• Breguet

    Au musée du Louvre

    Un maître du Temps

    Présent du 18 juillet 09

    Les montres conçues par A.-L. Breguet et ses ateliers entre 1775 et 1825 raviront les profanes et les connaisseurs – Jacques Segala, par exemple, dont la pensée intime est que « si a 50 ans on n’a pas une Rolex, on a raté sa vie », ou Julien Dray qui se présente comme « un passionné de montres anciennes », et qui, à l’heure de l’antiracisme, a toujours été ponctuel.

    Suisse d’origine, Abraham-Louis Breguet (1747-1823) installe son atelier à Paris, quai de l’Horloge, en 1775. Au fil des ans, il s’impose sur le marché européen. Ses innovations, tant mécaniques qu’esthétiques, sont impressionnantes.

    Breguet met au point la montre perpétuelle, qui se remonte par les mouvements du bras ; la montre qui sonne ; la pendulette de voyage dont le transport n’interrompt pas le fonctionnement ; l’échappement à force constante, assurance d’un mouvement rigoureusement régulier ; le régulateur à tourbillon qui annule les effets de la gravité terrestre sur le mécanisme ; et cetera, ajouterait-on. Qui plus est, il se joue de la complexité, accumulant sur une même montre les quantièmes, les phases lunaires, bien plus que l’heure : le Temps.

    Sur le plan esthétique, les montres Breguet se signalent par leur élégance. A la montre oignon, renflée, ostentatoire, il substitue une montre beaucoup plus mince, plate (conséquence des progrès techniques), dont le boîtier métallique est nu ou simplement gravé, guilloché. Le cadran est simple, lisible, raffiné ; parfois décentré. Les différents cadrans secondaires, les guichets supplémentaires s’intègrent ingénieusement.

    Louis XVI, féru d’horlogerie, Marie-Antoinette, le duc d’Orléans, acquièrent les montres perpétuelles ; à leur exemple, la cour emboîte le pas. Breguet crée pour le duc de Praslin la montre n°92, extrêmement perfectionnée, mais que dépasse la n°160, réalisée pour Marie-Antoinette : selon la commande, elle doit intégrer tous les possibilités modernes, l’or être utilisé pour toutes les pièces possibles. La « Marie-Antoinette » ne sera achevée qu’en 1827, après la mort de Breguet. Elle restera la montre la plus perfectionnée au monde durant un siècle. L’histoire de la montre n’est pas sans mystère : qui était son commanditaire exact ? Quel rôle joua le marquis de La Groye, page de la Reine dans sa jeunesse, propriétaire ou dépositaire de la montre dans les années 1830, qui la rapporta pour une révision à la maison Breguet mais ne revint jamais la chercher ?

    Ami de jeunesse de Marat, Breguet obtient de lui un passeport pour la Suisse en 1793. En sûreté, il gère à distance son atelier parisien. Le calendrier républicain bouleverse la vie horlogère. Breguet, qui sait s’adapter, produit un certain nombre de montres basées sur ce nouveau rythme décimal, ou combinant l’affichage des calendriers révolutionnaires et grégoriens. La montre n°45 (illustration), basée sur la découpe en dix heures de cent minutes chacune. Elle est typique de sa manière, avec son élégant cadran, avec ses rouages apparents.

    Ceux-ci ne sont pas systématiques mais fréquents (le cadran de la « Marie-Antoinette » est entièrement transparent). Comment ne pas rapprocher cet attrait pour la mécanique, du mécanicisme qui imprègne la philosophie des Lumières, mis en évidence par le Pr Xavier Martin ? Les montres de Breguet sont une illustration du mécanicisme de ce siècle et de sa dimension utopique : au moment où elles acquièrent la régularité et la précision que souhaitaient les philosophes pour la société, celle-ci se dérègle, s’affole, et la tentative d’assembler des hommes-rouages met en branle la fruste mécanique du Dr Guillotin.

    Que la pendulette de voyage qu’il lui avait achetée ait mal fonctionné dans les sables égyptiens, ne suffit pas à expliquer le boycott dont est victime Breguet de la part de Napoléon. La famille impériale hésite à se pourvoir chez lui. Sa clientèle européenne, russe, turque, indispose-t-elle l’Empereur ? Alexandre Ier lui achète une montre avec quantièmes juliens et grégoriens, une pendule marine ; en 1822, un compteur pour régler le pas des troupes. Pour compenser les difficultés, Breguet développe ses liens avec l’Empire ottoman, adaptant là encore son produit au marché (chiffres turcs, boîtiers plus ornés).

    La Restauration marque la reprise des activités. Aux montres, sa maison ajoute la fabrication d’appareils de mesure divers, scientifiques, maritimes. La reconnaissance arrive. Breguet entre à l’Académie des Sciences (1816), est fait Horloger de la Marine Royale (1820). La succession à la tête des ateliers se fait en famille, et par la suite on trouve des Breguet à l’œuvre dans les applications de l’électricité, les recherches aéronautiques.

    Samuel

    Breguet, Un apogée de l’horlogerie européenne.

    Jusqu’au 7 septembre 2009, Musée du Louvre, Aile Sully.

    illustration : Bréguet n°45, vendue au Duc de Praslin en 1806. Diamètre 6,5 cm. © Kremlin Museums, Moscou


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