• Anges musiciens

     

    Au château de Vincennes

    Anges musiciens

    Présent du 24 juillet 2010<o:p></o:p>

    La Sainte-Chapelle du château de Vincennes, construite entre la fin du XIVe et le milieu du XVIe, avait souffert de la tempête de 1999. Témoignage de l’élégance des gothiques rayonnant et flamboyant, elle a été rénovée – regrattée jusqu’à l’os : quid de la patine du Temps ?<o:p></o:p>

    Les vitraux du chœur constituent un bel ensemble du XVIe siècle. Ils sont sortis de l’atelier de Nicolas Beaurain, qui avait œuvré pour le roi à Fontainebleau, à Saint-Germain. Racontant l’Apocalypse, ils sont fournis en anges, en anges à trompette notamment. Cela est une première raison d’y accueillir une exposition sur les anges musiciens. Une seconde raison, les autres anges musiciens sculptés aux fenêtres du donjon (XIVe).<o:p></o:p>

    D’abord présentée à Notre-Dame d’Auray par le Centre de musique sacrée, l’exposition est riche en sculptures bretonnes polychromes des XVI et XVIIe siècles, et nul ne s’en plaindra tant cette sculpture, bonhomme ou âpre, est toujours vigoureuse. Les célèbres anges musiciens qui ornent Notre-Dame de Kermascléden (du XVe) sont plus fins, mais inspirés par la même simplicité.<o:p></o:p>

    Tous les anges ne sont pas musiciens. L’ange gardien ne saurait être oublié (toile de Jean-Vincent Lhermittais, XVIIIe). Juché derrière son épaule, un ange guide saint Matthieu lors de la rédaction de son évangile. Deux anges recueillent le sang du Christ dans un calice, au pied de la Sainte Trinité, énorme sculpture catéchétique et populaire (église de Croisty). On les retrouve sur une Trinité semblable, en bas-relief au centre d’un polyptique où figurent des scènes de la vie de la Vierge. Les anges y sont présents : l’Annonciation, la Nativité, et se déploient lors de l’Assomption, du Couronnement, moments où ils se forment en orchestre. Comme le précise le Catéchisme des Anges du Barroux, Marie devient alors leur reine, et « ils jouissent d’un surcroît de béatitude, dite ‘accidentelle’, depuis que la Vierge est montée au ciel ». D’où cette musique céleste en son honneur, où éclate leur joie.<o:p></o:p>

    Une Assomption (peinte vers 1650) montre quatre anges musiciens, avec clochettes, harpe, violon et luth. Les anges d’un vitrail entourent la Vierge, hiérarchisés suivant l’instrument dont ils jouent : les cordes d’abord, les vents ensuite (ill.). <o:p></o:p>

    Les représentations suivent la musique du temps, les instruments sont taillés ou peints d’après nature. Sur les culots sculptés qui proviennent du donjon, on identifie nettement les instruments utilisés : percussions, cordes avec ou sans archet, orgue portatif. Grâce aux témoignages iconographiques nombreux, croisés, des passionnés refabriquent ces ancêtres. Luthiers et facteurs remontent le temps, comme dans la nouvelle de Jacques Perret (Arrangements pour le théorbe). Il ne manque que l’usure à ces instruments qui manifestent dans leurs formes la bizarrerie de leurs vocables : chifonie, rebec, cromorne, cornet à bouquin…<o:p></o:p>

    Sorti de son cadre apocalyptique, l’ange à la trompette prend place au sommet de la chaire, pour que les fidèles n’oublient pas le jour de colère auquel il faut se préparer – et peut-être, aussi, donner au curé de l’allant et de l’inspiration, lui rappeler de ne pas endormir l’auditoire. Trois anges bretons encore : un du XVIIe, en bois noir, à la robe aux plis taillés comme une vis de pressoir ; deux du XVIIIe, plus fades, dont l’un a une discrète poitrine féminine.<o:p></o:p>

    Dans l’incapacité d’imaginer un être asexué, les artistes tendent forcément vers une représentation plutôt homme ou plutôt femme, mais toujours juvénile, et nécessairement amène. Comme le dit le catéchisme, « qui ne voit que l’idée même de ces créatures célestes implique quelque chose d’aimable et de gracieux qui a toujours inspiré les artistes ? » Cependant cette aménité angélique s’accompagne, dans l’art roman, du caractère terrible que leur confère leur rôle de messager et d’envoyé de Dieu. A l’inverse, le baroque connaîtra une floraison de putti, d’une joliesse blessante, « dont la représentation donnera un coup fatal à la piété chrétienne, tant il est vrai que la déformation d’une réalité lui cause plus de mal que sa négation », explique le catéchisme (chap. Iconographie). Au XVIIIe et au XIXe, l’ange se féminise : quand elle devient sentimentale, la piété s’accommode d’anges féminins et languides, qui deviennent, hors de l’art sacré, évaporés et malsains (tableau de Jean-Louis Hamon, Les Muses à Pompéi, XIXe).<o:p></o:p>

    Parmi les sculptures provenant du château de Pierrefonds, un des anges est en réalité une jeune musicienne. On admirera sa longue natte et le remarquable travail du drapé. Mentionnons encore, parmi les œuvres insignes de cette remarquable exposition, un ange éthiopien dessiné à l’encre (livre de prières, IVe siècle ?) ; une petite Annonciation italienne précieuse mais digne (début XVIIe). <o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Anges musiciens.

    Jusqu’au 5 septembre 2010, château de Vincennes (Sainte-chapelle).<o:p></o:p>

    illustration : Ange musicien (XVIe). Saint-Avé, coll. privée (56) © CMS<o:p></o:p>


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  • Commentaires

    1
    Remy Fombon
    Mardi 27 Juillet 2010 à 16:22
    merci de votre magnifique article sur l'exposition das ange musicien à Vincennes
    Je suis tres heureux qu'elle est pu vous inspirer à ce point

    Rémy Fombon Commissaire de l'exposition Anges musiciens
    Centre me musique Sacrée Sainte anne d'Auray
    rfombon.cms@orange.fr
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