• Angkor

     

    Au musée Cernuschi<o:p></o:p>

    Angkor, des racines et des pierres<o:p></o:p>

    Présent du 25 septembre 2010

    Angkor fut la capitale des « Rois des rois des Khmers » du IXe au XVe siècle. Chacun y légua au suivant son lot de temples hindouistes et bouddhistes, qui des bassins, qui des esplanades. Au XVIe, l’abandon fut définitif, le site livré à la végétation.<o:p></o:p>

    Il ne s’agissait point de mauvaises herbes dans une plate-bande mais d’une forêt vierge. L’homme équarri le minéral pour l’appareiller contre la pesanteur, le végétal lutte contre elle pour croître, sans qu’ils soient alliés. Angkor devint le champ de cette bataille où le végétal, par sa persévérance, pousse les pierres et disloque les murailles.<o:p></o:p>

    Le site était connu, mais à la manière d’une forêt fantastique telle qu’aurait pu en rêver Tolkien. En 1860, un explorateur français, Henri Mouhot, y séjourna et dessina. L’image se précisait : c’était bien une forêt fantastique.<o:p></o:p>

    Il revient à l’Ecole française d’Extrême-Orient (fondé en 1901 à Hanoï) d’avoir mené les restaurations. Cette école est un des fleurons de la recherche scientifique coloniale de la France. Parmi les hommes qui dirigèrent les travaux, citons Henri Parmentier, Victor Goloubew, Henri Marchal, Paul Pelliot, Georges Trouvé. Les archives photographiques de l’Ecole donnent une idée du travail accompli de 1907 à 1975. Elles montrent l’état brut, les travaux en cours, le résultat final.<o:p></o:p>

    Un défrichage de bénédictin, un jardinage herculéen a été effectué. Les archéologues avaient face à eux un enchevêtrement de pierres et de branches. Ici le banyan abat un mur, là un fromager prend un édicule comme point d’appui pour s’élever plus haut (illustration), plus loin un ficus semble avoir coiffé un visage monumental à la façon d’une pieuvre. Certaines racines ondulent comme des boas, glissent le long des colonnes, enserrent un temple comme une main puissante. Certaines gauchissent un mur, lui donnent du fruit qu’un arbre va étayer, le maintenant dans un équilibre où chacun dépend de l’autre.<o:p></o:p>

    Parfois il a fallu tout couper et tout remonter. Parfois, quand la végétation était imbriquée à la construction, il a fallu retirer peu à peu, d’abord le tronc, puis les racines, en consolidant au fur et à mesure, ou en déposant. Les archéologues et leurs équipes, avec un matériel assez rudimentaire de treuils, de chèvres en bois à peine dégrossi et d’échafaudages que l’Inspection du Travail n’autoriserait pas, ont pratiqué l’anastylose : la dépose, pierre à pierre, de tout l’édifice, en numérotant chacune, avant de le remonter, solide, parfois sur des assises ou des contre-murs de béton, comme un puzzle géant en trois dimensions.<o:p></o:p>

    Le temple de Banteay Sei est le premier temple cambodgien à avoir été restauré par ce moyen, dans les années trente, en suivant la méthode expérimentée tout d’abord à Java. Situé à une vingtaine de kilomètres du site principal d’Angkor, ce qui explique que ce temple hindou n’a été découvert qu’en 1914, il date du Xe siècle.<o:p></o:p>

    L’exposition retient deux autres édifices : le Baphuon et Neak Pean.<o:p></o:p>

    Le Baphuon est un grand temple montagne shivaïte du XIe siècle. Vices de construction, éboulement… En cours de dépose en 1975, il est devenu un puzzle de 300 000 pièces quasi impossible après que les Rouges ont détruit les relevés et toute la documentation le concernant. Mais qu’est une Révolution pour des archéologues ? Ça s’époussette comme le reste. En 1995 ils ont longuement observé les morceaux répandus sur le sol et ont pu reprendre la construction.<o:p></o:p>

    Le Neak Pean date du XIIe siècle. Il est construit sur une île lotiforme, au milieu d’un des bassins. C’est un temple, mais aussi une représentation du lac mythique bouddhique Anavatapta (« toujours frais »), et encore un « nilomètre » élaboré. Son symbolisme fouillé va de pair avec sa complexité technique. L’édifice résume bien la grâce de l’art khmer, sculpture plutôt : le mur n’apparaît pas en tant que tel, il est degrés, corniches, gâbles, ou bas-reliefs. Et de même que l’architecture se trouve être une forme habitable de la sculpture, la sculpture est picturale : elle saisit les demi-teintes et les quarts de ton, la lumière douce qui fuit sur les figures en méplat, celles des sages et des autres, la flore et la faune, tous conviés à une « orgie ornementale », disait Elie Faure, qui ajoutait, relevant en quoi toujours Angkor aura à voir avec la végétation : « Les entrelacs de fleurs, de fruits, de lianes, de palmes et de plantes grasses… épousent à tel point la ligne de l’architecture qu’ils la rendent plus légère et semblent la soulever tout comme en un réseau aérien de feuilles, de tiges enroulées, de frondaisons suspendues… » Quelques gros plans sur des dragons dégobillant des rinceaux, sur des feuillages encadrant des scènes polylobées, nous en convainquent.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Archéologues à Angkor, Archives photographiques de l’Ecole française d’Extrême-Orient.

    Jusqu’au 2 janvier 2011, musée Cernuschi.

    illustration : Neak Pean, tour centrale avant dégagement © EFEO<o:p></o:p>


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