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Meijer De Haan
Au musée d’Orsay
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Un de Pont-Aven<o:p></o:p>
Présent du 8 mai 2010<o:p></o:p>
Meijer De Haan est un peintre de l’entourage de Paul Gauguin, à la fin des années 1880. Né à Amsterdam en 1852, il est issu d’une famille juive conservatrice aisée. Ses premières toiles sont marquées par l’héritage du XVIIe hollandais, Rembrandt et autres maîtres : Nature morte avec homard et citron. Beaucoup portent sur des thèmes juifs : Portrait d’une vieille israélite, Portrait d’une jeune femme. La Discussion théologique (encore appelée Un passage difficile du Talmud) est un intérieur, une scène de genre qui peut évoluer vers la satire discrète : dans l’Anatomie talmudique, trois rabbins observent gravement un poulet pas encore rôti.<o:p></o:p>
En 1888 il expose Uriël Acosta devant ses juges, grande toile qui l’occupe depuis huit ans. Ce tableau perdu, ou détruit, provoque le scandale. Les artistes avancés le trouvent honteusement passéiste. Le sujet lui-même est-il bien reçu de la communauté juive ? Peut-être est-il utile de rappeler qui était cet Acosta, ou Da Costa.<o:p></o:p>
Acosta naquit à Porto vers 1585, dans une famille juive convertie au catholicisme, qui, ayant décidé de revenir au judaïsme, s’installa à Amsterdam. Cependant Acosta s’aperçut qu’entre le Livre et la pratique rabbinique un abîme existait. Il publia Propositions contre la tradition (Hambourg, 1616) qui entraîna son excommunication, confirmée lorsqu’il donna Examen de la Tradition des Pharisiens(1624). Son scepticisme rationaliste agaça la communauté. Il reçut les 39 coups de fouet dans la synagogue. Il prit le temps d’écrire son autobiographie avant de se suicider (Exemplar Humanae Vitae, 1640). Destin plus tragique que celui de Spinoza, mais préfiguration. <o:p></o:p>
En butte à l’hostilité du milieu artistique et vraisemblablement à celle de ses coreligionnaires, De Haan s’expatrie à Paris, où il a déjà exposé deux fois (1879, 1880). Il projette peut-être d’y acquérir une manière plus moderne. Pensionné par sa famille, il loge dans un premier temps chez Théo Van Gogh. Il découvre la peinture de Vincent, se lie avec Pissaro et Gauguin. <o:p></o:p>
Pour ce dernier, la Bretagne est une terre primitive, habitée par des sauvages. C’est encore la Martinique et déjà Tahiti. On y vit à bon marché, on y trouve à peindre. De Haan l’y rejoint en 1889. <o:p></o:p>
Sa manière évolue. Les natures mortes sont peintes plus largement. Elles manquent parfois d’unité et de nerf. Face à la Nature morte aux oignons de Gauguin, sa Nature morte avec pot, oignons, pain et pommes vertes témoigne de son embarras face au synthétisme. Plus simples de composition, plus belles de touche, certaines sortent du lot, comme Pommes et vase de fleurs ou cette branche de lilas (illustration). <o:p></o:p>
Les mêmes remarques s’appliquent aux paysages de Pont-Aven puis du Pouldu où ils s’installent en 1890. De la vallée de Kerzellec, De Haan donne une version tributaire de la réalité du lieu tandis que Gauguin simplifie les plans, recompose les éléments à son idée. De Haan est plus personnel avec son paysage « à l’arbre bleu ».<o:p></o:p>
De concert, Gauguin et De Haan décorent l’auberge où ils sont logés. Il reste des fragments, comme une belle oie par Gauguin (huile sur plâtre), comme une Maternité par De Haan. On peint, on fait des projets. Ce serait un atelier à Anvers, où travailleraient Van Gogh, Gauguin et De Haan. Ou bien De Haan accompagnerait Gauguin à Tahiti, il y commercerait les perles avec les marchands de Hollande. Rêves d’artistes dans la déche ! Cependant sa famille restreint sa pension, il quitte le Pouldu, confiant à Marie Henry, leur aubergiste, la majorité de ses tableaux bretons. Il ignore qu’il lui laisse également une fille à venir.<o:p></o:p>
Théo Van Gogh meurt quelques mois après Vincent (janvier 1891). La situation de beaucoup d’artistes s’en trouve fragilisée. De Haan est présent au banquet d’adieu donné pour le départ de Gauguin (mars 1891). La fin de sa vie est obscure. Il reste un certain temps à Paris, rentre aux Pays-Bas où il se traîne, malade et isolé. Il y meurt en octobre 1895. <o:p></o:p>
Gauguin a peint plusieurs fois son portrait et a utilisé à deux reprises sa figure. Au premier plan d’une gravure sur bois insérée dans le manuscrit de Noa Noa (1893) ; au second plan des Contes barbares (1902) : sur fond bleu lilas, il est l’inquiétant personnage roux aux yeux glauques qui se tient près des deux Tahitiennes. Gauguin, en lui prêtant un aspect diabolique, interprète sa physionomie. Les autoportraits montrent un visage moins poétique, qu’il se représente en costume breton ou sur fond japonisant. Cette participation involontaire à l’œuvre de Gauguin est ce qui a maintenu, maigrement, son nom hors de l’Oubli. Si De Haan n’est pas, loin s’en faut, « un maître caché », sa place dans l’Ecole de Pont-Aven justifie cette exposition.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Meijer De Haan (1852-1895). Jusqu’au 20 juin 2010, Musée d’Orsay.
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illustration : Branche de lilas dans un verre, 1889-1890, collection particulière (D. R.)
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Tags : Meijer De Haan, peinture, Pont-Aven
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