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Céline, persona non grata
Céline, persona non grata
Au programme des « Célébrations nationales » de l’année 2011, figurent Franz Liszt, Georges Méliès, Théophile Gautier, Michel Foucault… Décédé en 1961, Louis-Ferdinand Céline y avait été inscrit. Protestation de Serge Klarsfeld !… Le président de l’Association des fils et filles de déportés juifs de France, il n’a rien contre la fiction, mais il n’aime pas Céline !…
Le ministre de la Culture, vendredi soir, lors de la présentation qui avait lieu à l’Ecole des Beaux-Arts, s’est rangé à la consigne du lobby inexistant : Céline est radié des « Célébrations nationales ». A la rigueur on le fêtera, comme les autres Céline, le 21 octobre. En catimini.
Le discours est intéressant. Frédéric Mitterrand a pris sa décision « non sous le coup de l’émotion ou de pressions contradictoires » mais en son âme et conscience, les mêmes âme et conscience qui défendaient en 2009 Roman Polanski. Notre ministre reconnaît le génie de l’écrivain mais regrette qu’il ait mis sa plume « au service de l’idéologie répugnante de l’antisémitisme d’une manière obsessionnelle ». Même si Céline a été illustré par Tardi et lu sur scène par Lucchini, reste que « la folie antisémite est une pathologie ». (Interrogation : en ce cas, la réponse à l’antisémitisme cessera-t-elle d’être pénale pour devenir médicale ? Les antisémites seront-ils bourrés de cachets de Mediator ?)
« J’adresse mes félicitations à Frédéric Mitterrand d’avoir eu le courage de désavouer ceux qui, dans son ministère, ont laissé passer cette bourde », a déclaré M. Klarsfeld. Les « Célébrations nationales » sont définies par un haut comité, actuellement présidé par l’historien Jean Favier, qui dirige une équipe d’autorités prestigieuses. Qu’elles se le tiennent pour dit, par une autre autorité.
Pour éviter à l’avenir tout dérapage dans les festivités de la mémoire nationale, le ministre appelle le haut comité à faire des propositions « soit pour définir un changement de la terminologie, soit pour construire une doctrine incontournable des objectifs de l’Etat dans ce domaine délicat » ; il est temps de définir « une frontière entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas ». Il va de soi que l’intrusion de Serge Klarsfeld est acceptable. Elle s’appuie sur une doctrine d’ores et déjà incontournable.
« Je ne doute pas que le haut comité saura répondre sereinement à cette exigence qui est la mienne », enjoint Frédéric Mitterrand, « une exigence de transmission ». Laquelle ne passe pas forcément par la vérité, mais par les nouvelles technologies : « C’est pourquoi j’ai le plaisir de vous annoncer qu’à compter de cette année l’ensemble des anniversaires et des notices contenus dans le recueil [des Célébrations nationales] seront accessibles à partir d’une application pour les écrans tactiles, compatible avec la plupart des supports mobiles. » Un gadget ! Une bagatelle…
Martin Schwa
Présent, n° 7271
du Mardi 25 janvier 2011
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