• Redon (Odilon)

    Au Grand Palais

    Odilon Redon

    et ses mondes

    Présent du 14 mai 2011

    La précédente exposition française d’Odilon Redon remonte à 1956. Il a fallu se contenter, ces dernières années, de l’apercevoir. La rareté ne lui nuit pas, ses œuvres sont ainsi riches qu’on n’oublie pas les avoir vues. Le char d’Apollon était au catalogue d’une exposition sur le pastel (Orsay, 2009) et un portrait de son fils Arï à l’exposition « Enfants modèles » (Orangerie, 2010).

    Né à Bordeaux en 1840, Redon commence en 1857 des études d’architecture à Paris mais échoue au concours d’entrée des Beaux-Arts (1862). A l’automne 1864, il entre dans l’atelier de Gérôme. « Le professeur eut de mes dons naturels la plus obscure, la plus entière méconnaissance. » Personnalité discrète voire effacée, d’une allure correspondant plus à l’image d’un « petit-bourgeois » qu’à celle d’un « artiste », Redon quitte sans bruit l’atelier de Gérôme au bout de quelques mois.

    Il retourne à Bordeaux où il trouve son maître, Rodolphe Bresdin, graveur et lithographe. Avec lui, Odilon Redon comprend que son monde est celui du rêve, du fantastique – le monde des graveurs qui, la tête penchée sur la plaque, s’abstraient de la réalité que les peintres, juchés sur leur tabouret d’atelier, le col dévissé, ne sont que trop portés à zyeuter. L’art de Dürer, surchargé de symboles, l’art de Rembrandt, obombré, le renseignent sur lui-même. Cela le met aux marges de son époque, qui, dans des courants picturaux très différents (académisme, naturalisme, impressionnisme), ne se détourne pas de la réalité.

    De 1865 à 1890, Redon est occupé à ses estampes, qu’il nomme ses « Noirs ». Il publie des recueils de gravures, expose des fusains.

    En 1879 paraît son premier album de lithographies, Dans le rêve, parmi lesquelles on remarque le Joueur, qui porte sur le dos un dé comme une Chimère, ou Sur la coupe, tête coupée qui hante l’artiste. Elle sera souvent celle de Jean-Baptiste, mais pas seulement. Elle apparaît, angoissante, dans quantité d’autres planches et dessins (Diable enlevant une tête, très beau fusain ; Une tête coupée, qui rappelle celle de Camille Claudel par Rodin). Quand elle n’est pas coupée, c’est tout comme : celle du Noyé émerge sous une éclipse terrible et pesante.

    Les sujets bizarres, ésotériques, occultistes ou symbolistes, « surréalistes », se multiplient. On ne s’y reconnaît pas forcément. L’incompréhension n’empêche pas d’apprécier la subtilité des gris, le velouté des noirs, les valeurs nuancées à l’eau-forte, au crayon, en lithographie.

    D’autres albums seront consacrés à l’étrange : les Origines, la Nuit, Songes, et non moins ceux placés sous un patronage : A Edgar Poe (1882), Hommage à Goya (1885), La Tentation de saint Antoine (1888), A Gustave Flaubert (1889). Que les planches se rapportent à un auteur ou un livre, elles ne sont en aucun cas illustrations, « mot défectueux » : « vous ne le trouverez pas en mes catalogues. C’est un terme à trouver : je ne vois que ceux de transmission, d’interprétation, et encore ils ne sont pas exacts pour dire tout à fait le résultat d’une de mes lectures passant dans mes noirs organisés ».

    Les noirs de Redon, ces relectures, ne pouvaient qu’intéresser les écrivains à un moment où ils avaient fait le tour du naturalisme. Redon précède le symbolisme, dont il est l’une des racines. Thadée Natanson le baptise « Prince du Rêve » (dans la Revue blanche, 1894), Mallarmé et Huysmans suivent son évolution de près. Des Esseintes accroche à ses murs des gravures de Bresdin et de Redon.

    A partir de 1890, ayant comme épuisé les ressources du noir et du blanc, Redon se met à la couleur. Sa science des valeurs, appliquée à celle des tons, donne d’étonnantes harmonies, à l’huile ou au pastel. Etonnants effets du Buisson rouge, du Bouddha, du Christ du silence ! Ici son monde rejoint celui de Gauguin, à qui il rend un Hommage explicite, et dont il trace le Profil noir, régions que fréquentera, plus tard dans le siècle, Bernard Bouts.

    Goûtant la couleur dans ses imperceptibles nuances et ses vivacités, Odilon Redon devient naturellement peintre de fleurs. Entre 1900 et sa mort (1916), les bouquets s’épanouissent. L’étrange cède le pas au féerique : certaines fleurs du Vase vert ne deviennent-elles pas déjà papillons, insectes ? Ou est-ce l’inverse ? La féerie le mène vers les contrées si classiques de la mythologie : la naissance de Vénus, le Char d’Apollon dans ces ciels fantastiques, Pégase – auquel Bellérophon passe la bride afin d’aller tuer la Chimère, tout un symbole. « J’ai fait un art selon moi. Je l’ai fait avec les yeux ouverts sur les merveilles du monde visible, et quoi qu’on ait pu en dire, avec le souci constant d’obéir aux lois du naturel et de la vie.

    « Je l’ai fait aussi avec l’amour de quelques maîtres qui m’ont induit au culte de la beauté. »

    Samuel

    Odilon Redon, Prince du Rêve. Grand Palais, jusqu’au 20 juin 2011.

    illustration : Odilon Redon, Pégase et Bellérophon, fusain © The metropolitan Museum of Art New York / RMN Grand Palais


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