• Celtes et Scandinaves

    Au musée de Cluny<o:p></o:p>

    Le Nord chrétien<o:p style="font-family: Verdana,Arial,Helvetica,sans-serif; font-weight: bold;"></o:p>

    Présent du 18 octobre 08<o:p></o:p>

    L’art médiéval celte n’est plus à présenter : la production irlandaise, croix de pierre et pages-tapis particulièrement, est connue de tous, à l’inverse des arts scandinaves, qu’ils soient païens ou chrétiens. De même, le monachisme irlandais nous parle plus que les royautés nordiques.<o:p></o:p>

    Pourtant, que de figures de rois chrétiens ! Harald la Dent bleue, roi de Danemark et de Norvège, converti en 965 ; Olav Tryggvesson, roi de Norvège, converti en 996, qui mourut l’an mil, disparaissant dans la mer vêtu de son manteau d’écarlate pour échapper à un complot ; son fils Olav II, plus tard canonisé, défait par le danois Knud le Grand, fils de Sven Barbefourche, grand monarque chrétien qui conquit au début du XIe siècle l’Angleterre, la Norvège et une partie de la Suède… Sans oublier Rollon (860-932), premier duc de Normandie, pirate devenu fidèle vassal de Charles le Simple.<o:p></o:p>

    L’Ecosse, le Pays de Galles et l’Angleterre héritent de l’Irlande. Une meule, un galet ou un morceau d’ardoise ornés d’une simple croix, c’est déjà le réflexe de marquer la pierre. Plus ambitieuses, des stèles et croix de pierre malhabiles où courent des entrelacs, où, sortis en relief plat comme des sablés à l’emporte-pièce, s’alignent des bonshommes rudimentaires, tandis qu’au pied on reconnaît le roi David jouant de la harpe (stèle écossaise en grès, IXe-Xe) ; une croix anglaise en calcaire (Xe-XIe) présente des personnages moins plats, un aigle. <o:p></o:p>

    L’art du métal est autrement maîtrisé : de remarquables fibules au décor curviligne (argent, or, verre…) témoignent d’une longue pratique. Les Scandinaves ne s’y montrent pas moins experts. Ils ont leurs entrelacs propres, constitués d’animaux effilés (au sens propre), emmêlés, moins géométriques, de largeurs variables (ce qu’on nomme « style de Jelling » en référence aux objets trouvés dans la nécropole de la famille d’Harald la Dent bleue).<o:p></o:p>

    Les œuvres scandinaves reflètent le christianisme et le paganisme. Lors de la christianisation progressive de ces régions, qui se fit par à-coups, le paganisme ne disparut pas. Il coexista dans les familles avec la foi nouvelle, ou s’amalgama avec elle, aboutissant à des pratiques hétérodoxes plus ou moins tolérées. Il n’y a là rien d’extraordinaire, entre la victoire officielle sur les idoles et la disparition réelle des pratiques païennes, des siècles s’écoulent. C’est vrai pour l’Afrique comme pour la Lituanie, dernière parcelle d’Europe convertie (au XIVe), qui connaît un paganisme actif. Il en a été de même en France, comme le prouvent de nombreux témoignages et études (Paul Sébillot à la fin du XIXe) ; le père Maunoir, en mission en Bretagne au milieu du XVIIe siècle, rapporte que les habitants de Callac (Côtes d’Armor) ont coutume de réciter « chaque mois, à genoux, un Pater en l’honneur de la nouvelle lune ».<o:p></o:p>

    Dans ce contexte, les pendentifs constituent des signes ostentatoires d’appartenance religieuse : la croix du Christ ou le marteau de Thor. (Ce marteau, nommé Mjollnir, une fois lancé brise tout obstacle avant de revenir de lui-même dans les mains du dieu. Il est également un ustensile religieux puisqu’il sert à consacrer, comme les marteaux chamaniques.)<o:p></o:p>

    Le bois est l’autre matériau de prédilection des peuples du Nord. Les jambages du portail de l’église de Vegusdal (Norvège, illustration) relatent une histoire païenne, la Saga de Völsungar (source de la tétralogie wagnérienne). On y voit Regin et Sigurd, d’abord alliés : Regin forge l’épée de Sigurd – celui-ci, voulant en éprouver la résistance, fendit l’enclume en deux – ; Sigurd en train de rôtir le cœur du dragon Fafner, s’étant brûlé après l’avoir touché il porte son doigt à la bouche ce qui lui communique le pouvoir de comprendre le chant des oiseaux. Ceux-ci lui révèlent que Regin projette de l’assassiner, Sigurd prend les devants et le transperce de son épée. Le mythe n’est plus qu’une histoire populaire, mais si populaire que ces épisodes se retrouvent dans d’autres églises. <o:p></o:p>

    Autre pièce remarquable, une chaise de célébrant en bouleau de la même période. Elle est ornée de médaillons et de frises où tous les procédés décoratifs de l’art roman sont mis en œuvre (symétries axiales, affrontements...). Des fonts baptismaux en stéatite (Suède, fin XIe) mélangent inscription runique et iconographie pré-romane. <o:p></o:p>

    Des droits et coutumes étrangers aux nôtres, une mythologie singulièrement complexe, voilà de quoi être peu à l’aise avec les cultures du nord. On regrette d’autant plus que les explications accompagnant les œuvres présentées dans cette exposition soient succinctes ou résolument manquantes. Le christianisme qui nous est commun est l’accès à ce monde disparu, païen mais captivant comme toutes les épopées.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Celtes et Scandinaves, Rencontres artistiques VIIIe-XIIe siècle, <o:p></o:p>

    jusqu’au 12 janvier 2009, Musée de Cluny<o:p></o:p>

    Illustration : Jambages de portail, Norvège, fin XIIe © Museum of Cultural History, Oslo<o:p></o:p>


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