• Afrique (animal)

    Au musée Dapper<o:p></o:p>

    Le bestiaire

    d’Afrique noire<o:p></o:p>

    Présent du 17 novembre 07<o:p></o:p>

    Le thème est dans l’air : tandis qu’au Trocadéro on s’interroge sur la nature de l’homme, à la Villette on redéfinit les relations entre hommes et bêtes avec, au programme, abolition des frontières entre espèces, pendant que sur les ondes la chanteuse Zazie, qui ne se trompe jamais de wagon idéologique, répète à satiété : « Je suis un homme au pied du mur / Comme une erreur de la nature / Je suis un homme et je mesure / Toute l’horreur de ma nature… »<o:p></o:p>

    A ces inquiétudes manipulées, le fin mot de l’histoire étant de renier Genèse 1, 26, – ce que MM. Hulot et Bougrain Dubourg appellent « faire descendre l’homme de son piédestal » –, on préfèrera le bestiaire africain, rassemblé par le Musée Dapper avec la rigueur et le souci d’exhaustivité qu’on lui connaît.<o:p></o:p>

    Chaque civilisation possède un bestiaire, caractéristique par les animaux qui le constituent et leurs rôles (religieux, symbolique, décoratif, narratif…). Notre bestiaire médiéval chrétien, par exemple, est un monde extraordinaire, dans lequel on trouve des animaux très exotiques : lions et singes à foisons, crocodiles, éléphants… originaires d’Asie plus que d’Afrique : ce n’est qu’à la fin du XVe siècle qu’un contact direct s’établit entre l’Afrique noire et l’Europe, grâce aux navigateurs Portugais. <o:p></o:p>

    Pour fournir aux grandes tables l’ivoirerie dont elles avaient besoin, les marchands portugais firent réaliser dès cette époque par les artisans des côtes sierra léonaises et béninoises des objets tels que salières, coupes, cuillères (et, pour la chasse, poires à poudre et oliphants). Modèles et motifs européens qu’une main noire interprète, ainsi en va-t-il d’une scène de chasse avec cerf et sanglier, ornée de torsades typiques de l’architecture manuéline, sculptée en mince relief sur un oliphant.<o:p></o:p>

    Cette coopération, pour intéressante qu’elle soit, reste un aspect mineur de l’art africain. Donner une vue d’ensemble du bestiaire propre au continent est impossible, tant sur le plan artistique qu’ethnographique. Qu’ont en commun un crocodile en or, bijou akan (Ghana, Côte d’Ivoire) et un masque d’éléphant bamiléké en tissu perlé (Cameroun) ? Un appui-tête avec antilope (luba, Congo) et une boîte à divination par les souris (baoulé, Côte d’Ivoire) ? Et je laisse de côté les œuvres de l’ancien royaume du Bénin, dont nous parlerons samedi prochain puisqu’elles sont à l’honneur au Quai Branly.<o:p></o:p>

    A ceux qui prétendent zooïfier l’homme, et qui seront par principe plus sensibles à une cosmogonie exogène que biblique, les bâtons rituels kuyu (Congo), composés d’une figure humaine surmontée d’un animal, racontent la séparation entre homme et animal après la création du monde. Très belles sculptures, variées : homme coiffé d’un singe (illustration), femme aux flancs de laquelle s’accrochent des jumeaux et surmontée d’un éléphant… Les motifs de scarifications ajoutent une note décorative. En même temps qu’il différencie l’homme et l’animal, le bâton kuyu exprime la captation magique, par le chasseur, des pouvoirs de l’animal : on note les similitudes entre la face et la gueule, lèvres retroussées sur des dents agressives, oreilles identiques.<o:p></o:p>

    La triade, si africaine, homme / animal / esprits, explique le fréquent recours religieux aux animaux. La figure dite mbotumbo (baoulé) est celle d’un singe incarnant un esprit, utilisée à des fins divinatoires. L’aspect peut être paisible et esthétiquement élevé (les bâtons kuyu), ou l’esthétique indifférente et l’aspect terrible : les nkisi (de l’ethnie songye, Congo), qui servent à lutter contre les maléfices des sorciers, à désigner des coupables, représentent souvent des chiens ; y sont plantés des clous serrés. De contemporains plasticiens y verraient une violence ‘transgressive’ : que non pas, puisque l’utilisation magique de cet objet avait une dimension sociale.<o:p></o:p>

    Dans les cérémonies d’initiation bamana (Mali), les masques de lion, de hyène ou de singe communiquent aux jeunes garçons les vertus propres à chaque animal, ou du moins les invitent à les pratiquer. Rôle plus social que religieux, tout comme les nombreux cas où l’animal est associé à un rang : le cheval témoigne de la classe de son propriétaire. Les statues équestres dogon (Mali) sont remarquables par leur nombre et leurs qualités artistiques.<o:p></o:p>

    Le catalogue de l’exposition réunit de savantes contributions d’ethnologues et de spécialistes en sciences religieuses, ainsi qu’un texte débile de Patrick Chamoiseau. Particulièrement intéressantes sont les photographies de cérémonies afro-brésiliennes prises par Pierre Verger (1902-1996, initié à divers cultes) : crues, violentes, l’initié buvant le sang de l’animal sacrifié ou en étant aspergé, elles montrent a contrario la spécificité et la hauteur du sacrifice chrétien non sanglant.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Animal, jusqu’au 30 mars 2008, <o:p></o:p>

    Musée Dapper : 35 bis, rue Paul Valéry, Paris XVIe, Métro : Victor Hugo, Étoile.<o:p></o:p>

    illustration : Statue Kuyu (détail) © Musée Dapper – photo Hugues Dubois

     

    Autres exposition d'art africain:

    expo esprits Dapper / expo Bénin/ expo femmes afrique<o:p></o:p>


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