la trappe (bronze d’après une pendule de Gérard, 1824). L’étude demeure un sujet, le grand homme aussi : voici Marius sur les ruines de Carthage (clin d’œil vainqueur à l’Hannibal précédent), voici aussi Galilée. Le goût troubadour se répand, pour preuve la garniture de cheminée qui emprunte à un tableau de F.F. Richard ses personnages (François Ier et Marguerite de Navarre dans un décor gothique). L’anecdote moraliste débarque : tout doré, Louis-Philippe s’apprête à saigner le courrier Werner. Un artiste réalise une Indienne chassant le fauve, puis sous le Second Empire un François 1er chassant le sanglier. Une pendule à la gloire des deux Napoléon, confuse et engraissée, révèle l’alourdissement du goût.<o:p></o:p>
Comme les intérieurs bourgeois, les appartements luxueux connaissent les réductions de chefs-d’œuvre et les « groupes mobiles » : une faunesse d’après Clodion, les chevaux de Marly, la Diane au cerf connaissent le destin du dessus de cheminée.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
L’heure, le feu, la lumière (1800-1870), Bronzes du garde-meuble impérial et royal.
Jusqu’au 27 février 2011, Galerie des Gobelins.
illustration : Sapho (Maison Thomire Duterme et Cie, 1809). Paris, Mobilier national © Isabelle Bidau<o:p></o:p>
Tags : bronze, ameublement, xixe
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