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Proust épistolier
Au musée des Lettres et des Manuscrits<o:p></o:p>
Proust épistolier<o:p></o:p>
Présent du 17 juillet 2010<o:p></o:p>
Philip Kolb, l’homme qui publia la correspondance de Marcel Proust, estimait que ses 5000 lettres répertoriées représentent le vingtième du volume réel. L’édition compte 21 volumes, publiés entre 1971 et 1993. A cette annexe de l’œuvre (hors-d’œuvre au sens architectural, qui peut l’être aussi au sens culinaire), un compendium rend l’accès plus facile : le choix de lettres, paru chez Plon en 2004, en retient 627.<o:p></o:p>
Proust méritait donc une exposition du musée des Lettres et des Manuscrits, d’autant que côté manuscrits il ne fut pas en reste, par la longueur de son roman et par sa rédaction, procédant par ajouts, découpages, collages. Les placards du deuxième volume de La Recherche se signalent par leur complexité. Les épreuves composées à partir du manuscrit s’accroissent et se transforment en un second manuscrit (illustration).<o:p></o:p>
On voit aussi des épreuves de la traduction de La Bible d’Amiens de Ruskin, auteur essentiel dans la formation esthétique du romancier et, par les corrections, les amendements que fit celui-ci à la traduction d’abord effectuée par sa mère, moment important du forgeage de son style. <o:p></o:p>
On trouve encore la première version de l’épisode de la madeleine, instant clé du Côté de chez Swann, inoubliable analyse du rapport entre la mémoire et les sens « subtils » que sont le goût et l’odorat. Le souvenir authentique, d’après Proust, n’est pas celui que pioche la volonté, comme on déterre péniblement une souche et les racines, mais celui qu’on ignorait avoir et qui émerge des profondeurs, remonté de lui-même à la surface sous l’impulsion d’une odeur, à laquelle notre mémoire l’avait, à notre insu, indissolublement lié.<o:p></o:p>
Proust a vu son manuscrit du Côté de chez Swann refusé par tous les éditeurs. Sentant la maladie gagner du terrain chaque année, il se résout à le publier à compte d’auteur. Ce premier volume paraît chez Grasset en novembre 1913. En 1914, il reçoit les épreuves du deuxième volume. La guerre suspend l’activité de l’éditeur. C’est « grâce » à la guerre que La Recherche prend une dimension imprévue : Proust en profite pour enrichir considérablement les épreuves, d’où ces placards étonnants. C’est une refonte. Cependant les éditeurs qui l’ont refusé s’aperçoivent de leur erreur. Gide, lecteur à la NRF, écrit à Proust dès la parution du Côté de chez Swann : « le refus de ce livre restera la plus grave erreur de la NRF ». Les contacts avec la NRF, avec Grasset, vont amener Proust à accepter les offres de Gaston Gallimard, qui publie A l’ombre des jeunes filles en fleurs en 1918. <o:p></o:p>
Le livre obtient le prix Goncourt 1919. Non sans grincement de dents. L’auteur, malade, n’a pas reçu les journalistes, qui croient à du mépris. L’opinion est fâchée qu’un roman de guerre, Les Croix de bois, ait été écarté au profit d’un roman aussi inactuel, voire intemporel.<o:p></o:p>
C’est pourtant à un va-t-en-guerre que Proust doit le prix : Léon Daudet. « C’est un écrivain qui devance son époque de plus de cent ans », a-t-il déclaré à ses pairs de la petite Académie. Proust est très attaché à la famille Daudet. Il a connu Alphonse Daudet, à qui il emprunte quelques traits lorsqu’il crée l’écrivain Bergotte ; une amitié affectueuse le lie à son fils Lucien, une amitié respectueuse à son autre fils Léon et à son épouse. A Léon Daudet il dédiera Le Côté de Guermantes.<o:p></o:p>
Quelques lettres ont été échangées avec Charles Maurras. Dreyfusard, Proust reste à distance. Mais l’admiration est réciproque, Proust lisant avec plaisir L’Action française dont la qualité littéraire en impose à beaucoup, au-delà des clivages politiques. Surtout, la gratitude de Proust est indéfectible. Maurras est en effet le premier à avoir signalé le talent de Proust, dans son article louangeur sur Les Plaisirs et les Jours, en août 1896, alors que dans l’ensemble la critique dédaignait l’ouvrage : « il faut que la jeune génération s’accoutume à faire fond sur ce jeune écrivain ». (En « omettant » de prendre en compte la part de Maurras dans la vie littéraire des années 1890-1920, part créative et critique, l’histoire de la littérature fausse totalement la perspective.)<o:p></o:p>
Bien d’autres noms apparaissent dans la correspondance, intéressants (Cocteau, Rivière, Régnier…) ou médiocres (Gregh, Souday, Bourges, ce dernier connu des lecteurs de Bloy : c’est Desneux dans Le Désespéré). Proust agrémente parfois sa lettre d’un pastiche, comme des vers hugoliens (lettre à Albert Sorel). On sait quel pasticheur il a été, de Balzac, de Sainte-Beuve, de Flaubert : un exercice qui demande le parfait accord de la sensibilité et de l’analyse littéraires.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Proust, du temps perdu au temps retrouvé.
Jusqu’au 29 août 2010, musée des Lettres et des Manuscrits<o:p></o:p>
illustration : À l’Ombre des jeunes filles en fleurs. Placard d’épreuves corrigées de 1914 © Coll. privée / Musée des lettres et manuscrits - Paris<o:p></o:p>
Tags : proust, lettres, manuscrits
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