• Néoclassicisme

    Au musée du Louvre

    L'Antiquité rêvée

    Présent du 15 janvier 2011

    Le lien entre l’art européen et l’art antique est complexe, d’autant que, suivant les époques, ce lien est une amarre, ou une bride, ou un ruban. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, l’Antiquité est invoquée avec force, mais ni la sculpture ni l’architecture n’en sont une resucée. La référence antique est plus alors la caution que se donne le classicisme français au moment de s’émanciper des arts italiens et flamands.

    Au XVIIIe siècle, le néoclassicisme est précédé d’une longue maturation qui débute vers 1720 en France et en Europe. Tandis que règne l’art rocaille, art de la courbe, art riant que protège la marquise de Pompadour, certains artistes mais aussi théoriciens cherchent d’autres repères, plus mâles. Or l’Antiquité est d’actualité. Les musées de papier (cf. Présent du 9 octobre) puis les fouilles d’Herculanum donnent une assise archéologique à l’idée de la supériorité artistique antique, développée par Winckelmann, par Caylus, supériorité que n’avait pas affirmée aussi fort le XVIIe ou que les artistes avaient eu assez de personnalité pour ne pas en être écrasés.

    L’honnête homme se taille dans le marbre, nouveau patricien : le comte de Nottingham par Rysbrack (1723), Philippe von Stosch par Bouchardon (1727). Edme Bouchardon (1698-1762) est le premier chez qui le refus de la rocaille est définitif. Signe des temps, l’artiste est conseillé par un « littéraire », Caylus. Son Amour taillant un arc dans la massue d’Hercule (1750) rebute le public qui ne retrouve pas son Cupidon dans cet éphèbe où s’associent naturalisme et idéalisme. La froideur du purisme est accentuée par le fini excessif : « Son travail se dévorait lui-même dans une absurde poursuite, au lieu de se renouveler par la diversité de ses objets dans la fraîcheur improvisée de la vie », commente Luc-Benoist (La sculpture française).

    On préfère Pajou (Anacréon, 1750), Pigalle (Mercure, 1744), voire Falconet (Pygmalion et Galatée, 1761) : ces artistes sont les plus équilibrés, entre un rocaille tempéré et une influence antique mesurée.

    Côté peinture, Vien est un représentant typique du goût antique (illustration). Poussin revient sur le devant de la scène : les peintres trouvent dans son œuvre une manière d’assimiler l’Antiquité. Son Testament d’Eudamidas, peint en 1644 et réapparu en 1757, influence aussi bien Greuze, Angelica Kauffmann, que Gavin Hamilton.

    Parallèlement, d’autres réponses au rocaille ont été proposées : on distingue néo-baroque, néo-maniérisme, sublime.

    Le néo-baroque puise son inspiration chez le Bernin et Cortone. On le constate dans une peinture de Fragonard (Corésus et Calirhoé, 1765), des sculptures de L.S. Adam et de Pajou, qui donnent deux Neptune très berniniens, le premier en 1737, le second plus apaisé mais baroque en 1767.

    Le néo-maniérisme s’alimente au XVIe siècle. Il est le fait d’artistes italiens, français et anglais séjournant à Rome. La Vénus marine de Deare, La Baigneuse d’Allegrain partagent avec le néoclassicisme la froideur.

    Le sublime, ou « gothic », est une réaction nordique, qui puise dans une Antiquité non plus lumineuse mais obscure des raisons de se libérer de l’emprise du classicisme français. Le sublime, ce sont les rêves et encore plus les cauchemars, les saints et encore plus les maudits. Le célèbre Cauchemar de Füssli (1783), le Titan foudroyé de Banks, la Sorcière de Laponie de Romney : en germe, un certain romantisme.

    En attendant, le rocaille a vécu : François Boucher a trop tiré sur la corde. Une toile de 1747, L’enlèvement d’Europe, explique qu’il ait lassé, voir écœuré : teintes mauves et roses louches, femmes peintes de chic, manières routinières, tout poussait les artistes à aller voir ailleurs. Lorsque la protectrice marquise de Pompadour meurt en 1773, le néoclassique – auquel aboutit un demi-siècle de recherches et que l’Empire prolongera – entre véritablement en scène.

    Jean-Baptiste II Lemoyne et surtout Houdon pratiquent le buste, véritable culte aux grands hommes : buste posthume de Montesquieu, buste de Diderot, de l’acteur Larive en Brutus, buste imaginaire d’Alexandre. Antonio Canova est l’héritier de Bouchardon (Psyché debout, 1789-1792) – la même correction froide désanime leurs œuvres – tandis que Joseph Chinard modèle une Phryné qui est un nu autrement plus chaud : la terre cuite ne congèle pas autant que le marbre.

    Arrive J.L. David, « un vrai Français en cela qu’il est toujours intelligible et dit nettement ce qu’il veut dire » (Louis Gillet). Le Serment des Horaces (1784) mérite d’être regardé avec des yeux neufs, comme sa Psyché abandonnée, inachevée, qui dans son désarroi brise la glace néoclassique et nous émeut.

    Samuel

    L’Antiquité rêvée – Innovations et résistances au XVIIIe siècle.

    Jusqu’au 14 février, musée du Louvre.

    illustration : Joseph-Marie Vien, La marchande d'amours, 1763 (Fontainebleau, Musée National du Château)


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