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Afrique (Bénin)
Au musée du quai Branly<o:p></o:p>
L’art royal
du vieux Bénin<o:p></o:p>
Présent du 24 novembre 07<o:p></o:p>
Le Royaume du Bénin (XIIe-XIXe) ne correspond pas au pays connu sous ce nom, mais à un territoire du sud de l’actuel Nigeria, à l’ouest du fleuve Niger. L’art qu’il a laissé est un des plus grands d’Afrique noire et le plus accessible à nos yeux européens car il présente des caractéristiques proches de celles de nos arts. Le contact constant avec les Portugais dès 1486 a été proposé comme explication à cette particularité. En réalité, il n’apparaît ni ex nihilo ni ex abrupto. Juste à l’ouest du royaume, les terres cuites de la civilisation d’Ifé (premiers siècles avant notre ère), annoncent celles de la civilisation de Nok (Xe-XIVe), qui pratiqua également la fonte et dont un fondeur, d’après la tradition des Bini, leur en apprit la technique. <o:p></o:p>
La transmission ne fut pas seulement technique, mais aussi artistique. Les têtes des rois et reines mères (ill.) sont dans la lignée des têtes d’Ifé. Elles servaient autant à commémorer le roi défunt qu’à légitimer son successeur. Figuratives, personnalisées, elles sont dépourvues d’expression psychologique. L’impassibilité du visage exprime la majesté royale et donne à la forme sa plénitude.<o:p></o:p>
A l’aise dans la ronde bosse – on voit, outre ces têtes, des statuettes en pied, des animaux –, les artistes ont déployé tout leur talent dans les reliefs. Ces plaques en laiton décoraient les colonnes en bois du palais. Elles racontent les rituels de la cour, représentent le Roi, les dignitaires, les guerriers – pas de femmes dans l’art béninois, hormis la Reine Mère et ses suivantes. Le goût de la composition et l’amour du détail en font des œuvres narratives, originalité indéniable par rapport au reste de l’art africain. La composition est frontale, avec des personnages proportionnés à leur fonction ; peut-être parfois la petitesse suggère-t-elle l’éloignement. Seules deux plaques ont une composition spatiale : des Portugais chassant le léopard, une chasse aux oiseaux.<o:p></o:p>
L’amour du détail, subordonné au tout (la décadence, au cours du XVIIIe, sera marqué par l’envahissement des détails), permet d’apprécier les armes, les objets, les costumes. La confrontation de ces objets avec leurs représentations montre le souci d’exactitude des artistes. Les costumes des dignitaires offrent quantité de motifs : bras, têtes, fleurs, entrelacs, dents de scie, etc. Le palais qu’ornaient ces plaques a disparu, mais on se le représente bien grâce aux représentations du palais sur ces plaques mêmes.<o:p></o:p>
L’omniprésence des Portugais dans l’art béninois reflète l’amitié entre les deux royaumes (en 1505 le roi Manuel offrit un cheval au roi Esigie), entre les deux peuples. On reconnaît les Portugais à leurs cheveux longs, leur barbe, leur costume, et les objets qui les accompagnent : arbalète, mèche de canonnier, puisque des Portugais participèrent aux campagnes guerrières du Royaume, manilles (volumineux bracelet de métal) qui servaient de monnaie d’échange et permirent, apport considérable de métal, de donner un magnifique développement à l’art royal. <o:p></o:p>
Les Béninois rapprochèrent les Portugais arrivés par bateau du dieu de la mer qui accorde richesse et fécondité, ce qui se vérifia. Fécondité artistique, richesse grâce aux intenses échanges commerciaux. Le commerce, régulé par le roi, permettait d’exporter esclaves, poivre, ivoire, coton, raphia, et d’importer cauris de l’Océan indien, étoffes européennes et indiennes, coraux, armes à feu, alcool et métaux. <o:p></o:p>
Cette période faste, profitable aux uns et aux autres, se dégrada lentement avec l’accroissement de la puissance des dignitaires au détriment du pouvoir royal, avec l’effacement des Portugais plus engagés en Amérique du Sud et l’arrivée des concurrents hollandais et anglais. La capitale du royaume tomba aux mains des Anglais le 18 février 1897. Plus de deux mille objets et œuvres furent rapportées en Europe et vendues pour financer les opérations militaires. <o:p></o:p>
Cet art béninois si différent de l’art africain tel que le connaissaient et tel que l’avaient compris les artistes européens qui y avaient vu une totale remise en cause des principes visuels jusque-là admis en Europe, cet art montrait la faiblesse des théories nouvelles (cf. « Picasso Maître cube », Présent du 25 oct). Elles auraient pu être corrigées, mais, ne pouvant admettre que l’Afrique elle aussi ait commis le crime figuratif – sans que cela signifie que l’art africain autre que béninois ne le soit pas, mais l’idée reçue est qu’il ne l’est que peu –, les cubistes et acolytes décrétèrent que l’art béninois était un art africain dégénéré sous l’influence de l’Europe. L’exposition du Quai Branly, si complète, fait justice de cette bourde de taille, que seule explique la haine de soi, déjà…<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Bénin, cinq siècles d’art royal, <o:p></o:p>
jusqu’au 6 janvier 2008, Musée du quai Branly<o:p></o:p>
illustration : Tête d’une Reine Mère, XVIe siècle © Berlin / Martin Franken
Autres expos d'art africain:
expo esprits Dapper / expo animal Dapper / expo femmes afrique
Tags : Afrique, Bénin, sculpture
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