• Académie des Beaux Arts

    A l’Ecole des Beaux Arts

    De l’Académie à l’Ecole

    Présent, 5 déc. 09

    L’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts, issue de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, organise dans ses vastes murs deux expositions qui, bien que distinctes, éclairent son histoire. Chacune illustre un sens du mot « académie » : dessin d’une part, « compagnie de gens de lettres, de savants ou d'artistes » d’autre part (Littré).

    Le Brun rassemble quelques artistes à son retour d’Italie en 1644. L’existence de cette académie est reconnue officiellement en 1648. Cela déplaît à la Maîtrise, corporation d’origine médiévale, qui combat pour garder ses prérogatives. Elle se modernise en prenant le nom d’Académie de Saint-Luc. Le rival de Le Brun, Pierre Mignard, en prend la tête. Il y a des essais de fusion, mais les coups bas et les intrigues se multiplient. L’Académie de Le Brun gagne la bataille en 1654 : elle devient « royale ».

    Tous les artistes intéressés par l’Académie naissante sont liés à la cour. Distingués par le Roi, ils trouvent pesant et poussiéreux le système de la Maîtrise basé sur les échelons d’apprenti, de compagnon et de maître. Ils n’acceptent plus d’être confondus avec les artisans et mêlés aux artistes de second plan qui ont leur place dans le système corporatif. Ils aspirent à se retrouver entre artistes reconnus, auprès du trône.

    Côté pouvoir, la création de l’Académie permet de donner au Roi le rang de premier mécène, d’assouvir un besoin d’administrer, en l’espèce de gérer les talents : par l’enseignement basé sur l’antique et le nu, on pense obtenir un rendement maximal.

    Le nu académique

    Cette pratique du nu est si emblématique que le terme d’académie a fini par désigner « une figure entière dessinée d'après le modèle qui est un homme nu, & qui n'est pas destinée à entrer dans la composition d'un tableau ; les figures qui y sont destinées s'appellent études. » Ce sens ne figure pas dans le Dictionnaire de l’Académie de 1694, il apparaît dans l’édition de 1762. La distinction entre académie et étude est assez théorique.

    Les noms de quelques modèles sont restés dans l’histoire. Il y a Saint-Germain père, qui pose de 1664 à 1675, puis Saint-Germain fils ; Francisque, d’origine italienne ; Deschamps, modèle entre 1725 et 1765. Les uns et les autres sont identifiés sur certains dessins.

    Les dessins que conserve l’Ecole des Beaux Arts ont été donnés par les artistes à l’Académie royale, comme les statuts les y obligeaient. Ils avaient donc valeur d’exemples, se devaient d’être très poussés. Les artistes utilisent les ressources du dessin : couleur du papier, rehauts, trois crayons, sanguines, etc. Une quinzaine d’artistes des XVII et XVIIIe sont représentés : Nicolas Mignard (frère de…), Jean-Baptiste de Champaigne (neveu de…), les Coypel père et fils, Boucher, Nattier, Van Loo… Gros et Isabey font le lien entre le XVIIIe et le XIXe. Boucher construira sa carrière sur les nus féminins, mais n’est pas inférieur face à un modèle masculin. Le dessin de Van Loo, une pose moins conventionnelle, est une merveille.

    L’Académie libertaire ?

    La seconde exposition rassemble portraits de fondateurs, morceaux de réception, Grand Prix, concours de torse, autres pratiques caractéristiques de la vie académique. Dans l’ensemble, plus des exercices que des œuvres, à part la partie qui évoque le Salon. L’angle est inattendu : « L’histoire de l’Ecole académique fourmille de personnalités et d’œuvres révolutionnaires en leurs temps et irrévérencieuses envers tous les pouvoirs. »

    Les artistes du XVIIe auraient donc cherché à ridiculiser Louis XIV en le représentant en Hercule, « ce balourd de l’antiquité » (sic, communiqué de presse). Au XVIIIe, ils seraient le fer de lance du libertinage. Il est remarqué que, pour Jéroboam sacrifiant aux idoles (Grand Prix de1752), « le jeune Fragonard met le veau d’or autant en valeur que le prophète Jéroboam ». Veut-on nous faire croire à une audace ? L’audace ici consiste à faire de Jéroboam un prophète. Fragonard, lui, se conforme au texte biblique. Le tableau de Desmarais Horace tue sa sœur Camille (Grand Prix de 1785) est un « exemple de sujet féministe ».

    Le débraillé même d’Hubert Robert serait prérévolutionnaire (illustration). Les modernes ont une telle idée de l’Ancien Régime qu’un rien est interprété comme une provocation alors que ce n’est que la manifestation de la liberté qui régnait alors. D’une façon générale, sont prêtées aux artistes des idées qui sont celles du temps, répandues dans les classes cultivées au XVIIIe : l’exemple même d’un certain conformisme, et non d’un courage.

    Samuel

    L’Ecole de la liberté, être artiste à Paris, 1648-1817. Jusqu’au 10 janvier 2010, ENSBA, 13 rue Malaquais, Paris 6e.

    L’Académie mise à nu, L’Ecole du modèle à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Jusqu’au 29 janvier 2010, ENSBA, 14 rue Bonaparte, Paris 6e.

    illustration : Augustin PAJOU, Buste d’Hubert Robert, 1766.


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