• Italie XIXe

    Au musée d’Orsay

    Idéale Italie

    Présent du 6 juin 09

    « Voir l’Italie et mourir » – alors que l’Italie ne donne qu’envie d’y vivre, que tant d’écrivains et artistes y ont vivifié leur œuvre ! Dès le XVIIe siècle, tout artiste doit pour parfaire sa formation avoir visité l’Italie, patrie des arts, et, mère civilisatrice, Rome où l’Académie de France n’est pas tant la légation de l’art français que le pied à terre de ceux à qui est accordé le défraiement du séjour : le fameux Prix de Rome.

    Les paysagistes cherchent le ton local, la lumière fugitive. Dans les années 1780, pas encore guindé dans des paysages historiques, P.-H. de Valenciennes peint la lumière sur les toits romains : Rome, ciel nuageux. Lui succèdent L. Cogniet (condisciple aux Beaux Arts de Delacroix et Géricault) et C. Corot, qui immortalise la vasque du jardin de la Villa Médicis devant le panorama urbain.

    Des vieilles pierres, d’autres recherchent la permanence. Viollet-le-Duc effectue de minutieux relevés aquarellés de la façade du Palais des Doges et de Sainte-Marie des Fleurs ; J. Ruskin aussi, mais il illustre ses recherches avec les photographies prises par ses soins (Les Pierres de Venise, 1853, ill.).

    Les artistes ne sont pas seuls à parcourir l’Italie. Les aristocrates anglais font le voyage, initiation culturelle : le Grand Tour, qui embourgeoisé donne naissance au tourisme dans le cours du XIXe. Dès que pratiquement ils le peuvent, les voyageurs emportent leur matériel photographique : leur abondante production d’images, de qualité souvent, s’ajoute à celle des peintres. Il se fait des « excursions daguerriennes », titre d’un album qui rassemble des gravures effectuées d’après des clichés (monuments, villes). Naît une école romaine de photographie encore tributaire de la peinture, qui s’intéresse aux sites touristiques et à la vie populaire.

    Les amateurs de la chambre obscure sont présents sur les sites archéologiques lorsqu’est exhumée une statue colossale, ou lorsqu’est moulée une cavité laissée par un cadavre de Pompéi, donnant comme grâce à un négatif le tirage d’une victime de l’éruption du Vésuve. Les panaches du volcan, photographiés par Giorgio Sommer, abolissent le temps humain : dix-huit siècles après, ils sont tels que les a décrits Pline le Jeune. Mais l’Italie a une actualité pas moins dramatique, celle du Risorgimento. Les photographes prennent conscience de l’importance de leur témoignage. Ils enregistrent les destructions occasionnées par la défense de Rome (1848-1849, S. Lecchi), les ruines du Palais Carini à Palerme (1860, G. Le Gray).

    La grandeur de Rome, que Du Bellay a cherché dans les ruines – Nouveau venu qui cherches Rome en Rome / Et rien de Rome en Rome n’aperçois, / Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois, / Et ces vieux murs, c’est ce que Rome on nomme –, qu’en reste-t-il dans le peuple ? Le poète de la Renaissance s’est adressé aux « pâles esprits », aux « ombres poudreuses », mais les artistes du dix-neuvième trouvent la vertu antique dans la figure d’un mendiant ou la silhouette d’une passante, ou à défaut se rabattent sur l’exotisme des costumes locaux, sur la solide et saine beauté d’une femme du peuple. Ils en tirent ce que leur talent permet, du pittoresque ou plus : Deux paysannes et un enfant de G.-L. Gérôme (1849), Les Pèlerins à Rome de P. Delaroche (1842), La Florentine de H. Flandrin (1840). A l’aide des mêmes modèles, d’autres recréent une antiquité rêvée. Th. Chassériau imagine Le Tepidarium, empli d’augustes femmes, dont une brune, à droite, nous regarde (1853).

    Hommage à E. Hébert

    Une exposition est parallèlement consacrée à Ernest Hébert (1817-1908). Deux fois directeur de l’Académie de France à Rome, il prit le temps de séjourner dans des villages reculés des Abruzzes, où il travailla d’après l’Italienne, tandis que son épouse pratiquait, elle, la photographie. Plus que ne le pouvaient les artistes de passage, E. Hébert approfondit la question de ces paysannes typées. Ses toiles à l’huile ont l’aspect cotonneux de l’académisme (M. de Norpois admirait ses Vierges), son talent s’exprime au fusain, à l’aquarelle. Combien demeure juste l’appréciation de Th. Gautier, « Hébert excelle à rendre ces physionomies italiennes, brunes et sérieuses où la vie paraît dormir à force d’intensité et se traduit seulement dans un regard fixe. Il sait exprimer mieux que personnes cette mélancolie de chaleur, ce spleen de soleil, cette tristesse de sphinx qui donnent tant de caractère à ces belles têtes méridionales ». De splendides dessins rendent inoubliables les visages de Crescenza, d’Adélaïde et autres filles d’Alvito, village du Latium.

    Samuel

    Voir l’Italie et mourir, Photographie et peinture dans l’Italie du XIXe siècle.

    Italiennes modèles, Hébert et les paysans du Latium.

    Jusqu’au 19 juillet 2009, Musée d’Orsay

    illustration : J. Ruskin, Venise, palazzo Ducale avec soldats, entre 1845 et 1852 © Courtesy of K. and J. Jacobson, UK


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